
Après les avoir vendus, la Belgique peine à récupérer ses chars: «500.000€ pour un char que nous avons cédé à 15.000€»

Cette semaine, on ne compte plus les pays qui envoient des chars en Ukraine pour soutenir Kiev face à la Russie: Royaume-Uni, Pologne, Finlande, Danemark, Pays-Bas, Norvège, Allemagne ou encore États-Unis. Mais en Belgique, rien! Le gouvernement devrait donner ce vendredi son feu vert à la livraison de l'aide militaire «la plus importante» fournie jusqu'ici par notre pays, mais il s'agirait entre autres de missiles anti-aériens. La raison de cette particularité: la Belgique a revendu son stock de chars et n'en possède plus que via des entreprises privées. Aujourd'hui, avec la guerre en Ukraine, les autorités seraient intéressées d'en acquérir de nouveau mais elles font face à plusieurs obstacles, dont l'énorme prix de rachat.
«On est arrivé à la conclusion que c’était une piste à écarter»
Jusqu'aux années 1990-2000, la Belgique disposait d'un certain nombre de chars, mais ceux-ci n'étaient plus utilisés. La guerre froide avait pris fin, la Russie semblait être à nouveau un partenaire fiable, et leur utilité semblait de moins en moins évidente. Ils ont donc littéralement pris la poussière et leur état s'est dégradé. «Il y a une bonne dizaine d'années, il a été décidé de revendre ces chars puisqu'ils n'étaient plus opérationnels», et ce pour «pour une somme équivalent à 10-15.000 euros vu qu'ils ne fonctionnaient plus», a expliqué ce mercredi la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, au micro de Bel RTL.
Depuis, changement de contexte. Moscou se montre à nouveau menaçante et le monde se montre bien plus hostile qu'il y a 10-20 ans. La question se pose donc de racheter ses chars. Le souci, c'est que les entreprises belges qui les possèdent désormais ne seraient prêts à les céder à la Défense qu'avec «une marge qui est déraisonnable», juge la ministre. «On est sur un prix de revente de 500.000 euros pièce, pour du matériel qui est stocké dans des hangars et pour lequel il n'y a eu aucun travail de remise en état», se désole-t-elle.
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Il n'empêche, un relevé a été mené pour voir ce qui pourrait être disponible. Le chef de la Défense, l’amiral Michel Hofman, a notamment confié lors d'une conférence de presse mardi que la Belgique avait «investigué la piste des Gepard». «Le problème, c’est que ces Gepard belges sont d’une génération encore plus ancienne que ceux que les Allemands avaient encore dans leurs stocks, et leur mise à jour était impossible, sauf grands investissements. On a regardé cela en profondeur et on est arrivé à la conclusion, ensemble avec l’industrie, que c’était une piste à écarter», explique-t-il.
Un coût d'entretien énorme
Actuellement, quelques entreprises belges possèdent ces anciens chars de l'armée, comme OIP et John Cockerill. La VRT a par exemple été à Tournai, où des hangars en sont remplis. Mais le marchand d'armes qui les possède, Freddy Versluys, préfère mettre en garde: «Je ne conseillerais à personne de simplement l'envoyer en Ukraine». «S'ils sont envoyés au combat, ils doivent être fiables. Nous ne voulons pas qu'ils s'effondrent tout de suite», dit-il.
Outre le prix de rachat, Freddy Versluys fait également le bilan des aménagements nécessaires pour les remettre sur pied, et autant dire qu'il faudra mettre la main au portemonnaie. «De nouvelles chenilles ? 120.000 euros. Faire contrôler le moteur ? 185.000 euros. De nouveaux amortisseurs ? 36.000 euros. Système de conduite de tir ? 500.000 euros», liste-il.
La Défense belge pas assez prudente?
Face à ce manque de chars belges, la Défense a-t-elle fait preuve de négligence? Pour Ludivine Dedonder, le fait était accompli lorsqu'elle est arrivée à la tête de son ministère. Mais qu'en est-il de ses prédécesseurs? «Ils ont pris cette décision dans la situation géopolitique du moment. (...) Ils ne s'attendaient pas à ce qu'une autre guerre éclate sur le continent européen», explique-t-elle.
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«Dans le contexte budgétaire de cette époque-là, nous avons fait un choix», estime aussi Marc Thys, le vice-chef d'état-major de l'armée belge, qui précise qu'il faut aussi penser à entretenir les stocks d'autres véhicules blindés dans le contexte de la guerre en Ukraine. «L'effort est très profond. N'oubliez pas qu'il s'agit d'un ultramarathon. Ce conflit va durer longtemps et nécessitera un effort soutenu de tout le bloc occidental».