

On vient de l'apprendre. Sur le réseau Facebook circule une invitation pour un étrange meeting. Une initiative de « Chez Nous », un obscur et nouveau mouvement politique cofondé par Jérôme Munier et Grégory Vanden Bruel, ex-membres du Parti Populaire (PP). Disponible sur leur site web, leur programme laisse planer peu de doutes sur son allégeance à la droite radicale et xénophobe. Lutte contre le « racisme anti-blancs », légalisation de la discrimination au logement, limitation la plus stricte du port du voile, interdiction des minarets, expulsion immédiate des sans-papiers, enseignement d’une « histoire chronologique et non repentante », privatisation de la RTBF pour mettre fin à « son conseil d'administration politisé », suppression du Centre fédéral Migration (Myria), du Centre pour l’égalité des chances, conditionnement de l'aide au développement à la lutte contre l'immigration, arrêt des allocations pour les bénéficiaires du droit d'asile, renforcement de l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes Frontex, lutte contre "le trafic des Roms", retour aux noms religieux des congés, fin de la censure du Père Fouettard, inscription des racines chrétiennes dans la Constitution...
Selon Le Journal de RésistanceS, édité par l'Observatoire belge de l'extrême droite, « Chez Nous » est bien « un nouveau parti d'extrême droite pur jus. Éléments de langage identiques, rhétorique semblable, projet commun, cibles similaires... » Avant de dresser le CV peu reluisant de son cofondateur Jérôme Munier: « Membre de la direction du PP, ce Munier faisait partie de sa tendance d'ultra droite. Il a été le maillon essentiel d'une conspiration interne pour déboulonner Mischaël Modrikamen, le président-fondateur du PP. Elle était fomentée de l'extérieur avec Ghislain Dubois, l'avocat belge de Marine Le Pen, la présidente du Front National français. Jérôme Munier était alors en contact direct avec les Jeunes du FN lepéniste. Leur projet était de liquider le PP pour le remplacer par une nouvelle structure. Les réunions des conjurés avait lieu du côté de Namur au café « Chez Nous ». D'où le nom choisi. Il fait aussi référence au slogan des ultras de foot: « On est chez nous ! » et au film de notre compatriote Lucas Belvaux sur la montée du FN dans le Nord de la France, sorti en 2017. »
Un nouveau groupuscule nationaliste wallon dont la caisse de résonance - à l'instar de celle des nazillons du mouvement Nation - ne risque pas de dépasser le cadre de quelques bistrots aux discussions bas du front ? Rien n'est moins sûr. Si l'invitation révèle clairement une crise de paranoïa aiguë - « Cet événement exceptionnel aura lieu le 27 octobre à 19h. L'adresse exacte vous parviendra par e-mail et par SMS trois heures avant pour des raisons de sécurité. Seules les personnes inscrites pourront entrer et les cartes d'identité seront vérifiées. » -, les invités annoncés sont loin d'être de simples petits sympathisants. Les deux guest-stars sont en effet Tom Van Grieken, président du parti flamand d'extrême droite Vlaams Belang, et Jordan Bardella, président du Rassemblement National (ex FN). Rien que ça. A noter que le site du parti « Chez Nous » recrute des sympathisants et propose également un questionnaire pour les filtrer. Histoire de savoir si on colle vraiment à leurs valeurs et idées politiques.
Et ça donne quoi? Des crèches de Noël au sort de Marc Dutroux en passant par les droits de succession ou le nombre de ministres de la Santé (ont-ils oublié que notre État était fédéral?), ce questionnaire brasse large. Il brasse surtout du vent avec des questions tellement ouvertes que cela n'a aucun sens de les poser. Comme celle où ils demandent si on est pour ou contre « le retour des djihadistes en Belgique ». Pour être jugés, incarcérés, relâchés sans surveillance dans la nature? On n'en sait rien. Si on obtient un nombre trop important de « mauvaises réponses », la sentence tombe immédiatement. « Vous n’êtes pas d’accord avec les valeurs de Chez Nous. Aucun problème, c’est la démocratie! Sachez toutefois que votre monde, c’est comme à Téhéran ou à Riyad... » Ce nouveau parti politique, à la tendance très zemourienne, rejoint par les flamingants et les nationalistes français, peut-il accoucher d'une véritable droite radicale en Wallonie? Les impacts sociaux de la pandémie et la crise économique qui se profile pourraient en tout cas lui donner un certain écho. À suivre. De près.