Devenir soigneur à Pairi Daiza le temps d'une journée : on a testé

Pairi Daiza propose à ses visiteurs d’accompagner les soigneurs dans les coulisses pendant une journée. Le prix est élevé, mais l’expérience immersive est unique.

pairi daiza
© Emilien Hofman

Le Mersus Emergo a la carrure d’un baleinier, mais heureusement pas sa fonction. Depuis 2003, le cargo occupe les eaux de la lagune orientale des anciens jardins de l’abbaye de Cambron-Casteau, où il accueille aujourd’hui des crocodiles, des girafes et deux ­hippopotames nains: Quma et Norbert. Ce matin, 8h30, ces herbivores doivent justement être ­nourris. Face à eux: Lis, Fiorella, Lavy et Sam, aucune expérience à leur compteur, mais pourtant armés de pelles et de râteaux pour changer la luzerne - la plante fourragère que les hippos nains consomment - de leur espace extérieur.

Sentiers interdits

Quma n’est pas commode, elle s’est déjà débarrassée d’une femelle dans un autre parc, les règles de sécurité sont donc strictes: personne ne touche la rambarde de sa loge. “Ça a l’air très lent, mais ça a de meilleurs réflexes et ça court plus vite que vous”, précise Tom. La trentaine, barbue, ce Gantois est soigneur à Pairi Daiza depuis près de cinq ans. Il a donc désormais l’habitude d’ouvrir chaque semaine les portes secrètes du parc à de petits ­groupes de visiteurs, qu’il immerge ainsi dans son quotidien de soigneur… et ses coulisses aux odeurs de nourriture et d’excréments. Soigneur d’un jour, une véritable expérience olfactive. C’est inévitable: emprunter les chemins barrés d’un sens interdit procure un malin plaisir, surtout quand ils mènent dans l’envers du décor. Au Temple d’Ani, les éléphants Jana et Praia ne sont pas encore de sortie. Des soigneurs spécialement recrutés en Thaïlande sont en train de leur donner la douche, de disquer leurs pattes et de réaliser sur eux une prise de sang et d’urine.

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Les quatre visiteurs en profitent donc pour placer des carottes partout dans leur enclos: derrière les rochers, sur les poteaux, dans le foin, etc. “Ici, c’est la décharge, plaisante Tom. Pour avaler 100 kilos de nourriture par jour, les éléphants mangent de tout, donc même ce que les autres animaux ne veulent pas ou du carton bio.” Pour maintenir intacte l’attention de ses apprentis, le guide enchaîne petites questions et devinettes. Et interroge ainsi sur l’intérêt de cacher la nourriture. “Pour entretenir leur instinct”, répond l’un. “Pour les occuper”, tente l’autre. “Correct. On cherche aussi à les faire bouger et à les stimuler le plus possible mentalement, ajoute Tom. C’est bien que ça soit vous qui le fassiez pour varier les “cachettes” parce que nous, les soigneurs, on a inévitablement nos habi­tudes.” Négliger la stimulation de la curiosité des ­animaux peut les mener à la dépression.

Pairi Daiza

© Emilien Hofman

Avec l’activité “Soigneur d’un jour”, le parc offre donc une expérience unique au visiteur tout en assouvissant les besoins naturels de ses résidents. “J’accorde beaucoup d’importance au bien-être animal, confie Sam, de Huy, qui s’est vu offrir cette journée par son épouse. Je suis un habitué du parc et j’avais vraiment envie de découvrir comment les bêtes étaient prises en charge.” Vœu exaucé dès le moment où le quadra offre une banane et une caresse à Praia, ce pachyderme de 51 ans.

Au plus près du lion

Sans se hâter, mais sans traîner non plus pour ne pas énerver l’animal. À la sortie du palais, Tom lève les yeux vers le porche et indique la présence d’un vase où reposent les cendres d’Ani, qui était l’une des femelles préférées des soigneurs et des visiteurs. “J’ignorais totalement cela”, lance Lavy. Pourtant, il s’offre chaque année l’abonnement au parc avec sa compagne Fiorella, à qui il a fait cadeau de cette journée pour son anniversaire. “J’espère vraiment pouvoir m’occuper des manchots, sourit-elle. C’est mon animal préféré.

Le commun des mortels est généralement verni s’il peut apercevoir un lion à une trentaine de mètres de distance. Alors quand le félin se tient à moins de 60 centimètres - certes de l’autre côté d’une solide grille - il y a de quoi s’agiter, d’autant que le ­moindre de ses grognements provoque un ­tressaillement intense. Christopher est soigneur dans le secteur carnivore, où se côtoient 70 bêtes. Vers 11 h, il prend temporairement le relais de Tom. Via la salle des employés et son odeur de café, il emmène à la rencontre des lions Dany et Dana puis de la hyène Neyla. Ici, pas de soins prodigués par les visiteurs: la moindre erreur serait fatale, vu que la mâchoire d’une hyène possède une force de pression d’une tonne au cm2. “Elle peut croquer un os et le manger en entier, s’amuse Christopher, qui use de qualificatifs dithyrambiques pour parler des hyènes. Elles rigolent quand elles sont excitées, qu’elles s’amusent ou qu’il y a de la nourriture, mais elles ne sont pas bêtes comme dans Le Roi Lion.

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Lancer façon “basket” une pomme à un hippopotame qui ouvre grand la gueule, se faire grignoter des morceaux de carottes dans la main par des lémuriens ou nettoyer à la pelle les loges des rhinocéros, voilà le genre d’activités prévues lors de cette exploration particulière du parc. Payer pour ­travailler, donc? “Pas du tout”, rétorque Lis. Cette Luxembourgeoise est vétérinaire dans le civil. Elle a toujours rêvé de travailler avec des animaux exo­tiques et vit donc en quelque sorte son rêve par ­procuration. “La visite est quand même assez luxueuse. Tout est prêt à l’avance, même les fruits sont coupés. C’est confortable, mais ça ne m’aurait pas dérangée d’enfiler encore plus la casquette de ­soigneuse.” Fiorella, elle, se dit complètement ­convaincue: elle ne pensait pas côtoyer autant d’animaux. Et tant pis si les manchots n’ont finalement pas intégré le programme. “De toute façon, c’est surtout l’occasion de découvrir comment font tous ces soigneurs en interne pour gérer cet immense espace, commente son compagnon Lavy. De l’extérieur, on a souvent l’impression que tout est rose. Là, on voit que ce n’est pas toujours évident de les nourrir ou de les ­calmer… mais je suis prêt à recommencer!

hippopotame

© Emilien Hofman

En pratique

Prix: 275 €/personne dont une partie est reversée à la Pairi Daiza Foundation.
Quand: Tous les jours sur réservation. Attention: fermeture annuelle du parc jusqu’au 18 février.
Alternative: Animal Adventures, qui propose de passer une heure avec un animal bien précis.

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