Le boom des comportementalistes félins : "Le chat a un langage qu’il convient de comprendre"

Depuis quelques années, une nouvelle profession apparaît dans le paysage du bien-être animal: celle de comportementaliste pour chats. Rencontres et ronrons.

même les chats ont des psys...
Même les chats ont des psys… © Adobe Stock

ABC. Animal Behaviour Centre. Une vaste maison à front de rue dans un des plus beaux villages de Wallonie, Mélin, entre Beauvechain et ­Jodoigne. La porte d’entrée s’ouvre et un léger fumet prévient qu’ici on reçoit des animaux par dizaines. Dans la boutique, on trouve tout pour le chat et le chien. De la nourriture fraîche, en croquettes. Des friandises. De quoi les promener, les laver, les soigner, les éduquer. Des jeux éducatifs. Julie Willems, psychologue spécialisée en éthologie, nous accueille dans un cabinet adjacent. “Le nombre de comportementalistes est en croissance, le nombre d’animaux est en croissance et le nombre de troubles du comportement des animaux l’est aussi”, résume la ­praticienne qui, par ailleurs, dispense dans son ­centre une formation de 11 jours de comportementaliste félin. La profession n’est pas protégée, mais ABC a mis au point une charte de bonnes pratiques centrées sur le respect de l’animal. Il n’existe pas de fédération des comportementalistes félins. Le ­nombre de praticiens est inconnu, mais Google indique qu’ils sont plusieurs dizaines en Belgique.

Cette profession est née aux États-Unis à la fin du XXe siècle et s’est implantée chez nous au début des années 2000. Les troubles comportementaux chez les animaux domestiques sont apparus dans les années 90. Principalement pour cause de changements de nos modes de vie. Entre autres, le fait que les femmes ont massivement ­travaillé. Ce qui veut dire qu’il n’y avait plus personne à la maison.” On demande aux chiens de rester seuls 8, 9, 10 heures par jour. On peut donc avoir des problèmes comportementaux consécutifs à cette solitude, axés sur l’anxiété de la séparation. Pour les chats, la survenue de problèmes trouve plutôt son origine dans la croissance de la population urbaine. Avant, les possesseurs de chats habitaient la cam­pagne ou des maisons avec un jardin ce qui permettait à leurs félins de faire leurs besoins dehors et d’avoir accès à un espace suffisamment grand pour qu’il n’y ait pas de problème de territorialité.

Mon humain me stresse

Aujourd’hui, beaucoup de chats sont cantonnés en appartement. Ils ne peuvent plus exercer leur rôle de prédateur, ils ne peuvent pas explorer, ils s’ennuient. Ils doivent faire leurs besoins dans une litière qui, si elle n’est pas changée régulièrement, peut provoquer des soucis de propreté. Et il y a de plus en plus de chats ce qui implique des conflits de territorialité. Ces problèmes peuvent entraîner de l’agressivité et des marquages urinaires.” Ennui, propreté, territorialité sont les trois problèmes comportementaux les plus fréquents de nos félidés domestiques. Comment ceux-ci sont-ils pris en charge, comment se passe une consultation?

Je ne me déplace plus à domicile par manque de temps. Les gens viennent ici avec leur chat, je fais également des consultations en visio parce que je n’ai pas spécialement besoin de voir les chats pour déterminer le problème. Sinon, les gens viennent, ils déposent la cage de transport et l’ouvrent. On laisse le chat décider s’il en sort ou pas. Ça permet de voir s’il s’agit d’un animal timide ou au contraire sûr de lui. J’observe le chat et j’observe aussi la relation qu’il y a entre l’animal et le maître.” Le ­maître explique la problématique. Julie Willems questionne, analyse, propose des solutions et généralement le problème est réglé. La comportementaliste pointe le fait que l’augmentation du niveau de stress vécu par la plupart d’entre nous se transmet à nos animaux et que c’est une cause supplémentaire de la survenance chez eux de problèmes comportementaux. Une consultation coûte 80 euros.

comportementaliste pour chats

Ennui, malpropreté, problèmes de territorialité: les trois problèmes comportementaux les plus fréquents de nos félidés domestiques. © Unsplash

Julie Sanchez, elle aussi comportementaliste pour chats, se rend à domicile. “Je ne suis pas vétérinaire, donc je n’ai pas le droit de poser un diagnostic sur un trouble de l’humeur ou une pathologie. Si je suspecte cela, j’ai le devoir d’en référer à un vétérinaire.” Sa ­consultation procède d’une analyse globale pour observer la problématique “in situ” et la place de l’animal au sein de la famille. S’agit-il de besoins non satisfaits? D’une problématique de sénescence chez un vieux chat? Un éventuel souci médical (auquel cas elle en réfère au vétérinaire), comportemental ou lié à l’humain? “Il suffit parfois simplement d’aménager l’espace de telle façon que l’animal s’y sente bien ou d’apprendre aux maîtres à décoder correctement les signaux que le chat émet. Le chat a un langage qu’il convient de comprendre. Un chat qui vient se coucher sur vos genoux, ce n’est pas forcément une demande de caresses. De même, un chat n’est pas “dominant”. C’est un animal qui, au départ, n’est pas fait pour vivre en groupe: il ne perçoit pas les relations en termes de ­hiérarchie.” Nos matous “réfléchissent” plutôt en ­termes de “protection des ressources”, la ressource principale étant la nourriture. Il faut donc veiller à multiplier ces points de ressources (les gamelles). Ce qui n’exclut pas qu’un chat puisse être très attaché à “son” humain, la source de sa “ressource”.

Et si le problème n'est pas réglé ?

Miaulements intempestifs, agression envers d’autres chats, malpropreté, agressivité avec l’humain… Quel est le taux de résolution de ces problèmes? Sur Google, la note Google de Julie Sanchez est maximale. “Les gens semblent satisfaits, j’assure un suivi pendant deux mois par mail ou téléphone. Pour les chats, il arrive qu’il y ait deux ou trois consultations, mais, généralement, une suffit. Chez moi, elle dure entre 90 et 120 min. Plus le rapport, plus le suivi, le tout pour 130 euros.” Parfois, des problèmes ­semblent insolubles. Quand la comportementaliste féline passe-t-elle la main et à qui? “Lorsqu’il s’agit d’une consultation d’un chat qui m’a été envoyé par un vétérinaire, je renvoie à ce vétérinaire avec un rapport conseillant de recourir à un spécialiste en psychiatrie. Quand c’est une consultation directe, je renvoie directement à un vétérinaire psychiatrique qui posera un diagnostic et éventuellement prescrira un traitement médicamenteux. La psychiatrie animale se développe de plus en plus et est de plus en plus enseignée à la faculté.” Et grâce à elle, Poussy aura au moins l’autorisation, pour une fois, de laisser ses poils sur le divan.

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