
Florence Mendez virée par M6 après avoir traité Darmanin de violeur: "J'ai l'impression qu'on nous fait payer #MeToo"

Coup de tonnerre chez M6: le groupe vient de licencier la comédienne et humoriste belge Florence Mendez. Elle perd ainsi son poste de chroniqueuse dans l'émission "Piquantes", diffusée sur Téva. Comme elle l'a expliqué dans une publication sur Instagram, la cause est à chercher dans une altercation avec Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur français. Après l'avoir croisé dans la rue, elle l'a traité de "violeur". Une référence aux accusations de viol qui pèsent sur l'ancien maire de Tourcoing, l'affaire devant être portée devant la Cour de cassation après un non-lieu édicté par la justice. Aujourd'hui, Florence Mendez "conteste la sévérité de la sanction" qui la prive d'une participation à la prochaine saison de "Piquantes". Elle nous confie ne pas vouloir en rester là et se dit inquiète du message que cela fait passer dans un contexte compliqué pour le mouvement féministe.
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"C'était le choc complet"
Avant tout, l'humoriste belge se dit surtout "très triste" de ce qui lui arrive, qualifiant même la situation d'"hyper difficile" pour elle. "'Piquantes' est une émission dont j'étais une des pionnières et dont j'étais très fière. Et là, ça s'arrête pour moi. C'est une perte de revenus, de visibilité et un sentiment de rejet", nous déclare-t-elle. La situation est donc dure pour elle, mais aussi pour ses collègues qui l'ont par ailleurs soutenue, précise-t-elle. "Je pense que pour l'instant, tout le monde est un peu en état de sidération, parce qu'on ne s'attendait vraiment pas à ce que la sanction soit aussi sévère".
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Elle nous affirme en effet qu'elle n'a vraiment pas vu le coup venir. Pour elle, cet incident avec Gérald Darmanin était un "non-événement", surtout vu que cela s'était produit loin des plateaux de télévision. "À part le service de sécurité de M6 et du ministre, il n'y avait quasiment personne dans cette rue. Je n'étais même pas avec mon badge et vu que je ne suis pas hyper connue, il est probable que Gérald Darmanin ne sache même pas qui je suis", dit-elle.
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Quand elle l'a croisé, les accusations de viol qui le concernent lui sont revenues directement en tête. La réaction de la comédienne belge a été épidermique, "émotionnelle et non préméditée". "Je l'ai vu et je me suis juste dit 'Oh non, pas lui!', puis voilà. Je suis très engagée dans le combat féministe et quand je le vois, je ne vais pas lui demander un autographe", dit-elle. "Dans 'Piquantes', on passe notre temps à se foutre de la gueule de Darmanin, même quand Marlène Schiappa (la Secrétaire d'État chargée de l’économie sociale et solidaire, ndlr) est venue sur le plateau. Il faut rappeler qu'il a quand même reconnu qu'il avait échangé des faveurs sexuelles contre des appartements à des prix avantageux. On parle donc d'un homme qui a monnayé des services sexuels contre le pouvoir dont il disposait. C'est déjà très problématique, que ces accusations de viol soient fondées ou pas. Rien que pour ça, il devrait être interdit de l'exercice du pouvoir. Donc oui, quand je l'ai vu, mon sang n'a fait qu'un tour".
Florence Mendez affirme qu'après cette altercation, elle ne s'attendait pas à ce qu'il se passe quelque chose, puis "cela a évolué graduellement". "Quand j'ai été convoquée, je me disais que j'allais me faire taper sur les doigts. Lorsqu'on m'explique qu'on me met à pied pour la fin de la saison 3, je pensais que c'était pour marquer le coup. Et là, on me dit qu'il y a une saison 4 et que je ne suis pas reconduite. C'était le choc complet".
"Je suis persuadée que si j'avais été un homme, je n'aurais pas été virée"
Pour l'humoriste, cette décision de la licencier est "disproportionnée" et ce à plusieurs titres. Tout d'abord, elle rappelle être atteinte d'un trouble du spectre autistique. Le groupe M6 le savait et aujourd'hui, elle relève le paradoxe créé par cette situation. "Un certificat de mon psychiatre leur avait été envoyé en expliquant bien qu'ils engageaient une personne autiste qui n'a pas de filtre et avec le risque que mes réactions ne soient parfois pas appropriées. Malgré ça, ils ont choisi de me virer. Cela pose la question de la discrimination. On m'engage parce que je suis autiste et on me vire parce que j'ai un petit dérapage explicable par mon autisme".
Florence Mendez voit également dans son sort le reflet d'une autre discrimination, cette fois-ci liée aux inégalités entre hommes et femmes. "Je suis persuadée que si j'avais été un homme, je n'aurais pas été virée", juge-t-elle. Elle en veut pour preuve que de manière générale, elle constate qu'"on est puni plus sévèrement quand on dénonce des personnes qui font du mal aux femmes". "Il suffit de voir ce qui est arrivé à cette pauvre actrice qui a dénoncé Gérard Depardieu. Elle est dans un état abominable et pendant ce temps-là, Depardieu continue de tourner", rappelle-t-elle.
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Elle fait ainsi le lien avec le contexte actuel, en estimant avoir "l'impression que la situation empire encore pour les femmes". "On voit partout Frédéric Beigbeder pleurer pour dire que quand on est un homme, on ne peut plus rien dire. Mais ce qu'on remarque surtout, c'est que les agresseurs continuent de vivre leurs vies. Johnny Depp est de retour à Cannes, PPDA n'a toujours pas été inquiété, Morandini continue d'animer, Adrien Quatennens a repris son poste. En parallèle, Adèle Haenel arrête de faire du cinéma et moi je perds mon boulot. Quand on est une femme, on ne peut rien dire. J'ai l'impression qu'on nous fait payer #MeToo".
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Un contexte politique qui l'inquiète
Puis reste une question: Gérald Darmanin se serait-il plaint auprès de M6, d'où cette sanction sévère? "Ce serait inique de ma part de dire qu'il y aurait eu une vendetta du ministère de l'Intérieur contre moi", nous confie-t-elle. Pourtant, elle se demande: "Est-ce que si j'avais balancé ça à Élisabeth Borne ou à Jean-Luc Mélenchon, ça aurait été différent? Je ne sais pas". "Je suis saltimbanque, je fais des blagues. Ici, c'est un peu David contre Goliath. On reproche à une souris d'avoir fait peur à un éléphant".
Elle ne cache en tout cas pas son inquiétude par rapport au climat politique ambiant. "On entend toujours la droite pleurer sur la liberté d'expression. Mais ceux qui voient véritablement leur liberté d'expression réprimée, ce sont plutôt ceux à gauche j'ai l'impression. Depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron au pouvoir, je me demande si on n'est pas en train de museler les humoristes engagés".
Ces craintes se reflètent également dans le milieu de la télévision, où cette polarisation idéologique se retrouve aussi. "'Piquantes' est une émission à laquelle je crois beaucoup avec de bonnes audiences, de l'humour et surtout du fond. C'est un programme utile, engagé et qui combat des injustices sociales, alors que le paysage médiatique français est dominé par Cyril Hanouna, ce qui fait assez peur", analyse-t-elle. "Et aujourd'hui, qu'est-ce que cette sanction dit de notre émission dans laquelle nous avons mis tant d'énergie et de sincérité? On pensait vraiment que notre parole féministe était entendue. Maintenant, on se rend compte que le programme a servi à vendre du féminisme mais que quand il faut poser des actes, il n'y a plus personne".
Sans rétropédalage de M6, "j'irai en justice, oui"
Après son licenciement, Florence Mendez n'exclut aucun scénario, même la possibilité d'être attaquée en justice par Gérald Darmanin pour diffamation. Il faut dire que le ministre de l'Intérieur l'a déjà fait vis-à-vis d'un membre de la CGT qui, comme elle, l'avait traité de "violeur". Cet homme a d'abord été condamné à 1.500 euros d'amende avant que cette décision soit annulée par la Cour de cassation, qui a depuis renvoyé le dossier vers une cour d'appel. "Si Darmanin m'attaque en diffamation, ce serait la cerise sur le gâteau. Mais je crois que cela ne serait pas très malin, parce que cela pourrait faire passer l'idée que l'on muselle", estime l'humoriste belge.
Enfin, vis-à-vis de M6, elle se montre ouverte à une réconciliation, mais pas à n'importe quel prix: "S'ils font marche arrière et reconnaissent que la sanction était disproportionnée, je reviens, bien évidemment. Sans excuses de leur part, j'irai aux prud'hommes, parce que j'ai été licenciée injustement. Quand Maïtena Biraben a été virée de Canal+, c'est ce qu'elle a fait et elle a gagné. Donc si le message ne porte pas assez sur les réseaux sociaux, j'irai en justice, oui". L'affaire n'est donc pas terminée? "Oh non! Si vous connaissez un peu le caractère de la demoiselle, vous savez que ce n'est pas terminé! Je ne vais pas combattre que lorsque cela arrive aux autres pour ensuite courber l'échine quand ça m'arrive à moi, ce n'est pas possible". Interpellé par le Parisien, le groupe M6 n'a pas donné suite aux sollicitations qui lui ont été faites.