Ennemi public revient pour une troisième saison : belle période pour les séries belges

Après Des gens bien et 1985, la RTBF dévoile sa troisième série belge de la saison, avec la dernière salve d’Ennemi public. Focus sur cette multiplication des fictions made in Belgium.

Ennemi Public
Stéphanie Blanchoud et Angelo Bison dans Ennemi public. © RTBF
Diffusion le 12 mars à 20h55 sur La Une

Premier projet - avec La trêve - à avoir été retenu par le Fonds des séries ­belges il y a tout juste dix ans, Ennemi public fait son retour, après deux ­premières saisons diffusées en 2016 et 2019. Quatre longues années d’attente donc pour ses (nombreux) fans, qui s’expliquent. D’abord par le fait que la série, qui constituait un laboratoire inédit au niveau belge francophone, a connu un succès imminent, dépassant toutes les attentes. Ensuite, pour s’inscrire dans l’air du temps, un changement de format a dû s’opérer: six épisodes, au lieu des dix habituels. Et enfin, un retard a été causé par la crise sanitaire et surtout, par le décès d’un comédien (Vincent Eloy) en pleine préparation du tournage. Des péripéties qui se sont révélées un ­casse-tête, tant pour la production que pour les auteurs. Et pourtant, nous a confié son créateur Matthieu Frances: “Malgré ces embûches et cette tragédie, jamais, dans mon esprit, je n’ai imaginé que cette saison finale ne se fasse pas. Par respect pour notre public et pour une équipe d’une centaine de personnes”.

Une saison plus lumineuse

Pour rappel, librement inspiré de l’affaire Dutroux, Ennemi public retrace l’histoire de Guy Béranger (le marquant Angelo Bison), un tueur d’enfants qui, après vingt ans de prison, a trouvé refuge à l’abbaye fictive de Vielsart, dans les Ardennes. Une arrivée suscitant quelques inquiétudes dans le village, malgré la protection de l’inspectrice Chloé Muller (Stéphanie Blanchoud). Les deux saisons ont livré les secrets des différents personnages, nous laissant sur la disparition de la sœur de Chloé, Jessica (Pauline Étienne). Sans trop en dire sur cette nouvelle fournée, celle-ci change radicalement, à bien des égards. Par sa luminosité surtout, rendant son atmosphère bien différente. “On a pour la première fois tourné au printemps et en été, ce qui change tout, complète Frances. Et on continue de s’éloigner de l’aspect western des débuts, en s’inscrivant plus dans un drame familial. On est moins dans l’action et du côté sombre du départ. Puis, après avoir tenté de créer une sorte d’humanité autour d’un monstre, on se concentre plus cette fois sur le point de vue des victimes. Et malgré le resserrement des épisodes, on a veillé à ce que l’en­semble respire bien, en gardant le côté émotionnel.

Continuer à s’inspirer de la Flandre

Devant une bonne part de son succès à l’évocation des tristes faits qui ont touché notre pays dans les années nonante, la série a convaincu le public, bien au-delà de nos frontières. Auréolée de plusieurs prix internationaux - dont celui de la meilleure interprétation à Bison, au prestigieux Festival Séries Mania en 2016 -, elle a été diffusée dans près d’une quarantaine de pays (Allemagne, Australie, France, Portugal, USA…). Avant, juste à l’aube de cette conclusion, d’être rachetée par Netflix en octobre, à destination du monde entier. Un petit miracle, vu le statut pionnier de la série. “On est forcément fiers, poursuit Frances. Mais en moins d’une décennie, toutes les séries belges se sont améliorées. Un savoir-faire arrive, la rotation des comédiens s’élargit, les conditions de tournage sont meilleures (en trois saisons dans ce cas, le coût d’un épisode a grimpé de 3 à 700.000 euros - NDLR). Et 1985 vient de démontrer que les collaborations avec la Flandre pouvaient être fructueuses, car on a quand même la même histoire et la même carte d’identité. Nous-mêmes d’ailleurs avons été beaucoup inspirés par un script doctor flamand. Et il y a encore des possibilités de créer pas mal de familles incroyables dans ce pays!

Un paysage des séries qui va encore évoluer

Et pourquoi pas? Rappelons que le nord du pays n’a jamais qu’une marge d’avance de… trente ans. Car le paysage flamand, parti d’une page blanche, n’a véritablement été boosté qu’en 1989, avec l’arrivée de VTM. La naissance de cette chaîne a révolutionné tout le secteur, en créant une (saine) concurrence, avec des séries faites par dizaines, tous canaux confondus. “Si nous sommes les seuls à faire des séries, jamais elles ne pourront se développer chez nous”, clamait en 2014 Jean-Paul Philippot, le patron de la RTBF. Une prévision qui, neuf ans plus tard, connaîtra enfin une suite dès cette année, avec l’entrée dans la danse des séries de RTL-TVI. Affaire à suivre…

Les prochaines séries

Alors que plus d’un million de Belges - rien qu’en télé - viennent de suivre 1985, une série (mi-flamande, mi-francophone) qui s’apprête à connaître une carrière internationale grâce au rachat de Studio Canal, et que ressurgit Ennemi public sur la RTBF, les séries belges francophones semblent arriver à un stade de maturité.

Après un autre succès (Des gens bien, dont la deuxième saison s’écrit) et avant cet été, la chaîne publique va encore dégainer Attraction (6 x 52’), un thriller attendu, après son prix de meilleure fiction étrangère obtenu au Festival de La Rochelle. Ainsi qu’un premier soap, Trentenaires (24 x 26’). Ce feuilleton, tourné à Charleroi, est l’adaptation francophone du récent Dertigers, l’un des plus gros succès télévisés de l’histoire en Flandre. Par ailleurs, 2023 nous promet aussi la diffusion de la deuxième saison de Baraki et le tournage de la suite de Pandore, autre gros carton ertébéen la saison dernière. Pendant que d’autres séries (comme Le Carré à Liège, Pays Noir à Charleroi…) sont en développement, en 6 x 30’. “C’est un format qui a le vent en poupe dans le monde, détaille Manon Verkaeren, responsable des nouveaux formats à la RTBF. On aimerait donc aussi poursuivre dans cette optique, avec l’espoir de développer d’autres séries dans des villes wallonnes rarement vues à l’écran, comme Namur ou Tournai. Et en allant vers des choses peu ou pas encore exploitées chez nous, comme des séries de genre ou des comédies, qu’on sait évidemment attendues par le public.

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