Le film du jour: Fish Tank

Diffusion le 7 avril à 23h20 sur Arte

Parce que l’histoire s’ancre du côté des sans-grade et qu’elle montre les conditions difficiles des classes sociales modestes jamais très loin d’étouffer entre des barres de béton (les HLM) et des barres de ciel gris, on pourrait un peu trop vite la résumer à “un drame social façon Ken Loach”. Ce serait du coup risquer de passer à côté de ce qui fait la spécificité plus féminine du cinéma d’Andrea Arnold (American Honey). Qui à travers ce portrait à la fois rugueux et sensible de Mia, adolescente en rogne contre le monde entier, ses copines, sa mère et sa peste de sœur, filme un peu de la rage obstinée et fragile façon Rosetta des frères Dardenne. Mais en y ajoutant ce que les Belges ne possèdent pas: une espèce de volupté aérienne.

En effet, si la condition ouvrière anglaise est bien abordée, c’est le corps tendu de Mia qui intéresse surtout Arnold, son éveil à la vie, à la sensualité qu’une caméra caressante suit sur les talons, dans la colère, mais aussi dans l’émoi intime. Arnold nous montre avec grâce que c’est avant tout par sa façon de bouger - Mia est fan de hip-hop qu’elle danse comme par effraction dans des appartements vides du quartier - que la jeune fille appréhende le réel, les décors glauques de la cité ouvrière, le camp de Roms où elle veut rendre sa liberté à un canasson qui lui ressemble, mais aussi l’espace moins bouché de la campagne où les emmène Connor (excellent Fassbender à la séduction tordue), le nouveau mec de sa mère. Ce sont les mille mystères et questionnements parfois violents de l’adolescence au féminin et son éveil sexuel qu’Arnold parvient à remarquablement capter au vol, aidé par le naturel bluffant de la débutante Katie Jarvis, jeune pousse piquante du cinéma qu’on ne risque pas d’oublier, à l’instar d’Émilie Dequenne. Transfigurant le naturalisme social, Fish Tank est un film magnifique sur une adolescente qui devient tout doucement femme.