
D’où viennent tous les téléfilms de Noël ?

Tous les ans, ils reviennent. Et tous les ans, on a l’impression qu’ils sont là plus tôt que l’année d’avant. Certains les attendent avec impatience, au premier ou second degré. Ils sont source de railleries pour d’autres. Il s’agit bien entendu des téléfilms de Noël. Depuis des années, ils s’intègrent dans la programmation de nos chaînes de télé en décembre et même dès début novembre depuis quelques temps.
Chez nous, ce sont surtout les deux grandes chaînes privées qui en proposent, à savoir RTL-TVI pour la Belgique et TF1 pour la France. Si les rediffusions sont évidemment nombreuses, chaque année apporte son lot de dizaines de nouveaux films. Une quantité ahurissante de contenu quand on sait à quel point produire un film prend de temps et coûte cher. Mais alors comment expliquer ce grand nombre d'inédits ?
La guéguerre de Noël
Tout d’abord, il faut savoir que la grande majorité de ces téléfilms diffusés chez nous proviennent des États-Unis. Ça se voit d’ailleurs assez fort en général. Là-bas, ces films de Noël sont une véritable institution. Depuis quelques années, deux chaines en ont d’ailleurs fait leur spécialité.
La première, c’est The Hallmark Channel, du nom du fabricant de cartes de vœux. La chaîne existe depuis presque 20 ans et se spécialise dans la diffusion de films et de séries, mais surtout de téléfilms inédits, produits spécialement pour la chaîne. Bien qu’elle propose des téléfilms de Noël inédits depuis 2001, c’est en 2009 que ces productions sont devenus un véritable phénomène.
C’est l’année où la chaîne a lancé son « Countdown to Christmas » (décompte jusqu’à Noël). Du dernier week-end d’octobre, jusqu’au 25 décembre, la chaîne ne diffuse que des programmes liés aux fêtes de fin d’année, avec chaque fois, son lot de nouveautés. 12 téléfilms inédits étaient proposés en 2012, 33 en 2017. Et comme ça marche, la chaîne continue. Elle a déjà attiré plus de 85 millions de spectateurs sur deux mois… En 2020, il y en a encore 23 nouveaux. Le catalogue de la chaîne en contient désormais plus de 150, ce qui lui a même permis de proposer depuis quelques temps, « Christmas in July » (Noël en été). Sous ce nom, The Hallmark Channel diffuse ses téléfilms de Noël en plein mois de juillet. Là aussi, un succès.
Sa grande concurrente est la chaine Lifetime. Plus ancienne, elle vise un public féminin en proposant une programmation assez stéréotypée de ce qui est censé plaire à la gente féminine, principalement des téléfilms à l’eau de rose et des télé-réalités. C’est assez logiquement qu’elle s’est aussi lancée dans le créneau des fêtes, avec 34 nouveaux films cette année et une grille entièrement consacrée à Noël également.
Cela fait déjà une soixantaine de nouveaux téléfilms de Noël pour 2020, rien qu’avec ces deux chaînes uniquement. Et c’est sans compter les autres chaînes américaines et les téléfilms européens.
Des usines à téléfilms peu chers
Mais alors comment ces chaînes peuvent-elles diffuser autant d’inédits chaque année ?
Tout d’abord, plusieurs studios et autres maisons de production se sont au fil des années spécialisés dans les films de Noël, soit en les produisant directement pour une de ces chaînes, soit parce qu’ils savent qu’ils seront forcément achetés par un diffuseur. C’est notamment le cas de MPCA (Motion Picture Corporation of America) ou encore de Marvista Entertainement.
Hannah Pillemer, vice-présidente exécutive du développement et de la production, expliquait récemment au Los Angeles Times, que lorsqu’elle est arrivée dans cette société, il y a 8 ans, les films de Noël n’était qu’un dixième de ce que le studio sortait chaque année, le genre ayant mauvaise réputation. Aujourd’hui, un film MarVista Entertainement sur deux concerne les fêtes de fin d’année. Parmi les dizaines d’inédits de 2020, 9 ont été produits par cette société.
Le succès explique donc leur quantité, mais pas à ce point. L'immense nombre de téléfilms annuels et cette fréquence exceptionnelle est due à quelques secrets.
Tout, d’abord, ce sont des films avec énormément de contraintes : un tournage court, 2-3 semaines en moyenne sous l'égide d'un réalisateur habitué de ce genre d'exercice, mais aussi des budgets très réduits, 2 millions de dollars en moyenne, ce qui est très peu pour un film. Ils doivent respecter des schémas et modèles imposés par les chaines, tant dans l'histoire, que dans les décors, les costumes... Cela facilite la tâche des scénaristes et autres membres de l'équipe, mais c'est plus difficile de rendre le film vraiment original.
Pour réduire les coûts, les films sont souvent filmés dans des pays où les tournages sont moins taxés ou bénéficient d’aides, comme le Canada qui en accueille énormément. Différents films n’hésitent pas à utiliser la même ville redécorée, par facilité ! Ensuite, les studios travaillent avec énormément d’acteurs inconnus, et c’est évidemment la célébrité d’un comédien qui décide de son cachet. Certes, on y croise quelques semi-vedettes, mais ce sont souvent les mêmes justement, comme Candace Cameron Bure, ex-la Fête à la Maison, ou Melissa Joan Hart, ex-Sabrina, l’apprentie sorcière. Enfin, ces films ne nécessitent que peu des dépenses habituelles aux productions hollywoodiennes: pas de cascades, pas d’effets spéciaux… Et rien n’est exclu pour faire des économies : il arrive que la neige soit produite avec des extincteurs à incendie.
Ensuite, pour les chaînes, trouver l’argent n’est pas difficile. Au contraire, avec une telle popularité, et notamment auprès de publics bien spécifiques, les fameuses ménagères, les annonceurs se bousculent pour diffuser leurs publicités pendant les coupures ou même placer des produits dans les films.
Des coûts faibles, facilement répercutés par la pub, des studios qui se spécialisent dans le genre avec des délais de production très courts et des chaînes qui en redemandent, même en juillet... C’est la recette miracle qui nous offre une soixantaine de nouveaux téléfilms de fêtes chaque année, directement des USA. RTL-TVI et TF1 n’ont plus que l’embarras du choix.