La mauvaise herbe: pédagogie nomade

Il règne une légère tension dans la salle de classe. Les élèves savent ce qui les attend: une évaluation de leurs absences et présences, un mot de l’équipe éducative et la validation du PPA (Projet Personnalisé d’Accompagnement). Est-ce le stress qui fait peser un tel silence?
Après un peu d’hésitation, Armelle accepte de se prêter au jeu la première. Yeux bleus, chewing-gum en bouche, la jeune fille s’entend alors répéter les objectifs qu’elle s’est fixés quelques mois plus tôt: travailler à Noël pour rattraper son retard et utiliser un agenda. Questionnée par un éducateur, Armelle s’attribue une cote de 2 sur 4 “parce que mon agenda, j’ai oublié qu’il existait, déjà” confesse-t-elle. Dans un coin, Merlin et Élie attendent leur tour.
Située à Clavier, en Province de Liège, l’Alter École, un projet pilote de la Fédération Wallonie-Bruxelles, accueille des élèves en décrochage ou désireux de suivre une formation alternative. Pendant un an, le réalisateur Gaëtan Leboutte a suivi Merlin et Élie, deux adolescents qui vivent la dernière année de leur enseignement secondaire. Au milieu de leurs questionnements existentiels, les deux ados se forment, chacun à leur échelle à l’entretien d’un potager et à l’engagement politique. “Très vite, j’ai vu que les combats sociaux d’Élie, et le mode de vie alternatif de Merlin allaient donner à l’histoire […] un formidable point de vue sur notre société et sur les luttes sociales et écologiques que nous sommes occupés à vivre”, témoigne Gaëtan Leboutte. “Comprendre ces ‘cancres’, c’est aussi nous obliger indéniablement à nous poser des questions sur les conséquences d’un système scolaire trop uniforme: un système, qui, lorsque des enfants ne font pas ce qu’il attend d’eux, les place sous le tapis en les accusant d’être de ‘mauvais élèves’ ou des ‘sales gosses’.”