

Associées à la fête, et aux abus qui vont parfois avec, les musiques électroniques sont encore trop souvent dédaignées. Particulièrement les plus rythmées et les plus dansantes, la « club music ». Pourtant, la multitude des genres qu’on peut ranger derrière ce terme en font un courant musical riche, dense, avant-gardiste et novateur. Malheureusement, les lieux qui permettent d’en profiter deviennent rares et les quelques existants font plus fréquemment la part belle aux classiques house et techno. D’où l’importance d’événements comme le Horst Festival, qui déroule le tapis rouge à des producteurs et DJs de tous horizons.
Cette année encore, l’Asiat Park de Vilvorde était transformé en lieu à part, sorte de petit village industriel consacrés aux arts, à l’architecture et au large spectre des musiques électroniques.
Le samedi après-midi déjà, l’anglais DJ Perception, armés de ses vinyles, était derrière les platines pour deux heures de UK Garage, genre typiquement britannique et pas si courant que ça dans les nuits bruxelloises. Fin spécialiste du genre, il a proposé une sélection de morceaux des plus faciles à écouter aux plus pointus, qui ont autant séduit ceux qui se sont déplacés pour lui que les festivaliers qui souhaitaient simplement danser en plein air sous l’immense soleil rouge métallique qui surplombait la scène.
DJ Perception, au Horst Festival 2023.
Plus loin, le collectif bruxellois For All Queens a rempli la scène Vesshcell, pleine à craquer toute l’après-midi avec un line-up sous le signe de la scène ballroom. Ce courant porté par les communautés afro-américaines et latino queer de New York profite d’un gain de popularité récent, notamment grâce au dernier album de Beyonce, à la série Pose ou encore aux émissions Drag Race. Les sets de Josh Caffé, Arakaza et Kongi, rythmés par la MC Zelda Fitzgerald, ont fait remuer tout le public de l’avant à l’arrière de la scène, mais le clou du spectacle était assurément la présence de Kevin Aviance, DJ et mythique drag queen américaine, dont le set et les interventions au micro ont donné des airs de soirée new-yorkaise à l’Asiat Park.
Plus tard, c’est toujours sous le toit bâché de cette même scène qu’on a pu découvrir un des producteurs et DJ les plus atypiques du moment, Nikki Nair, pour une des sélections les plus éclectiques et rythmées de tout le festival, entre pop, house, techno, bass music et tous les genres au confluent de ceux-ci. Pas encore sortis, ses nouveaux morceaux en collaboration avec le producteur écossais Hudson Mohawke, armes secrètes de ses dernières prestations, ont fait hurler de joie les festivaliers jusqu’à en faire trembler parquet et échafaudages.
Un autre des atouts du Horst, qui contribue à en faire un festival aussi unique que nécessaire, est la place qu’il offre à l’ambient et aux musiques plus expérimentales, via une scène dédiée. Samedi dans la nuit, on y trouvait notamment l’anglais Vegyn, collaborateur de Frank Ocean, pour un magnifique DJ set, plus doux sans être calme pour autant et quasi cinématographique, à l’image de ses derniers albums.
Dimanche, l’artiste visuel Mark Leckey, concepteur de cette scène illuminée par un écran géant diffusant des images de marée sur une place, était également prévu comme artiste musical. Annonçant d’emblée « qu’il ne sait pas mixer » et qu’il était « l’artiste insolite de la journée », il a enchainé une sélection pointue de morceaux issus de son ordinateur ou de son téléphone, souvent sans aucune transition, parfois avec des blancs. Un grand moment de surréalisme entre rnb, techno, pop des années 80, hardcore à l’anglaise et rap d’Atlanta.
Voir cette publication sur Instagram
Dimanche, la Britannique Anu, une des figures de proue de la mythique webradio NTS, a proposé une sélection très variée et dansante, idéale pour l’après-midi. Pas étonnant qu’elle se retrouve nominée pour un « Best of British Awards » par DJ Mag. Mais elle est surtout parvenue à faire sauter tout le public sur la dernière partie de son set très orientée jersey club music, genre particulièrement rythmé et rapide issu des clubs du New Jersey, qui inspire beaucoup la jeune génération de rappeurs français du moment.
L’affiche du dimanche soir était si qualitative qu’il était difficile de faire un choix. Au fond du site, entre les palmiers et tubes de béton de la « main stage », la house façon années 90 et 2000 de Job Jobse a donné des airs de block party aux anciens bâtiments industriels du parc. La sombre salle Eyes. Eyes. Baby était presque surpeuplée pour profiter de la drum’n’bass de la légende du genre DBridge. Mais les plus audacieux se sont tournés vers le chapiteau bâché de la Vesshcell pour assister au set dense, sombre et ultra rythmé d’Evian Christ. Entre techno dure, trance et remixes de tubes de rap, le public s’est déchainé sous les clignotements intenses des stroboscopes. Un set qui a assurément marqué les esprits et devrait rester dans les annales de l’événement.
La grande messe d'Evian Christ, au Horst Festival 2023.
Le genre de moment qu’on n’aurait clairement pas vécu ailleurs, comme bien d’autres sur le week-end. Ce qui montre que malgré la grande densité d’événements musicaux dans notre pays, le Horst, grâce à sa direction musicale pointue et sa grande place offerte aux arts, a une position unique dans le paysage des festivals belges. On espère qu’il la conservera et qu’il donnera des idées à d’autres.