
Jacques et Thomas Dutronc: les retrouvailles père-fils à l'Arena5

Le fiston avait 34 ans lorsqu’il a sorti son premier album “Comme un manouche sans guitare” en 2007. À son âge, Jacques était déjà usé. Au contraire de Johnny (Hallyday) et Eddy (Mitchell), ses potes rencontrés au Golf Drouot, il ne donnait même plus l’impression de vouloir s’accrocher à son statut d’ex-icône yé-yé au dé. Son nouveau truc dans les années 70, c’était le cinéma.
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En musique, Dutronc père a un style. Le sien. Au cinéma, il a tout fait. De la comédie, des polars, des drames. Des succès et des navets. Il a travaillé avec des monstres sacrés (Lelouch, Sautet, Mocky) mais aussi avec des réalisateurs réputés “difficiles” (Godard, Zulawski, Schroeder). On s’amuse de la désinvolture populo/scato de certaines de ses chansons – Merde in France (Cacapoum), L’hymne à l’amour (moi l’nœud), Savez-vous planquer vos sous. On le prend au sérieux quand il séduit Romy Schneider dans L’important c’est d’aimer (Zulawski, 1974), donne la réplique à Jean-Louis Trintignant dans l’impeccable drame post-apocalptyique Malevil (Christian de Chalonge, 1981), prend les traits de Van Gogh (Maurice Pialat, 1991, César du meilleur acteur) ou ceux d’un homme d’affaires véreux dans Toutes peines confondues (Jean-Pierre Melville, 1992). Jacques et Thomas partagent le même physique de play-boy, cette culture du dandysme décalé et cette élégance faussement négligée.
Tous deux ont surmonté leur timidité maladive en s’aidant d’une guitare pour communiquer. Celle de Jacques est électrique et crache des larsens quand elle s’exprime dans son premier groupe El Toro et les Cyclones. Thomas a, pour sa part, choisi une guitare sèche. Il a bossé dur à l’école des clubs de jazz parisiens comme le Sunset Sunside et le New Morning à Paris. “Fils de” ou pas, il fallait assurer pour se faire accepter. Au contraire de son père qui, très vite, se contente des accords de base pour assurer la rythmique, Thomas est un instrumentiste averti. Un voltigeur de la six cordes, un passionné qui a épluché tout le jeu – pourtant réputé indéchiffrable – de Django Reinhardt. Vingt-sept ans après une première collaboration professionnelle, lorsque Thomas a écrit des refrains et joué de la guitare pour l’album “Brèves rencontres” (1997) de Jacques, père et fils se retrouvent pour une tournée commune ainsi qu’un album de reprises annoncé pour la rentrée. Nom du projet? “Dutronc & Dutronc”. Tout est dit. Thomas a réarrangé le répertoire de son père et l’accompagne sur scène. Tous les tubes sixties – la plupart signés Jacques Lanzmann – y passent: L’opportuniste; J’aime les filles; La fille du père Noël; Et moi, et moi, et moi; Il est cinq heures Paris s’éveille; Les cactus; Les play-boys… Thomas glisse aussi l’une ou l’autre de ses pépites dans le répertoire. Notamment Comme un manouche sans guitare, Aragon ou encore Nasdaq.
Comme pour la tournée des Vieilles Canailles en 2017 avec Johnny Hallyday et Eddy Mitchell, il a fallu pousser le paresseux senior à quitter la Corse, son pastis et le chant des cigales pour arpenter les routes. L’idée vient de Thomas et a été validée par sa mère François Hardy. “Avec cette tournée, on est en train de se rencontrer encore plus, explique Thomas dans une interview parue dans le Figaro le 5 avril dernier. Ces concerts, c’est avant tout l’envie de passer de bons moments ensemble. De joindre l’utile à l’agréable et vice-versa.” À septante-huit ans, Jacques s’est laissé prendre au jeu. Il a arrêté l’alcool (ils disent tous ça), s’est mis au bio, a réglé ses horaires en mode “concert” et a même suggéré quelques idées à son fils et au pianiste jazz Éric Legnini, une pointure du genre, qui fait partie de l’aventure. “Thomas (qui a chopé le Covid pendant les répétitions – NDLR) était hyperstressé. J’ai le droit de lui faire des remarques et de donner des conseils, je suis son père après tout”, ajoute-t-il dans les colonnes du Figaro.
Le fils, le père et la mère
Au lendemain du coup d’envoi de la tournée Dutronc & Dutronc qui s’est donné au Centre événementiel de Courbevoie le 12 avril, les critiques étaient dithyrambiques. Rires, émotions, nostalgie, complicité. Le tour est joué. Et Françoise Hardy doit être très fière. Elle qui nous rappelait encore que Jacques n’avait jamais eu la fibre paternaliste. “Jacques a toujours caché ses émotions par rapport à Thomas”, nous expliquait-elle en avril 2018 à la sortie de son dernier album studio à ce jour “Personne d’autre”. “Je me vois encore à la sortie du cabinet de mon gynécologue quand j’apprends que je suis enceinte. C’est le plus beau jour de ma vie. J’en rêvais depuis deux ou trois ans. Mais je suis prise d’angoisse car Jacques n’a pas beaucoup montré d’intérêt jusqu’à présent pour fonder une famille. Je sais qu’il doit partir en tournée le lendemain à Tahiti et je n’ose pas lui annoncer la nouvelle, de peur de le déranger. Je passe devant son appartement et je me force à monter. Il est avec tous ses copains. Je lui dis que nous allons avoir un bébé. Pas de réaction de sa part et je m’en vais très vite. Mais ils se sont rapprochés depuis.”
Le 1/7, Arena5, Bruxelles.
Le 13/2, Forest National, Bruxelles.