

Hamza peut se targuer d’avoir participé à mettre la Belgique sur la carte des endroits qui comptent en matière de musique. Avec Damso, Stromae et Angèle, il fait partie des plus gros vendeurs du plat pays. Quand Drake donne un concert à l’Accor Arena de Paris, c’est Hamza qu’il invite à le rejoindre sur scène. Ses chiffres de vente se comptent en dizaines de millions. Comme Fade Up qu’il a sorti fin juin avec SCH et le producteur Zeg P, après des mois de pression de ses fans qui avaient entendu un leak du morceau. Résultat, il signe la B.O. de l’été 2022. Et pourtant, en Belgique, c’est l’un des artistes qu’on connaît sans doute le moins.
Dix ans après la sortie de son premier projet solo « Recto Verso », l’artiste signe son troisième album, le très personnel « Sincèrement ». Après quelques difficultés professionnelles, dont un changement d’équipe, Hamza a décidé de s’ouvrir. De raconter son vécu, ses phases de doutes et sa manière de travailler. La longévité est une couronne en soi. Et pour durer, comme dans un couple, il faut savoir parler de soi. Pour réaliser cet exercice, Hamza a choisi de mélanger les styles : trap, R&B, drill, vibe nigérianne, french touch… Un mix efficace qu’il déroule sur 17 morceaux.
Pour parler de ce nouveau projet, l’artiste nous a donné rendez-vous dans ses bureaux, installés au cœur de Bruxelles. Notre conversation part dans tous les sens, alternant le retour sur cette année intense, la musique et son élaboration, ses relations d’amitiés avec des artistes comme Damso ou SCH et la pression du milieu.
C’est un album qui est assez long, qui fait 17 morceaux, comment tu as fait la sélection des titres définitifs, est-ce qu’il y en a que tu as dû jeter ?
J’essaie d’enregistrer un max de morceaux, quand je me prépare à enregistrer un album, je vois ça vraiment comme de l’entraînement. Je me prépare comme un sportif. Le but, c’est d’aller un maximum au studio, de bosser le plus possible, parce que ça crée des automatismes et tu commences à te sentir de plus en plus à l’aise. Sur cet album, j’ai été un peu plus introspectif que sur d’autres projets, c’est un exercice que j’ai aussi travaillé. De réussir à parler plus de moi, de mon ressenti. J’ai aussi vraiment envie qu’il y ait une cohérence sur le projet, donc tout ce qui dévie un peu trop du message que je veux faire passer, je le fais sauter.
Tu parles d’introspection, c’est clair que c’est un projet où tu parles plus de toi. Dans Tsunami, dans Ma Réalité… À quel moment tu t’es dit « ok, je fais tomber cette barrière, je vais me livrer ». Qu’est-ce qui t’as donné envie d’essayer cet exercice, il y a eu un déclencheur ?
C’est dû au mood dans lequel j’étais pendant le confinement. Je me suis retrouvé beaucoup plus seul, comme tout le monde, enfermé chez moi. Il y a eu de gros changements autour de moi : j’ai viré mon management. Ça s’est aussi mal passé avec mon ancien associé, du coup on s’est séparés. J’étais dans ce mood un peu difficile, je réfléchissais beaucoup, et ça s’est ressenti en studio. J’ai transposé tout ça en musique, naturellement. J’étais un peu désemparé, un peu nostalgique on va dire. Pour moi ça n’était pas spécialement évident d’être plus introspectif. J’ai du mal à parler de moi, en dehors de la musique, je suis quelqu’un qui prend beaucoup sur moi. Et finalement, là c’est sorti naturellement, donc je vais pas te mentir, je suis assez content, parce que les gens vont pouvoir découvrir une autre facette de moi.
Sur cet album, il y a un morceau qui est particulièrement personnel, c’est le titre Ma Réalité qui interpole un classique du R&B, le titre I Need A Girl part 1 de P.Diddy et Usher…
I Need A Girl, c’est un morceau qui représente une partie de mon enfance, c’est un classique. Ça ajoute une couche encore plus intime, cette interpolation. C’est marrant, parce que pour moi c’est une évidence, mais il y a des gens qui ne captent pas la référence. Je l’aime beaucoup, Ma Réalité, j’en suis assez fier. J’y parle de mon enfance à Bruxelles, de mes échappatoires, même si en soi, je n’ai pas à me plaindre de mon parcours, ça n’a pas toujours été facile…
Hamza ©Pablo Jomaron et Ben Dorado
Comment tu décrirais ton enfance à Bruxelles ?
J’ai eu une chouette enfance, même si c’était compliqué parfois avec mes parents. J’ai grandi dans un quartier assez dur. Ce qui m’a aidé, c’est que j’ai eu une bonne éducation, avec de vraies bases. J’ai été malade très jeune, dès le début de mon adolescence. J’ai eu une maladie rénale à 12 ans. À cet âge-là, quand tu as 12, 13 ans, tu n’as qu’une envie c’est d’aller t’amuser avec tes potes d’être comme les autres. Mais je ne pouvais pas, j’étais bloqué chez moi. J’ai dû prendre de la cortisone en fortes doses. Evidemment, ça jouait beaucoup sur mon moral, parce qu’il y avait des effets secondaires conséquents. Je vais pas te mentir, j’étais souvent dans un mauvais mood. Avec du recul, je me dis que c’était un mal pour un bien, parce que ça m’a permis de découvrir ma passion pour la musique. Comme j’étais souvent chez moi, j’avais mon ordinateur et j’ai commencé à chipoter, faire des prods, et c’est comme ça que je suis tombé dedans.
Tu parles plus ouvertement aujourd’hui de ces problèmes de santé… C’est une volonté de mieux faire comprendre comment tu en es arrivé là, qui est véritablement Hamza ?
Je n’en parle pas beaucoup parce que je ne suis pas quelqu’un qui va se livrer. Je prends tout sur moi. C’est une forme de pudeur sans doute, mais j’ai du mal à parler de mes problèmes. C’est peut-être parce que j’évolue, que je suis plus mature. J’ai vraiment ressenti l’envie de me livrer, de parler plus de moi. Et en vrai ça m’a fait du bien.
Il y a une vraie remise en question sur ce projet, quand tu parles de codéine par exemple, cette fois-ci tu tempères, tu dis qu’il faudrait peut-être que tu n’en prennes pas. Il y a une vraie dualité.
Oui, ce projet c’est vraiment moi VS moi. Je n’ai que 28 ans, mais j’ai pris du recul. J’ai grandi avec ma carrière, j’ai fait plein d’erreurs, plein de faux-pas, qui m’ont permis d'évoluer. Aujourd’hui, je crois que j’ai trouvé le mode d’emploi. Je sais comment me comporter, comment avancer aussi. Et faire attention à ma santé, parce que ça peut aller vite. Je me suis aussi marié, il y a un an. Ça change la dynamique, ma femme fait attention à moi aussi, mon rythme de vie est différent. Sur cet album, il y a des morceaux où je suis nostalgique, je raconte des choses de l’époque, mais j’ai changé d’attitude pour certaines choses.
Hamza ©Pablo Jomaron et Ben Dorado
Tu es un artiste qui est connu pour nouer des liens étroits avec les artistes avec qui tu collabores. Tu as une vraie relation d’amitié avec Damso, SCH, Tiakola… Tu as besoin de cette connexion, pour faire de la musique ?
Je n’ai pas forcément besoin d’avoir une vraie amitié avec un artiste pour faire de la musique avec. Par contre c’est vrai que si tu as une bonne relation avec un artiste, ça va faciliter le travail. Quand on se connaît bien, on a des automatismes. Le truc que j’aime bien avec SCH, Tiakola ou même avec Damso, c’est que ce sont des artistes qui sont très ouverts d’esprits. Ils ne sont pas bloqués dans un registre. Quand je leur propose des idées un peu barrées, ils me suivent. Ils vont aussi me proposer des délires et ça j’aime beaucoup.
Ce qui fait que tu amènes Damso dans un registre complètement inattendu sur cet album, puisque votre feat, Nocif, se fait sur un sample de Lady de Modjo. Comment vous avez choisi cette prod ?
L’histoire est assez folle en vérité. On était au studio, à Bruxelles. J’étais avec le beatmaker Ponko (un de ses proches collaborateurs : NDLR) et Damso devait me rejoindre en studio. Quand il arrive, il était avec un mec que je ne connaissais pas. Il me dit « C’est un gars que j’ai rencontré dans un café, il m’a dit qu’il faisait de la guitare, du coup je lui ai dit de venir avec moi. » C’est un fou Damso. Ponko nous joue l’instru, qui n’a rien à voir et soudainement j’ai le refrain de Modjo qui me vient en tête, et du coup le gars qu’il a ramené a joué l’air à la guitare et c’était parti.
Ça t’arrive souvent, des histoires comme ça ?
Pas souvent, mais avec Damso tu ne sais jamais à quoi t’attendre. (rires) On a une vraie relation fraternelle, du coup ça part dans tous les sens. On se connaît depuis tellement longtemps, c’est un vrai pote. C’est très chouette en vrai, ce genre de dénouement sur Nocif. Ça apporte quelque chose de différent. On avait envie de proposer un truc inattendu, un contre-pied, comme on sort de God Bless et BXL ZOO. Et pour le coup, je crois qu’on a réussi. J’aime beaucoup ce morceau, on verra ce qu’en pensent les fans.
Tu es dans quel état d’esprit, avant la sortie d’un projet comme celui-là. Excité, stressé, enthousiaste ?
Je n’ai pas envie de décevoir mon public. Il y a des gens qui attendent cet album. Après, à partir du moment où je suis content de ce que je propose, c’est déjà une victoire. Et je suis fier de cet album. Si les gens ne l’aiment pas, ça sera la vie et si les gens l’aiment bien, ça sera une victoire.
Est-ce qu’il y a des moments dans ta carrière qui t’étonnent encore ? Quand tu es invité à rejoindre Drake à l’AccorArena par exemple, tu te sens comment ?
Ça m’a énormément stressé. T’as envie de faire bien et du coup c’est un cercle vicieux et le stress monte. À partir du moment où je me mets dans mon personnage, qui est une sorte de carapace quand tu fais ton job, le stress commence à disparaître. Ca devient de l’adrénaline, c’est une vraie force. Je ne vais pas faire genre que je suis quelqu’un de serein, même si j’ai déjà fait de gros concerts, je stresse tout le temps. Parfois même quand ce sont de plus petits shows, c’est plus difficile, on voit mieux le public. Il faut savoir s’adapter.
La partie 1 d’Atasanté avec Tiakola a rencontré un énorme succès avec 25 millions de streams. C’était une très bonne nouvelle de retrouver la partie 2 sur cet album. Comment est né ce morceau, l’envie de rebosser ensemble ?
Oui, c’est tout à fait ça, on s’entend très bien. C’est un super gars, c’est quelqu’un qui est vraiment à l’écoute. Humainement il est génial et artistiquement aussi. Du coup on avait qu’une hâte, c’était de rebosser ensemble. On se voit beaucoup, à chaque fois qu’il vient en Belgique il m’appelle, on se voit. Même pas spécialement pour faire de la musique, on chille, c’est quelqu’un que je considère vraiment comme un ami. Du coup c’était une évidence pour moi de l’appeler sur cet album. En vrai, c’est lui qui a eu l’idée de le nommer Àtasanté part 2.
Dans tes proches, on retrouve aussi SCH. Il y a d’ailleurs eu toute cette histoire d’un album et d’une tournée commune. Ça en est où ?
Finalement, c’est tombé à l’eau malheureusement. À cause du covid. On avait d’ailleurs enregistré Fade Up pour ce projet en commun et il a fuité. L’engouement après le leak a été complètement fou, je n’ai pas compris. On a été obligés de le terminer et de le sortir, vu l’attente derrière. On n’avait pas le choix. C’était hallucinant de voir les retours en festival, c’était très excitant de le jouer. Et ça a bien marché.
Sans blague (rires)
Je ne vais pas te mentir, je sens clairement un avant et un après Fade Up. Ça a ouvert beaucoup de portes.
Hamza, Sincèrement
Just Woke Up/Wagram
En concert le 16/11, au Palais 12, Bruxelles. Aux Ardentes le 6/7.