
Manu Chao a fait le show à Tournai : mais au fait, que devient-il ?

Il n’a jamais fait la Une des magazines et des rubriques people. Il n’accorde plus – ou si peu – d’interviews aux médias mainstream. Il ne se fait pas non plus remarquer à grand renfort de déclarations fracassantes. Et pourtant, à 62 ans, Manu Chao est toujours là et bien là. L’ex-chanteur et leader de la Mano Negra n’arrête pas de tourner. Partout dans le monde. Et quand la pandémie s’est abattue sur la planète, le privant de cette scène qu’il adore par-dessus tout, quotidiennement il livrait une vidéo via ses réseaux sociaux et autres plateformes.
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Ces derniers jours, c’est en Belgique qu’il est venu poser ses valises pour trois concerts. Pas de Sportpaleis, de Palais 12 ou de Forest National au programme. Ni même d’Ancienne Belgique ou de Botanique. L’inépuisable globe-trotter a jeté son dévolu sur deux petites salles, Java à Anderlecht qu’il a inaugurée 11 mai et le Manège Fonck à Liège le 15 mai, ainsi qu’un chapiteau installé Quai Sakharov à Tournai. C’est là qu'on était pour voir si le bondissant Manu Chao a toujours la niaque.
Un rapport quantité/prix imbattable
Il n’a pas déçu. Plus de deux heures d’un concert mené tambour battant devant plus de 1500 personnes avec deux acolytes, le guitariste argentin Lucky Salvatori et le percussionniste espagnol Miguel Rumbao. Avec en prime une première partie du feu de dieu assurée par le trio Willy Fuego (basse), Joan Garriga (accordéon) et un certain Madjid Fahem à la guitare. Oui, l’ex-inséparable comparse de Manu Chao au sein de la Radio Bemba, La Ventura, etc. Autant dire que pour chauffer la “salle” (il s’agissait d’un chapiteau dressé le long de l’Escaut, sur le quai Sakharov), il était difficile de faire mieux. Si aux premières notes jouées par ce trio les rangs étaient très clairsemés devant, ils ont vite fait d’attirer les curieux et d’être ovationnés.
Tout ça pour la modique somme de 25 euros. Un rapport quantité/prix imbattable. D’accord, il n’est pas question d’une production à la Beyoncé, Mylène Farmer ou Taylor Swift, mais pour les amateurs de musique, c’était un régal. Le tout dans une ambiance du tonnerre, même en formation acoustique. Pendant plus de deux heures, Manu Chao nous a conté "Sibérie", cet étrange album, plus proche de "La Mano Negra" que de ce qu’il fait habituellement en solo, paru en 2003. Mais pas que. Le Franco-Espagnol a très largement puisé dans "Clandestino", l’album de la consécration mondiale qui fête ses 25 ans cette année, pour alimenter une setlist complètement déjantée.
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Inoxydable, inusable, inarrêtable
Impossible de vous dire combien de titres ont été joués, Manu Chao aime toujours autant déconstruire ce qu’il a gravé sur disque pour proposer des versions réorchestrées et restructurées de ses morceaux. Il apprécie toujours autant réagencer le tout comme un immense patchwork où les pièces sont interchangeables et mélangeables. Il a aussi toujours cette habitude d’agrémenter ses sets de gimmicks sonores et de refrains qui reviennent sans cesse. C’était le cas jeudi soir avec celui de Mala Vida de "La Mano Negra", entre autres. Et pour épicer le tout, 5 cuivres sont venus prêter main-forte au trio pour ces moments-là. Fiesta ! Surtout quand surgit le gimmick de Pinocchio qui donne immédiatement lieu à un pogo géant devant la scène. Oui, les pogos existent encore, si vous vous posiez la question. Et Pinocchio est revenu un nombre incalculable de fois pendant la deuxième heure de concert. Bref, ça a secoué dans tous les sens dans les premiers rangs.
C’est une certitude absolue, tout le monde a passé une merveilleuse soirée jeudi soir. Il suffisait de voir les sourires dans la salle et sur la scène pendant tout le concert pour s’en assurer. Et comme Manu Chao et sa bande sont tout sauf des avares, les rappels se sont multipliés. Et le maître de cérémonie a volontiers prolongé la fête en réapparaissant régulièrement sur scène près d’une demi-heure après la fin du show pour balancer quelques titres à partir de son smartphone pour faire danser les irréductibles. Même si le monde est pourri comme il le chante, avec lui, la vie est belle, synonyme d’amour, d’espoir et de liberté. Trois mots phare de la soirée qu’auront aussi incarnées deux intervenantes : la sœur du tournaisien Olivier Vandecasteele, en larmes, a rappelé le sort réservé à son frère incarcéré en Iran et “l’inaction” des autorités belges dans ce dossier. Sur Clandestino, une autre femme a dénoncé la réalité des sans-papiers en Belgique où plus aucune régularisation n’a eu lieu depuis bientôt 15 ans.
Quant à Manu Chao, il reste cette boule d’énergie brute découverte avec "La Mano Negra", que ce soit sur la scène de Werchter en 1990, à l’Ancienne Belgique l’année suivante ou encore au hall sportif de Grivegné, toujours au début des années 90. Le temps ne semble pas avoir d’emprise sur son physique ni sur sa tonicité. Il a toujours cet œil espiègle et malicieux à la fois, cette propension à bondir dans tous les sens et à vous entraîner à faire de même dans la fraction de seconde qui suit. Inoxydable, inusable, inarrêtable.
Un nouvel album à venir
Manu Chao n’a plus sorti d’album depuis "La Radiolina" en 2007. Il n’y a guère eu plus de nouveautés durant son concert tournaisien. Qu’importe, il remixe tellement son répertoire qu’à chacune de ses sorties, on le redécouvre autrement. Pourtant, de nouvelles chansons, il y en a. Il les distille, gratuitement, via son site Internet, et les sur les plateformes de streaming. De nouveaux titres mais aussi des collaborations et des artistes qu’il produit.
Bien avant tout le monde, Manu Chao semble l’avoir compris : sortir des albums à l’ancienne est devenu vain. Pourtant, si on en croit Le Parisien, il y aurait un nouveau disque à paraître prochainement. Le journal français l’affirme : il a déjà été enregistré. Reste à savoir sous quelle forme il verra le jour et comment il sera distribué. Car ce qui fait turbiner Manu Chao, ça reste avant tout la scène.
Une star planétaire pas comme les autres
S’il y en a bien un qui mérite le titre de star planétaire, c’est bien lui. Il suffit de parcourir la liste de ses concerts pour s’en rendre compte. Depuis la fin de la pandémie – qui a dû être une épreuve sans pareille pour cet incessant globe-trotter -, il a joué partout. Avant sa venue chez nous, Manu Chao a parcouru l’Europe de l’Est, la Scandinavie, l’Espagne, la France mais aussi l’Amérique du Sud. Et avant ce petit détour par chez nous, c’est une tournée en Inde et au Népal qu’il a effectué. Même en cherchant bien, vous trouverez peu ou pas d’artistes européens ou américains qui s’aventurent dans toutes ces contrées.
Cette volonté de jouer partout, surtout là où personne ne va, c’est sa marque de fabrique depuis le succès de La Mano Negra. On se souvient de la tournée des clubs X de Paris à la fin des années 80, ou de la première fois que La Mano a été se produire en Amérique latine, avec des scènes qui s’écroulaient, des masques à oxygène pour supporter l’altitude et toujours se livrer à une débauche d’énergie sans pareil… Manu Chao poursuit dans cette voie qui lui sied si bien. Un artiste libre de toute contrainte, qui propose des concerts à un prix modeste pour quelqu’un de sa notoriété et ne lésine pas sur l’engagement envers ses fans et ses causes à tout instant. C’est plutôt rare par les temps qui courent. Alors, ne boudons pas notre plaisir.