
Eurovision : toutes les nations ne jouent pas la même partition

C'est la grande finale de l'Eurovison. Après des demi-finales passées avec succès par la Belgique avec le titre "Because of you", Gustaph se prépare à une nouvelle grande performance. Mais on le sait : au-delà des expressions vocales et scéniques, toutes les nations n'y vont pas avec les mêmes ambitions.
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Quentin Mauduit, chercheur en politiques européennes à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne a passé au crible ces dernières éditons pour y déterminer les objectifs de cette participation, parfois bien éloignés de la compétition musicale.
Certaines nations se servent en effet de l'Eurovision (CEC), regardée par plus de 200 millions de téléspectateurs, pour faire passer des messages particuliers. Le chercheur confie : "Dans cette compétition, tous les télédiffuseurs nationaux (et les États qui les pilotent) ne jouent néanmoins pas le même jeu. Certains font acte de présence (comme la France jusqu’en 2015) avec un télédiffuseur qui n’investit pas financièrement et médiatiquement autour du candidat national. Les autres y voient une opportunité, parfois la seule de l’année, de faire connaître et rayonner leur pays, leur folklore, langue et culture, quitte à surjouer des stéréotypes".
L'an dernier, l'Ukraine plébiscitée
Il cite à ce titre des nations comme le Monténégro, le Portugal ou encore la Macédoine du Nord. Mais dans les colonnes de The Conversation, il soulève d'autres éléments plus politiques. Comme le cas de la Turquie, entrée dans le concours en 1987, l'année où elle a annoncé sa candidature à l'intégration de l'Union européenne, avant de faire machine arrière en 2013. En 2020, l'Azerbaïdjan avait "transformé le concours en faire-valoir pour revendiquer le territoire du Haut-Karabagh dans le conflit militaire l’opposant à l’Arménie." L'an dernier, on se souvient de la prestation ukrainienne plébiscitée par l'ensemble des nations européennes, davantage en guise de soutien dans le cadre de la guerre menée face à la Russie que pour la réalisation artistique. Le politique n'est jamais loin du choix des chansons, des interprètes, des costumes mais aussi des votes parfois considérés comme étant des suffrages de blocs, bénéficiants toujours aux pays amis.
Mais ce n'est pas tout, des pays profitent depuis quelques années de cette occasion comme appât touristique et commercial. Donner une image positive permet d'attirer de nombreux touristes mais aussi de montrer un environnement idéal à l'investissement et l'implantation de nouvelles entreprises. Les villes présentées "bénéficient d’une publicité inespérée (notamment via les « cartes postales », des vidéos diffusées entre chaque chanson participante), avec pour conséquence immédiate de booster le tourisme à court terme… et de courte durée, sous forme d’escapades de 72 heures en vols low-cost. La compagnie aérienne anglaise EasyJet est d’ailleurs le partenaire du CEC 2023 à Liverpool : tout un symbole."
Derrière son image sympathique, ses décors rococo et ses costumes de mauvais goût, le show Eurovision cache une myriade d'autres intérêts à décrypter pour encore mieux profiter des prestations.