Prinzly : "Quand Disiz, Hamza ou Tiakola proposent d'être sur ton projet, tu ne peux pas refuser"

Le beatmaker qui a signé les plus grosses prods du rap belge enfonce les barrières et propose son premier projet solo, le très réussi Passager (((8))).

Prinzly ©Jonagraphe
Prinzly ©Jonagraphe

Un imaginaire fou et un jubilatoire passage en force au service de la musique made in Belgium : voilà ce que représentait jusqu’ici le très doué beatmaker Prinzly. Normal, quand on sait que le Bruxellois est l’architecte musical qu’on retrouve derrière des morceaux comme 911, Vantablack ou le touchant Deux Toiles de Mer de Damso, HS de Hamza avec SCH ou l’incroyable Audemars Shit, qu’il a également travaillé avec Christine & The Queens et qu'il est aux commandes du prochain album de Loïc Nottet.

Un très court résumé d’une carrière riche démarrée il y a un peu plus de quinze ans. Et voilà qu’il vient ajouter une nouvelle ligne, en gras, à un CV déjà impressionnant : celle d’interprète. Il livre son premier album solo, l’extravagant "Passager (((8)))", qui pousse les limites du décloisonnement des genres musicaux à son paroxysme. Pas de frontières, pas de limites : on y retrouve tant des influences électro que pop, trap, congolaises ou hip-hop. « J’ai toujours été inspiré par plein de styles de musiques différents, et les années qui ont précédé mon projet m’ont permis de perfectionner le mélange des genres. Ça me permet de garder une cohérence, de trouver des liants entre chaque son. » Un mélange inspiré notamment par ses racines. « J’ai grandi à Bruxelles, à Saint-Josse plus précisément. Je suis né de deux parents congolais et comme je pense, beaucoup d’enfants congolais, j’ai été bercé dans la musique. Il y en avait partout, tout le temps. C’est devenu une passion très rapidement. »

Prinzly ©Jonagraphe

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C’est la musique, d’ailleurs, qui va l’aider à se canaliser. À l’adolescence, Kevin Prince Nkuansambu-Miahumba Bwana de son vrai nom, déménage à Liège. Là, les embrouilles commencent, mais au lieu de se laisser tenter par le côté sombre de la force, Prinzly s’investit dans la production et dans le rap. « Quand je commence le beatmaking au début, c’est pour une raison très simple : je ne trouve personne qui compose ce que j’ai envie d’entendre. Quand je rappais, j’étais obligé de rapper sur des Face B et à un moment, j’en ai eu marre (rires). J’avais l’impression que ça me limitait. J’ai rencontré un de mes cousins, Steve, qui faisait des prods et qui m’a montré toutes les ficelles… Et je me suis lancé. »

C’est sa signature chez Trez Recordz, en tant qu’artiste, qui le lance dans la prod pour les autres rappeurs. Il fournit de la matière pour de gros noms comme Soprano, Kery James, Niro, La Fouine ou encore un certain Booba. Le carnet de commandes est fourni, les affaires sont florissantes. « En signant chez Street Fab, chez Trez Recordz, j’arrive dans une structure qui a déjà un bon réseau et beaucoup d’expérience. Ils avaient plein d’opportunités de placement de productions, et c’est quelque chose qui m’intéressait aussi. Du coup, comme ils étaient déjà installés en tant que producteurs, ça a été beaucoup plus vite de ce côté-là. » Le carnet de commandes est fourni, les affaires sont florissantes.

La rencontre avec Damso

Il participe à l’explosion du rap belge, notamment grâce à la relation qu’il noue avec Damso, juste avant Batterie Faible. Ils commencent à travailler ensemble sur "Lithopédion" et pérennisent l’exercice sur "QALF", sur lequel ses prods sont omniprésentes. « Je ressens encore les répercussions de ce boom du rap belge jusqu’à aujourd’hui. Ça nous a fait beaucoup de bien, ça nous a permis de nous épanouir sur le marché francophone et d’être pris pour des artistes à part entière. Aujourd’hui, quand tu es un artiste belge et que tu arrives quelque part, on nous accueille à coups de « Ah, les Belges sont là » alors que quand j’ai commencé, ce n’était pas comme ça. C’était limite mal vu. Je ne vais pas citer de noms, mais il y a des rappeurs belges qui sont partis s’installer à Paris pour se faire passer pour des Français. Alors que maintenant, être Belge, c’est une force en plus. Et ça, c’est grâce à Damso, Hamza,  à JeanJass et Caballero et à Roméo Elvis… Ce sont vraiment des gars qui ont fait en sorte qu’on prenne vraiment les rappeurs belges au sérieux. »

Quand on passe de l’ombre à la lumière, de la production à l’interprétation, forcément, la transition peut être inquiétante. « J’étais anxieux la semaine dernière, avant la sortie du projet, alors que ça ne me ressemble pas du tout : je trouvais ça bizarre d’être stressé. Et puis je suis retombé dans mon énergie, tout va bien se passer. »

"Pour ce premier projet solo, il fallait trouver le timing parfait"

Cette transition, de beatmaker pour les autres à rappeur, elle a toujours été évidente. Il fallait juste trouver le bon moment. « C’est très particulier, parce que je n’ai jamais vraiment arrêté de faire des sons pour moi. J’estimais juste que vu le nom que je m’étais fait, je ne pouvais pas arriver avec un projet tiède ou à moitié abouti. Il fallait aussi que j’aie les budgets nécessaires au développement de mon univers. Ça a pris du temps. Me réhabituer à rapper, à chanter, ça a aussi demandé pas mal de travail. Et puis j’ai eu le déclic, le timing était optimal. »

Quand il travaille sur "QALF" avec Damso, il a déjà "Passager (((8)))" en tête. « Damso était au courant. Il m’a dit, très pragmatique, 'On va faire QALF et puis ça va péter. Et puis il y aura de la lumière sur toi et ça va te servir pour ton album'. C’était vraiment cool de sa part. » Et c’est exactement ce qui est en train de se passer. Résultat, la sortie d’un album taillé pour rester en tête. Un voyage intersidéral, motivé par l’envie de se livrer, de démontrer ses talents et de marquer ses auditeurs. On y retrouve les voix de Tiakola, Hamza ou encore Disiz. « Disiz fait partie des premiers artistes que j’ai rencontrés dans ma carrière et le courant est passé tout de suite. On a les mêmes influences, on aime le même type de musique. On se ressemble beaucoup. Cette relation professionnelle s’est transformée en relation humaine et fraternelle. C’était naturel pour moi de l’avoir sur le projet. À la base, je ne voulais pas avoir d’invités sur ce projet. Je ne voulais pas me cacher derrière un nom. Mais quand des artistes comme ça te proposent un morceau, tu ne peux pas refuser. »

Prinzly - Passager (((8)))

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Trez Recordz

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