
Bootleg Series et Philosophie de la chanson moderne : Bob Dylan en livre et en musique

La matière du 17e volume des Bootleg Series (le dernier?) se nourrit des sessions d’enregistrement de “Time Out Of Mind”. Un disque couronné de trois grammys, salué par la critique et considéré à sa sortie en 1997 comme celui marquant un retour en forme de Dylan. Le coffret s’ouvre par un nouveau remix des onze chansons originales de “Time Out Of Mind”. Le clan Dylan aurait “déshabillé de leurs effets” ces morceaux aux tonalités boisées produites par Daniel Lanois. Seules les oreilles aiguisées entendront la différence. Plus intéressantes sont les répétitions, les versions live (magnifiques Love Sick et Standing In The Doorway) ainsi que la présence de cinq morceaux non retenus sur l’album original: l’excellent The Water Is Wide, le blues Marching To The City, Mississippi offert à Sheryl Crow, Dreamin’ Of You qui avait fait l’objet d’un clip avec l’acteur Harry Dean Stanton et Red River Shore.
Une bio sentimentale
Ces archives ont été précédées par la publication de Philosophie de la chanson moderne, qui serait un traité de l’art du songwriter plutôt qu’un beau livre (des illus peu précises portent l’achat à 40 euros). On y apprend par exemple qu’”un disque est tellement plus agréable sans trucages”, ce qui s’applique aux voix des Temptations, mais aussi au présent remix de “Time Out Of Mind” asséché des loops brumeux de Lanois. Dylan a ainsi consacré quelques pages à 66 chansons, souvent anciennes, voire inconnues, à lire avec les 3 h 33 de la playlist The Philosophy Of Modern Song sur Spotify.
Il lui arrive de s’arrêter sur un détail (la bio d’un costumier, un double sens pour initiés), mais le plus souvent, il montre comment ce titre joue son rôle de chanson populaire parfaite. Autour de ses personnages et de leur dilemme, il imagine un contexte et une conclusion. Exercice qui transforme la chanson en nouvelle, comme si d’une photo, il tirait une vie (Dylan a aussi peint des tableaux à partir d’images de films). Il démontre du même coup que la rime même facile est “ancrée dans le réel et riche de sens”. Il vante l’honnêteté de l’artiste, sa capacité à relier ses expériences à celles du public, la nécessité de “masquer ce qu’on veut dire et le dire quand même”… On devine le petit Robert Zimmerman penché sur une “radio d’antan”, mordu à jamais par l’exercice: écouter et rêver. C’est que derrière son titre paravent Philosophie de la chanson moderne, se cache une autobiographie indirecte mais sentimentale.