
Grégoire Delacourt : "La nuit, dans ma chambre, j’ai eu peur, mais maintenant je suis guéri"

Votre nouveau livre se déroule le temps d’une nuit. Où étiez-vous la nuit dernière?
La nuit dernière, j’étais seul…
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Oui, mais où?
Dans une chambre d’hôtel merveilleuse à Bruxelles.
C’était bien?
Oui, c’était très bien. Parfois dormir avec soi est une chose très agréable et très intime.
Si vous étiez une femme pendant toute une nuit, qu’auriez-vous envie de faire?
Dormir avec moi. J’ai dit dormir, vous aurez remarqué mon sens de l’élégance…
Si vous étiez un animal pendant toute une nuit, quel animal seriez-vous?
Un aigle. C’est un animal somptueux et j’aurais envie de voir s’il voit aussi bien la nuit que le jour et s’il peut chasser la nuit.
La nuit qui a marqué votre adolescence ou votre jeunesse?
C’est une nuit tragique… C’est la nuit du drame du Heysel en 1985. J’avais 25 ans, je travaillais dans une agence de pub à Bruxelles, et c’est une nuit qui m’a fait mûrir très vite… Moi, je ne suis pas très foot, mais j‘avais vu la liesse dans la ville cet après-midi-là… Le soir, j’ai regardé le match et j’ai vu l’horreur. Je sais que cette nuit-là, j’ai écrit un texte sur la violence et l’inhumanité dont on peut être capable et je pense que c’est ce qui m’a amené plus tard vers l’écriture. C’est une nuit que je n’oublierai jamais…
Où aimeriez-vous passer une nuit?
En haute montagne, face à un panorama extrêmement beau.
Votre dernière nuit blanche?
(Silence). C’est trop personnel, je ne peux pas vous le dire. C’était un chagrin… Un chagrin qui a affecté quelqu’un de très proche…
Avez-vous beaucoup fréquenté le monde de la nuit?
Pas du tout. Je m’y suis tenu très à l’écart car il me fait un peu peur. Je ne suis pas du tout boîte de nuit, ça ne m’a jamais attiré ce monde de l’ivresse avec ces gens qui sortent d’eux-mêmes. J’aime plutôt les nuits de bord de lac…
Si la nuit était une matière…
(Silence). Un coton épais et frais.
Quelle est la plus belle ville la nuit?
New York, là où j’habite aujourd’hui.
Quelle est la plus belle chanson sur la nuit?
La nuit je mens d’Alain Bashung, ça reste extrêmement beau. C’est troublant, sensuel, ça fait quelque chose le long de la colonne vertébrale.
Enfant, aviez-vous peur de la nuit?
Oui, mais pour des raisons horribles que j’ai racontées dans mon livre L’enfant réparé (il y raconte les abus sexuels dont il a été victime - NDLR). La nuit, dans ma chambre, j’ai eu peur, oui… Mais maintenant je suis guéri…
Aimez-vous travailler la nuit?
Quand j’étais jeune, oui, parce que j’étais jeune! Maintenant, je préfère bosser très tôt le matin.
Quelle est la plus belle nuit de votre vie?
Je crois que c’est la prochaine… Celle qui arrive là…
Qu’est-ce qui se passe la nuit prochaine?
Je retrouve ma femme.
Une nuit particulière, Grasset, 194 p.