François Schuiten sur Animalia au musée Train World : "Le train a le vent en poupe"

Dessinateur de BD, il a rêvé Animalia, expo entre défense de la biodiversité et imaginaire ferroviaire.

François Schuiten
© BelgaImage

Je ne vous demande pas comment vous avez conçu cette exposition, mais comment vous l’avez rêvée…
En voulant montrer les enjeux du climat et de la biodiversité. Montrer aussi comment le train est une des solutions dans cette crise. On ne voulait pas être culpabilisant ou donneur de leçons, mais grâce à Pierre-Yves Renkin, sculpteur et taxidermiste de renom, on a pu créer un choc d’émerveillement.

En général, on ne voit pas d’éléphants, de girafes, de gorilles le long de nos voies ferrées…
Je ne vous cache pas que ça n’a pas été si simple… (Rire.)

Pourquoi ça n’a pas été simple?
Parce que les gens disent “Avec quoi tu viens, là? C’est quoi, cette histoire?”...

François Schuiten, ce zinzin!
Voilà! Il a fallu entraîner toute l’équipe… Mais il est important que le Train World ne soit pas un lieu qui regarde dans le rétroviseur, mais un lieu qui s’avance et qui s’engage.

Chez nous, quand on pense aux animaux et aux voies ferrées, on pense aux vaches qui regardent passer les trains…
(Rire.) J’y ai pensé à cette image, on a beaucoup tourné autour de toutes les images, mais il y a énormément de choses qui lient le ferroviaire et les animaux, plus que la vache qui regarde passer les trains.

Petit, avez-vous été marqué par cet épisode de la Bible qui raconte comment Noé embarque dans une arche toutes les espèces animales pour les sauver du déluge?
Évidemment! Vous avez tout à fait raison! Dès qu’on a introduit la girafe dans le Train World, l’image de l’Arche de Noé est apparue. L’Arche de Noé est un mythe puissant qui continue à irriguer notre imaginaire. C’est marrant que vous me parliez de ça, car à l’école, un de mes premiers dessins à avoir été remarqué était un dessin de l’Arche de Noé…  Je me souviens que le directeur de l’école avait dit: “Ce n’est pas lui qui a dessiné ça, ce n’est pas possible”.

Quel âge aviez-vous?
Je devais avoir douze ans…

Vous évoquez le train comme une des solutions écologiques, l’utilisez-vous souvent?
Tout le temps! Je passe ma vie dans le Thalys, mais je trouve que l’imaginaire ferroviaire s’est beaucoup appauvri alors que nos rêves de trains ne ­demandent qu’à se réveiller puisque le train a le vent en poupe.

Comme le retour des trains de nuit…
Oui, mais comme vous le dites, c’est un retour, on ne crée pas de nouvelles mythologies ferroviaires, or ce n’est pas très difficile d’imaginer des trains avec de nouveaux panoramas…

Donc pour résumer, votre empreinte carbone est bonne…
Oh non, je peux faire beaucoup mieux. Notre génération a du boulot, et je ne suis pas trop fier.

Sur votre compte Instagram, vous avez posté de magnifiques dessins à l’encre de Chine de votre chien Jim qui, malheureusement, nous a quittés il y a quelques semaines…
Je ne m’en remets pas… C’est treize années de ma vie… Au moment où, à l’exposition, nous placions les animaux dans cette arche, comme vous le dites, mon chien s’en allait…  Treize années vissé à lui… Partout… Dans les restaurants, si je ne pouvais pas venir avec mon chien, je n’y allais pas…  Je ne m’en remets pas, c’était un animal extraordinaire. La vie était extraordinaire avec lui… Continuer à le dessiner est la seule chose qui me console sinon je pleure…

ANIMALIA, jusqu’au 5/11. Train World, Bruxelles. www.trainworld.be

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