
Immersion en Corée du Nord par Stéphan Gladieu, au Musée de la Photo

Une image rare
Photoreporter depuis trente ans, Stéphan Gladieu a pu travailler en Corée du Nord et réaliser des portraits d’hommes et de femmes mis en scène dans des décors qui, entre vie professionnelle et loisirs, livrent une image rare de cet État fermé au regard du monde et à ses influences. “Il y a quinze ans, j’ai fait une demande pour aller en Corée du Nord, elle a été rejetée, raconte le photographe français. Un ami coréanologue m’a présenté son professeur de coréen qui, lui, a pu m’organiser un rendez-vous avec le représentant de la Corée du Nord en France. Ce rendez-vous a été capital…” Entre 2017 et 2020, lors de cinq voyages, déplaçant son studio de la ville à la campagne, accompagné (forcément accompagné), Stéphan Gladieu a approché le quotidien de modèles souvent surpris d’être le point de mire de son entreprise. Ceci n’est pas la pochette d’un disque new wave des années 80, mais le portrait de cinq étudiantes rencontrées en juin 2018 dans la première salle de cinéma 3D de Pyongyang, capitale de la Corée du Nord.
Le travail à la coopérative
En octobre 2017, Stéphan Gladieu traverse des paysages de campagne à la rencontre d’ouvriers de fermes coopératives comme ici à Sariwon, chef-lieu de la province du Hwanghae du Nord. Sur sa liberté d’action, il explique: “Pour un professionnel de l’image, prétendre à une démarche journalistique en Corée du Nord, c’est impossible. Le choix des lieux qu’on m’a montrés a été décidé par mes hôtes et beaucoup de ces endroits ont été visités par Kim Jong-un ou par son père Kim Jong-il - ce qui, d’une certaine façon, vous fait marcher sur les pas du leader qui a validé ces lieux puisqu’il y est venu.”

© Stéphan Gladieu courtesy School Gallery/Olivier Castaing
L’esthétique kitsch
Ce reportage réalisé en Corée du Nord fait référence à l’esthétique kitsch des images de propagande communiste. Dans ce supermarché de Kwangbok, le centre commercial de Pyongyang, le photographe, qui avoue “surjouer”, documente le rapport à la consommation dans un pays qui alimente toutes les interrogations, toutes les peurs et tous les fantasmes.

© Stéphan Gladieu courtesy School Gallery/Olivier Castaing
Une société en uniforme
Les employées d’un restaurant posent en uniforme devant la Tour du Juche, hommage à l’idéologie du régime. “Les modèles, c’est Monsieur et Madame Tout-le-monde, commente Gladieu. Des étudiants, des fonctionnaires, des militaires, des vendeuses, des médecins… En revanche, il n’y a pas d’artistes, ni de personnes âgées - ce qui suppose qu’on m’a donné à voir la part “utile” du projet collectif.”

© Stéphan Gladieu courtesy School Gallery/Olivier Castaing
La famille, reflet parfait
En juin 2017, le photographe immortalise cette jeune famille au zoo de Pyongyang. “Ces gens, explique-t-il, n’ont jamais été photographiés. Il ne faut pas oublier que le portrait individuel n’existe pas là-bas, or le portrait est synonyme de reconnaissance sociale.”

© Stéphan Gladieu courtesy School Gallery/Olivier Castaing
À la gloire du parti
À Pyongyang, un marteau, une faucille et un pinceau de calligraphie (symboles des ouvriers, des agriculteurs et des intellectuels) sont les motifs gigantesques du Monument à la fondation du Parti devant lequel posent ces deux hommes. “J’ai senti chez les modèles du stress, mais aussi de l’amusement et de la fierté - une fierté nationaliste”, conclut Stéphan Gladieu.

© Stéphan Gladieu courtesy School Gallery/Olivier Castaing
CORÉE DU NORD, jusqu’au 21/5. Musée de la Photographie, Charleroi. www.museephoto.be
Table ronde avec Stéphan Gladieu, le 15/2. Musée de la Photographie, Charleroi.
CORÉE DU NORD, Actes Sud, 160 p. www.stephangladieu.fr