Guillaume Canet sur "Astérix et Obélix : l'Empire du Milieu" : "Si c'est un échec commercial, vous ne me verrez plus avant longtemps"

Pression maximale et enjeux décisifs pour ce nouvel épisode d’Astérix. Signé Guillaume Canet, qui dirige un Gilles Lellouche hyper-convaincant en Obélix, L’Empire du Milieu est teinté par l’amitié qui lie les deux hommes.

astérix et obélix
© Prod.

Si Christian Clavier n’a pas été l’unique interprète d’Astérix au cinéma, c’est la première fois qu’Obélix n’a pas les traits de Gérard Depardieu. Et pour Gilles Lellouche, l’enjeu est de taille. ­L’Empire du Milieu est aussi le premier à ne pas être tiré d’un album de la série BD. Et pour Guillaume Canet, qui réalise et cosigne ce scénario original, l’enjeu est colossal. Les producteurs parmi lesquels Alain Attal entendent, eux, faire mieux que les deux derniers films de la franchise. Avec un peu moins de 4 millions d’entrées, Au service de Sa Majesté de Laurent Tirard reste celui qui a le moins bien fonctionné de tous. Or, dix ans plus tard, le paysage a changé: les plateformes ont un pouvoir énorme, les cinémas se vident et les films français ont déserté les dix premières places du box-office en 2022. Il pèse donc sur ce film dont le budget ­culmine à 65 millions d’euros (15 de plus que le Mission Cléopâtre d’Alain Chabat) une pression plus forte que celle des Romains sur le petit ­village gaulois créé par Goscinny et Uderzo.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Quand un nouvel album d’Astérix sort en librairie, cela booste les chiffres de toute l’édition. Est-ce l’effet escompté au cinéma aussi?
Guillaume Canet -
C’est une très grosse production et le but, c’est de réunir le plus de gens possible, de leur donner envie de retourner en salle. Après la pandémie, ce n’est pas évident… Le public revient en salle mais pour des films comme Avatar… Donc, les gens de Pathé, d’UGC, de chez Gaumont me disent qu’ils sont derrière mon film. Ils savent que si le film fonctionne, c’est important pour l’ensemble de la profession. J’ai eu la tête dans le guidon tout le temps, maintenant je réalise que le film va sortir et je suis littéralement mort de trouille. Si cet Astérix est un échec commercial, vous ne me verrez plus avant longtemps. Je ne m’en remettrai pas, même professionnellement parlant.

Si ça ne ­marche pas, je trouverai un job au Parc Astérix.

Gilles, avez-vous les mêmes peurs que Guillaume Canet?
Gilles Lellouche -
On n’a pas les mêmes enjeux, mais j’ai peur évidemment. Si ça ne ­marche pas, je trouverai un job au Parc Astérix (rire). Blague à part, je voudrais que ça fonctionne pour prouver qu’on peut, nous aussi, faire des blockbusters. On a un cinéma d’auteur qui est épatant en France et en Belgique. Il faut le préserver, coûte que coûte. Mais pour ça, il faut que le cinéma continue d’exister. Donc les entrées, c’est un enjeu extrêmement important. C’est la première fois que je participe à un film aussi gros, j’ai vu mon pote aux commandes d’un film tentaculaire. Quand on fait un film comme celui-là, on n’a pas d’autre choix que de travailler énormément. S’il n’y a pas de travail derrière, on va droit dans le mur.


C’est un des films les plus chers produits en France. Quels étaient les challenges?
G.C. -
Le gros challenge était ne pas faire d’infarctus avant la fin du film. Remplacer Depardieu, qui n’avait plus envie de tourner dans un Astérix, était aussi un challenge. Et comme tout le monde voulait amener un renouveau à la franchise, j’ai insisté pour qu’Astérix et Obélix soient tous les deux au cœur de l’histoire. Je me suis dit que si on développait les personnages, l’acteur qui jouerait Obélix aurait plus de choses à défendre et collerait plus au personnage de la BD. J’ai eu Depardieu au téléphone. Il m’a demandé qui j’avais choisi pour jouer Obélix. Je lui ai répondu que c’était Gilles. Il m’a dit que c’était très bien parce qu’on était potes. Et qu’entre Astérix et Obélix, c’est d’abord une histoire d’amitié.

C’est votre amitié qui donne sa teinte au film?
G.C. -
Avec Gilles, on a vécu plein de choses, on a tourné ensemble, on s’est engueulés très fort. Ce n’est pas évident, quand on joue chacun dans le film de l’autre, on a souvent tendance à être le bouc émissaire parce que c’est celui qu’on ­connaît le mieux. Là, c’est la première fois qu’on fait un film sans s’engueuler. Alors qu’on avait quand même tous les deux une pression énorme. Notre amitié résume un peu la situation d’Astérix et Obélix. Ils s’engueulent souvent, il y a souvent de la baston entre eux, mais à la fin ils se retrouvent toujours.

Comment avez-vous construit votre Obélix?
G.L.  -
Comme un retour vers l’enfance. C’est ainsi que j’envisage ce personnage: un enfant dans un corps de brute. Dans sa tête, il a 12 ans, pas plus, avec des montées d’hormones et de testostérone… Il est naïf, généreux, enthousiaste, il n’a aucun cynisme. C’est agréable de jouer ça aujourd’hui. Passé le trac, j’ai pris beaucoup de plaisir à le jouer. Le trac non de remplacer Depardieu mais de lui succéder. C’était une angoisse absolue.

Il y a une foule de guests - Angèle, Orelsan, Zlatan Ibrahimovic… Le scénario s’est-il construit en fonction d’eux?
G.C. -
Non, pas du tout. Il y a un scénario écrit et pour tous les rôles, il y a eu des castings sur la base de ce scénario. On n’a pas écrit le personnage d’Antivirus pour Zlatan Ibrahimovic, par exemple. Pour ce rôle de soldat, je voyais plutôt un boxeur ou un champion de MMA comme Conor McGregor. Et puis ça s’est fait avec Zlatan. Je dis que c’est une bonne idée d’autant plus facilement que ce n’est pas moi qui l’ai eue. En revanche, il y a quelques clins d’œil dans les dialogues à une chanson d’Angèle ou à Orelsan quand il dit qu’il va faire le tour du monde pour nous montrer que la Terre est ronde. Ça amusera les spectateurs qui ont la référence. Comme quand César utilise le geste du rappeur Jul pour se présenter. Rendons à César ce qui lui appartient: c’est Vincent Cassel qui a eu cette idée.

Face au projet des producteurs, comment avez-vous imposé votre vision de cinéaste?
G.C. -
J’ai suggéré aux scénaristes (Philippe Mechelen et Julien Hervé, ex-auteurs des Guignols et coscéna­ristes des Tuche - NDLR) de me laisser bosser de mon côté, de leur envoyer les scènes au fur et à mesure. Je me suis accaparé l’histoire, le scénario, et c’était jouissif d’amener des clins d’œil aux albums que j’ai lus dans mon enfance et au cinéma avec lequel j’avais grandi. Et puis, j’avais envie de faire un grand film d’aventures, une épopée, un film de voyage…

Et d’amener plus de femmes que dans les autres films?
G.C. -
Oui, j’avais envie qu’il y ait un équilibre et qu’il y ait de beaux rôles féminins. Je suis fan du cinéma de Tsui Hark, de Ang Lee et de ce cinéma asiatique où il y a de très belles héroïnes. J’ai eu envie de guerrières qui allaient évoluer dans des combats aériens. Et puis, j’ai pensé aux enfants… Il fallait que les adultes s’identifient, mais il fallait aussi que les enfants s’y retrouvent. Je sais que mon fils s’identifiera à Astérix, mais j’avais envie que ma fille de 5 ans puisse avoir aussi son héroïne. Je crois que je n’aurais pas fait le même film si je n’avais pas eu d’enfants.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité