
Annette, Billie Holiday... Les sorties ciné à ne pas manquer (ou à éviter)

Annette
Ce sont les Sparks qui ont imaginé le récit d’Annette, qui résonne étrangement avec la part sombre de Leos Carax. On y suit l’histoire d’amour violente entre Henry (Adam Driver) et Ann (Marion Cotillard), un comédien de stand-up et une chanteuse lyrique, dans le monde du spectacle à Los Angeles. Trente-sept ans après son premier film (Mauvais sang avec Juliette Binoche), Leos Carax brasse ses thématiques cultes (l’amour destructeur, le pouvoir de la fiction) et tire magnifiquement parti de la théâtralité “méta” de ce sixième long-métrage qui lui a valu le prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes. “L’amour me rend malade”, clame Henry à son public à mesure que sa jalousie grandit avec le succès d’Ann dont il se sent peu à peu exclu, jusqu’au moment fatal. Variation sur la violence masculine et le désespoir amoureux, dans une maison ouverte aux songes et aux fantasmes, Henry s’enfonce dans une culpabilité qui résonne avec les drames personnels de Leos Carax (en 2011 la mort de l’actrice russe Katerina Golubeva, mère de sa fille). Car la petite Annette du film, c’est sans doute elle, une enfant-marionnette, sorte de Pinocchio au féminin venue pour donner la réplique à un père aussi coupable qu’inconsolable, enfermé dans sa posture d’artiste maudit. Au bord du gouffre, Leos Carax raconte la rédemption impossible d’un homme, assumant sa part de ténèbres (les féminicides sont évoqués dans de multiples vidéos télé). Carax éclaire ses propres abysses, entre virtuosité (les moments musicaux et la grâce du couple Driver-Cotillard sont exceptionnels) et hommage au cinéma sous toutes ses formes (de la lanterne magique aux shows 3D de la marionnette, créés dans les studios Mikros de Liège - on y croise aussi Angèle en caméo), à la recherche du miracle Annette. Pour nous, il a eu lieu. - J.G.
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Annette **** réalisé par Leos Carax. Avec Adam Driver, Marion Cotillard, Simon Helberg - 140’.
The United States Vs. Billie Holiday
C’est en découvrant Diana Ross interprétant Billie Holiday (1915-1959) dans Lady Sings The Blues (1972) que Lee Daniels (Precious, Le majordome) a eu envie de devenir cinéaste. “Plus tard, quand j’ai appris que le gouvernement l’avait poursuivie pour une chanson, j’ai été submergé par l’émotion. Billie Holiday était une héroïne. Avant Malcolm X, c’est elle qui a démarré la lutte. Je me suis dit qu’on avait besoin de la célébrer aujourd’hui, dans l’Amérique fracturée”, nous a confié le cinéaste qu’on a pu interviewer. À rebours des biopics lisses et récréatifs, Lee Daniels ose un drame sombre et intense axé sur l’année 1939, lorsque la chanteuse de jazz grandie dans un bordel de New York brave l’interdiction de chanter Strange Fruit (poème hanté par le lynchage des Noirs américains et considéré comme le premier chant de protestation des droits civiques), tout en tombant amoureuse de Jimmy Fletcher, l’un des premiers inspecteurs noirs de l’Amérique. Un film comme une élégie avec une Andra Day exceptionnelle dans le rôle de Billie. - J.G.
The United States Vs. Billie Holiday **** réalisé par Lee Daniels. Avec Andra Day, Trevante Rhodes, Garrett Hedlund - 128’.
Le peuple loup
Le conte se déroule dans l’Irlande du XVIIe que les Anglais “civilisent” en rasant les forêts pour lutter contre les loups. Robyn rêve de devenir une chasseuse de loups. Mais elle n’a que 11 ans et c’est une fille. Se perdant dans la forêt, elle y fait la rencontre de la fille de la magicienne qui tente de protéger l’univers des hommes et des loups de leurs agressions réciproques. Après le formidable Brendan et le secret de Kells (2009) et Le chant de la mer (2014), Tomm Moore clôture son triptyque sur le folklore irlandais avec ce très beau film d’animation qui, en plus d’être un hymne à une nature préservée, constitue un ravissement pour les yeux. - E.R.
Le peuple loup *** réalisé par Tomm Moore et Ross Stewart - 104’.
Illusions perdues
Lucien de Rubempré monte de sa province dans le Paris de la Restauration, autour de 1835, pour devenir un poète célèbre. La ville dans laquelle il plonge avec toute l’inconscience de sa jeunesse est tiraillée entre les aristos revenus aux affaires et le milieu littéraire et journalistique qui va lui offrir une gloire factice. Mais le petit “de” de son patronyme va cruellement sceller son destin. Xavier Giannoli signe avec cette adaptation d’Illusions perdues d’Honoré de Balzac une histoire de splendeur et de décadence classique. L’intérêt ne réside donc pas tant dans le sort du jeune homme ni dans la liaison contrariée qu’il vit avec Louise (Cécile de France) que dans la peinture de la presse de l’époque. Une presse qui fait et défait les réputations et qui va aussi commencer à vivre de la pub. Certes, Illusions perdues n’a pas la saveur du Ridicule de Patrice Leconte, mais le récit est bien mené et interprété par une belle brochette de talents, dont émergent les formidables Vincent Lacoste et Xavier Dolan. - E.R.
Illusions perdues ** réalisé par Xavier Giannoli. Avec Benjamin Voisin, Vincent Lacoste, Cécile de France, Xavier Dolan, Gérard Depardieu - 149’.
Halloween Kills
L’intérêt d’une franchise est d’essayer de surprendre le spectateur à chaque film, pas de lui resservir indéfiniment la même soupe. Les concepteurs de Halloween ont depuis longtemps pressé le citron jusqu’à la dernière goutte. Le même Michael Myers, dont le visage est toujours caché par le même masque du Captain Kirk de Star Trek (depuis 1978, il ne doit pas sentir très bon), revient dans la même rue pour essayer de tuer la même personne. Chaque fois qu’il meurt, il ressuscite. Ce 12e épisode est sans doute le 10e de trop. Il est temps que l’agent de Jamie Lee Curtis lui trouve d’autres occupations. - E.R.
Halloween Kills * réalisé par David Gordon Green. Avec Jamie Lee Curtis, Judy Greer - 106’.