
Quand tu seras grand, un "cri sociétal" pour les vieux en maisons de repos

Figure publique engagée contre la violence masculine depuis Les chatouilles, film-choc né après un étourdissant seul en scène qui dénonçait les abus sexuels dont elle a été victime enfant, Andréa Bescond récidive aux côtés d’Éric Métayer avec un second film tout aussi engagé. On y suit Yannick (Vincent Macaigne), aide-soignant dans un Ehpad (et par ailleurs fan de heavy metal), dont l’équipe déjà surmenée va être confrontée à l’arrivée d’une classe d’école de primaire contrainte de partager sa cantine. Si on pourra regretter l’aspect un peu chaotique de l’écriture (qui ne développe pas assez ses personnages, notamment celui de Marie Gillain, ou alors au risque de la caricature avec Aïssa Maïga en maîtresse antipathique), on saluera la fougue de la réalisation et du positionnement social.
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“Le point de départ du film, c’est quand ma grand-mère était placée en Ehpad, on allait la voir assez régulièrement avec nos enfants et ça générait énormément de joie chez les personnes âgées. Le mélange des générations nous intéressait comme sujet de film. Auquel on a ajouté notre colère vis-à-vis de la société dans la manière dont ces institutions dérèglent aujourd’hui”, note la coréalisatrice qu’on a rencontrée aux Journées UniFrance à Paris. Très documenté, le film aborde la douleur des patients délaissés par leurs familles, le surmenage du personnel soignant, la dérive managériale actuelle de la gestion de la santé accrue par le Covid (on y parle de “corps Ehpad” pour compter les morts). “Nous voulions montrer l’étendue du spectre humain dans un lieu unique, à travers un système défaillant. Il y a un vrai problème de moyens, le personnel devient parfois maltraitant malgré lui, parce que ça déraille au sommet. Notre film est un cri sociétal mais avec une part de romanesque”, poursuit le duo.
Peu à peu, le film fait place à la belle amitié qui va lier un jeune garçon et l’un des personnages les plus touchants du film - Yvon, ancien cascadeur frappé d’Alzheimer. Et le film se fait aussi hymne au grand âge, à l’heure où le Covid a monté les générations les unes contre les autres: “On abandonne nos vieux et on nous abandonnera aussi si on continue comme ça. Notre film est une alerte, certes, mais il est aussi une manière de rendre hommage à la vieillesse. C’est une ode à l’amitié, à l’humanité et à la richesse du grand âge qu’on a tant voulu stigmatiser et exclure de notre société pendant le Covid. On essaie d’apporter des questionnements et une lumière, certainement pas des réponses”, concluent les cinéastes.
** Réalisé par Andréa Bescond et Éric Métayer. Avec Vincent Macaigne, Aïssa Maïga, Marie Gillain - 99’.