
Jeanne du Barry : que vaut le nouveau film de Maïwenn avec le controversé Johnny Depp ?

D'abord il y a la rumeur, tant le sixième film de Maïwenn arrive éclaboussé de scandale. La réalisatrice de Polisse ou Mon roi s’aventure dans la fresque historique avec ce portrait de Jeanne du Barry (1743-1793), “fille de rien”, née Jeanne Bécu et devenue la dernière favorite du roi Louis XV. Mais en confiant le rôle du monarque à Johnny Depp, indésirable à Hollywood depuis le tonitruant procès qui l’a opposé à son ex-femme pour violence conjugale, Maïwenn (devant et derrière la caméra) prend le risque de la provocation à l’ère post-#MeToo, tout en ayant surmonté un tournage houleux. “Aux États-Unis les stars ne se font pas vraiment diriger […], mais en France le boss c’est le metteur en scène”, a-t-elle confié au magazine Première, concluant que Johnny avait fini par “jouer le jeu”. Et c’est tant mieux.
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En quasi-huis clos dans le palais de Versailles qu’elle filme en pellicule, Maïwenn se place d’emblée dans l’aura très féminine du Marie-Antoinette de Sofia Coppola et évoque aussi la fantaisie du Peau d’Âne de Jacques Demy, pour retracer le parcours de cette catin galante, formée par un aristo libertin (Melvil Poupaud en comte du Barry) et qui accède in fine à la couche royale. Historiquement le film tient son rang, observant avec finesse les usages du protocole de cour (Benjamin Lavernhe en premier valet pas dupe), l’infernal ballet des courtisans et des filles du roi qui jalousent Jeanne et viennent briser sa sororité naturelle avec la toute jeune Marie-Antoinette. Le film s’octroie quelques scènes purement féministes (dont une consultation gynécologique par des médecins qui se rincent l’œil) et offre un regard historique contemporain, avec l’introduction d’un personnage noir (le page Zamor) qui vient dénoncer le racisme de la cour.
Mais en regardant Maïwenn poudrée traverser la galerie des Glaces en crinoline face à Johnny Depp en costume de satin bleu, on est aussi atteint de vertige tant le film tire vers l’autobiographie. Transfuge de classe, provocatrice, grande amoureuse, la du Barry de Maïwenn est tout cela. En accédant à la part secrète du roi, depuis son lever jusqu’à son agonie, défiguré par la petite vérole, Maïwenn se plaît aussi à jouer avec l’aura brisée de Johnny Depp (en concert rock au Graspop le 18 juin avec son groupe) qu’elle contemple derrière un miroir sans tain, révélant ainsi la double nature des étoiles hollywoodiennes, à la fois sacrée et terriblement humaine.
*** De et avec Maïwenn. Avec aussi Johnny Depp, Benjamin Lavernhe, Pierre Richard - 116’.