
Pourquoi Hollywood menace de faire grève à partir du 1er mai

How i Met Your Mother, Prison Break, Lost, Desperate Housewives, Breaking Bad, 24 Heures chrono… en 2007, le tournage de quelques-uns des plus iconiques tv show du début du XXIème siècle avait été interrompu, suite à une grève massive des scénaristes américains. On estime que le mouvement social avait coûté 2,1 milliards de dollars à l’industrie hollywoodienne.
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Le souvenir de ce bras de fer doit hanter les producteurs de cinéma et de télévision du pays, alors que les négociations sur la revalorisation du métier de scénariste sont censées aboutir d’ici à lundi 1er mai. Si ce n’est pas le cas, la puissante Writers Guild of America (WGA), le puissant syndicat représentant les quelque 11.000 scénaristes du pays, a déjà prévenu : ce sera la grève générale.
17 avril, 98 % de ses membres se sont d’ailleurs prononcés en faveur d’une grève, dans le cas, de plus en plus probable, d’un échec des négociations avec l’Alliance of Motion Picture and Television Producers (AMPTP), qui représente environ 300 producteurs et les grands studios (Paramount, Sony, Disney, Warner, ainsi qu’Amazon, Netflix et Apple).
Les revendications des scénaristes ? Une hausse du salaire minimum (alors que la proportion de scénaristes de télévision payés au minimum syndical est passée d’un tiers à 50 % entre 2014 et 2022), une réglementation plus stricte concernant les réécritures (souvent effectuées gratuitement) et une meilleure redistribution des droits découlant de leur travail. Le tout, dans un contexte d’inflation poussée.
Droits d'auteur très bas
Cet hiver, Variety relayait la mésaventure d'un scénariste, Timothy Dowling. Il a co-écrit "Just Go With It", un film d'Adam Sandler sorti en 2011. En janvier 2022, le film figure en seconde position des films les plus populaires sur Netflix. Mais quand Timothy Dowling a consulté ses revenus en droits d'auteurs, rien n'avait vraiment changé. «Netflix a clairement payé pour acquérir le film, mais cet argent n’arrive pas jusqu’au scénariste», dénonçait-il alors.
Ces dernières années, les plateformes de Streaming (Netflix, Amazon, Disney+, Hulu) sont devenues des mastodontes du secteur. Or celles-ci restent discrètes sur leurs audiences et les accords actuels prévoient des droits d’auteur très faibles.
D’autant que les plateformes ont bousculé le format des séries, et donc le travail des scénaristes. Fini les séries de vingt épisodes, à la Lost : la norme désormais, est de commander huit à dix épisodes, maximum. Ce qui finit par impacter la rémunération des auteurs.
Toute une industrie impactée
Face aux demandes salariales des auteurs, les studios et autres producteurs mettent en avant une conjoncture difficile : Warner Bros a annoncé fin 2022 qu’elle supprimerait des milliers d’emplois et réduirait son investissement audiovisuel de 4 milliards de dollars. Disney vient d’annoncer la suppression de 7.000 emplois et une coupe budgétaire de 5,5 milliards de dollars dans le streaming.
Mais la WGA balaie ce discours, renvoyant aux larges bénéfices de sociétés comme Netflix, qui a enregistré une marge opérationnelle de 20 % en 2022 et une croissance de ses revenus de 4 % au premier quadrimestre 2023.
Si les négociations échouent et que les scénaristes en viennent effectivement à ranger leurs stylos et leurs laptops, c’est toute la machine hollywoodienne qui risque de s’enrayer. Sur les plateaux de tournage, en coulisses, mais aussi dans la ville, la restauration, l'hôtellerie… Des émissions de télévision ne pourront plus être produites à cause du manque d'auteur pour écrire les nouveaux épisodes.
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Pareil pour les lates show, ces émissions diffusées le soir et qui sont des cartons d’audiences. Sans les petites mains derrière les succès de Stephen Colbert, Jimmy Kimmel et Jimmy Fallon, plus de show. Au cinéma, les producteurs, inquiets de la situation, ont pris les devants et fait le plein de scripts qui n'attendent plus qu'à être réalisés. Mais s'il faut retoucher le scénario ou des dialogues, l’absence des scénaristes s’en ressentira.
Les studios se tiennent également prêts à lâcher un flot de programmes de télé-réalité, lesquelles ne nécessitent pas de scénaristes. En 2007, en interrompant le tournage de nombreuses séries, la grève des auteurs avait laissé le champ libre à la télé-réalité, accélérant le succès de The Apprentice, ce télécrochet des entrepreneurs à l’origine de la célébrité d’un certain Donald Trump...
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