
Emily, Armageddon Time, Une histoire d'amour... Les films à ne pas manquer (ou à éviter) au cinéma

Armageddon Time ***
Après Kenneth Branagh avec Belfast ou Steven Spielberg avec The Fabelmans, James Gray revient aux origines. Nous sommes en 1980 dans le Queens à New York. Paul Graff grandit dans une famille juive de gauche qui a fui l’antisémitisme pour vivre un rêve américain qui n’a pas totalement tenu ses promesses. Paul voue à son grand-père (Anthony Hopkins, immense) un amour infini mais a plus de mal avec ses parents. Rêveur et attiré par les arts, il est forcé de changer d’école. De l’établissement public où il s’est lié d’amitié avec Johnny, un Afro-Américain avec lequel il veut se barrer loin, il entre dans une boîte privée en partie financée par un certain Fred Trump, père du futur président, et qui enseigne les bienfaits de la méritocratie… Au-delà du récit personnel, Gray réussit à montrer la fracture tant raciale que sociale et l’origine du mal qui ravage encore l’Amérique d’aujourd’hui. Puissant. - E.R.
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*** Réalisé par James Gray. Avec Anne Hathaway, Jeremy Strong, Anthony Hopkins - 114’.
To Leslie ***
Six ans après avoir gagné à la loterie dans un coin paumé du Texas, Leslie (Andrea Riseborough nommée à l’Oscar) découvre la déchéance à cause de l’alcool. Elle a abandonné son fils, erre sur les parkings et dans les bars. Comment recréer du lien lorsqu’on a été brisé? Sa rencontre avec un cow-boy délicat lui permet de se regarder en face. Rarement l’alcool et la précarité au féminin auront été traités avec autant de force et de résilience. To Leslie est aussi un grand film de rédemption, porté par une actrice inouïe qui évoque autant la Gena Rowlands vrillée d’Une femme sous influence qu’un désir de vivre lucide, sevré de la honte et du déni. - J.G.
*** Réalisé par Michael Morris. Avec Andrea Riseborough, Marc Maron, Alison Janney - 119’.
Une histoire d'amour **
Katia et Justine s’aiment. Quand survient le désir d’enfant, elles décident que Justine portera l’enfant mais se font inséminer toutes les deux. C’est Katia qui tombe enceinte. Peu de temps avant la naissance, Justine s’enfuit pour ne plus revenir. Une douzaine d’années plus tard, Katia est malade et demande à son frère William, écrivain en mal d’inspiration, de s’occuper de sa fille. Dans Une histoire d’amour, adapté de sa pièce de théâtre, Alexis Michalik s’essaie au mélodrame “lelouchien”. “C’est une sorte de tragédie contemporaine, explique-t-il. Dans nos sociétés, on doit être amoureux, on doit être en couple pour être dans la norme. Réussir son histoire d’amour est devenu primordial. Ne pas réussir son histoire d’amour est une tragédie. Évidemment cette histoire est née d’une rupture… Je ne sais pas si l’écriture sauve, mais en tout cas, elle est cathartique.”
S’il met un couple homosexuel au centre de son récit et s’il dénonce l’absence de lien juridique entre un enfant et la compagne de sa mère biologique, Michalik refuse l’étiquette de cinéaste militant. “Je raconte des histoires d’amour qui me portent. Il se trouve que c’est une histoire entre deux femmes. Forcément, je me rends compte que raconter une telle histoire fait de mon film un objet, sinon militant, contemporain. Pour moi, une histoire d’amour entre femmes, c’est d’abord une histoire d’amour. Mais hélas, ce n’est pas le point de vue de tout le monde et je le découvre à la lumière de ce film…” - E.R.
** Réalisé par Alexis Michalik. Avec Juliette Delacroix, Marica Soyer - 90’.
De grandes espérances **
Jeune couple prometteur en vacances en Corse, Madeleine et Antoine font partie de l’élite et préparent l’oral du concours de l’ENA. Un événement inattendu va les séparer, révélant entre eux une fracture sociale et morale que le film va tenter de radiographier. Entre thriller politique (qui emprunte son titre au grand roman social de Charles Dickens) et film noir (à la Diaboliques de Clouzot), De grandes espérances n’atteint jamais sa pleine puissance. Mais on salue la performance de Rebecca Marder en jeune ambitieuse de gauche face à Emmanuelle Bercot en mentor féminin et Benjamin Lavernhe cynique à souhait, surfant sur le “quoi qu’il en coûte”de faire de la politique. D’actualité. - J.G.
** Réalisé par Sylvain Desclous. Avec Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe - 105’.
Emily **
Dans la fascinante fratrie littéraire Brontë, élevée sur la lande anglaise par un père pasteur, Frances O’Connor s’attarde sur le destin de la cadette Emily, la plus fiévreuse des trois sœurs, autrice des Hauts de Hurlevent (1847). Le film creuse l’imaginaire poétique exceptionnel de la jeune fille, forgé au regard des excès de son frère, libre penseur et consommateur d’opium, et de son amour contrarié pour un jeune vicaire. Une ode à l’écriture parfois naïve mais touchante, portée avec fougue par l’étoile montante Emma Mackey de Sex Education. - J.G.
** Réalisé par Frances O’Connor. Avec Emma Mackey, Fionn Whitehead, Oliver Jackson Cohen - 130’.