
Pourquoi les Oscars ne nous intéressent plus...

La 95e cérémonie des Oscars auront lieu dans la nuit de dimanche à lundi à Los Angeles. Et alors ? Ca fait quelques années que le cinéma américain n'est plus attrayant. Du moins, plus autant qu'avant. Il suffit de jeter un oeil aux lauréats des Oscars de ces dernières années pour se rendre compte que quelque chose ne tourne par rond au royaume d'Hollywood.
Meilleur film l'an dernier, CODA, une version (très) américaine de La Famille Bélier – alors que le meilleur film en compétition était Drive My Car... Un film japonais. L'industrie ne pouvait pas réitérer: en 2020, l'Oscar était revenu à Parasite. C'était amplement mérité. Mais il ne s'agissait pas d'un film américain, mais coréen. 2021 ? C'est Nomadlands qui l'a emporté. Film de la Sino-américaine Chloé Zhao, réalisatrice particulièrement douée qui venait du documentaire. Depuis son sacre, elle a été débauchée par Marvel pour réaliser l'horrible The Eternals. Et c'est peut-être là que le bât blesse.
Hollywood est tiraillé entre les films d'auteurs et les blockbusters. Entre l'art et l'industrie. Cela a toujours été le cas, mais ça l'est de plus en plus. Jetons un oeil aux nominés de cette année. D'un côté, les grosses machines : Avatar : La Voie de l'Eau, Top Gun : Maverick, Elvis... De l'autre, des films d'auteur à l'européenne, parfois même européens : A l'ouest, rien de nouveau, film de guerre allemand, la Palme d'or Triangle of Sadness, Banshee of Inisherim, Tàr... Au milieu, Steven Spielberg, 76 ans. Où sont passés les films qui faisaient la jonction entre ces deux pôles, ce « cinéma d'auteur à succès » ?
Le commerce et l'art
« Si on regarde les productions hollywoodiennes depuis le XXIe siècle, la tendance est effectivement à la disparition de ces films intermédiaires, soit pour faire d’énormes blockbusters, soit pour aller vers les toutes petites productions », nous expliquait Nicolas Labarre, maître de conférences en civilisation américaine à l’université Bordeaux-Montaigne, spécialiste de la culture pop. « Depuis ses débuts, l’idée de Hollywood est qu’il existe une structure industrielle qui doit produire des blockbusters, mais en même temps, cette structure s’appuie sur des individus singuliers seuls capables de produire autre chose que des produits banals et oubliables. C’est une industrie qui s’appuie sur deux piliers, l’art et le commerce, dans une relation d’interdépendance ».
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Aujourd'hui, cet équilibre est mis à mal. Le problème avec Hollywood, c'est que l'aspect industriel a pris le pas, écrasant tout le reste à coups de séries, reboots, sequels et autres. En somme, le cinéma indépendant américain n'existe quasiment plus. Depuis la chute de la Weinstein Company, les derniers auteurs se réfugient sur les plateformes comme Netflix, où, bien souvent, leurs oeuvres se perdent dans le maelström des sorties... alors qu'elles auraient bien besoin des grandes salles pour que leurs oeuvres soient mises en valeur. Qui se souvient de Blonde, biopic sur Marilyn présenté à Venise avec des critiques enthousiastes. Une fois sorti sur Netflix, ce fut la déferlante : « Le film le plus détestable jamais fait ». Qui a envie de regarder trois heures et demie de douleur et d'intimité en soirée Netflix ?
La renaissance du cinéma américain ?
Fini le cinéma américain. Ce cinéma « intermédiaire » qui bénéficie du point de vue d'un auteur et de la machine industrielle le rendant divertissant ? Ces films façon frères Coen, David Fincher, Coppola ou Tarantino que nous avons tant aimé. Eh bien, pas tout à fait. En y regardant de plus près, les Oscars 2023 offrent un espoir et il a pour nom : Everything Everywhere All At Once, petit OVNI aux dix nominations et grand favori de la cérémonie.
Ce film est distribué par A24 et ce n'est pas un hasard. Il y a une place à prendre pour rétablir l'équilibre entre art et industrie et c'est bien cette société de production de télévision fondée en 2012 qui est en train de saisir l'opportunité. Elle produit et distribue une petite vingtaine de films par an, mais, déjà, les résultats sont là. On lui doit le documentaire Amy, le film Moonlight qui avait remporté l'Oscar en 2017 et, cette année, Everything... et The Whale de Darren Aronofsky. C'est aussi A24 qui distribue aux USA le film de Lukas Dhont, Close, en lisse pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Et voilà pourquoi on suivra la 95e cérémonie des Oscars... qui pourrait bien être celle de la renaissance du cinéma américain.