
The Fabelmans, un film fascinant dans lequel Spielberg s'autobiographie

Marqué par l’accident de train de Sous le plus grand chapiteau du monde qu’il découvre au cinéma avec ses parents, le jeune Sammy (double enfantin de Steven Spielberg) reproduit la scène avec un petit train électrique et la fait découvrir à sa mère qui le pousse à la filmer. C’est l’une des scènes originelles, structurantes et disons fondatrices que Steven Spielberg rejoue dans The Fabelmans, autobiographie de la jeunesse du futur roi de Hollywood.
Avec cette exégèse à la fois intime et introspective où se miroite l’Amérique des années 1950-60, Spielberg, 76 ans, rejoint la liste récente des cinéastes qui explorent leur enfance (Almodovar avec Douleur et gloire, Paul Thomas Anderson avec Licorice Pizza) et méditent sur les origines du ou de leur cinéma (Damien Chazelle avec Babylon, et en mars prochain le fabuleux film de Sam Mendes Empire Of Light).
Seul garçon entouré de sœurs espiègles
Au premier rang de cette reconstitution se tient la famille du jeune Sammy/Steven, une famille juive américaine marquée par un déménagement traumatique en Arizona et par la fracture originelle de l’infidélité de la mère, découverte à travers la caméra 8 mm dans l’obscurité secrète d’un placard à vêtements. Seul garçon entouré de sœurs espiègles, le jeune homme grandit entre un père ingénieur informatique introverti (touchant Paul Dano) et Mitzi (sublime Michelle Williams), une mère fantasque au tempérament d’artiste, qui aurait pu être une grande pianiste si les contraintes domestiques n’avaient pas écrasé ses aptitudes.
Le fantôme de Leah Spielberg (disparue en 2017) hante la performance de Michelle Williams (nominée à l’oscar) et constitue l’âme, le souffle créateur du film. C’est à Mitzi et aux fictions qui l’habitent que le film rend hommage. C’est avec elle que le jeune Sammy partage le secret de l’adultère - la culpabilité qui en résulte devenant plus tard la matière des films de Spielberg autour de l’abandon (d’E.T. à Rencontre du troisième type).
Une fois au lycée, harcelé parce que Juif, c’est encore une fois grâce à sa caméra et au pouvoir de contrôle qu’il en tire sur la réalité que Sammy jeune adulte parvient à s’intégrer, s’aventurer jusqu’aux studios hollywoodiens et rencontrer son idole John Ford (magnifique caméo de David Lynch) qui lui apprend dans une séquence grandiose le sens de l’horizon dans le cadre. La caméra comme vengeance, comme lettre d’amour ou comme fabrique d’un regard sur l’Amérique, c’est tout cela que nous donne à voir Steven Spielberg dans ce film-testament où l’enfance reste la matrice de ce qui nous constitue.
DRAME
The Fabelmans ****
Réalisé par Steven Spielberg. Avec Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano - 151’.