Quels facteurs font qu'un film devient un grand succès du cinéma ou pas?

Bien que l'exercice soit compliqué, plusieurs chercheurs ont tenté de mettre au point des algorithmes pour prédire le succès de tel ou tel film.

Avatar 2
© Prod.

James Cameroun a réussi son pari! Un mois et demi après sa sortie, le deuxième volet d'Avatar est aujourd'hui le quatrième film ayant engrangé le plus de recettes de l'histoire du grand écran. Dans quelques jours, il pourrait même dépasser "Titanic" pour monter sur le podium, derrière le premier épisode de la série et le film "Avengers: Endgame". Un exploit qui ravit les gérants de cinéma. Ces derniers sont d'autant plus aux anges qu'"Astérix et Obélix: l'Empire du milieu" fait des étincelles. Sorti hier, il a réalisé le meilleur démarrage pour un film français depuis 15 ans dans l'Hexagone. En Belgique, la DH fait savoir que le public est là aussi au rendez-vous, avec de beaux chiffres à la clé. Pourtant, le film a été descendu par la critique, la presse n'accordant qu'un maigre 2,5/5 selon l'agrégateur du site Allociné. Dès lors, à quoi est dû leur succès? Comment prévoir si tel long-métrage connaîtra la gloire ou tombera rapidement dans les oubliettes? Cette question taraude les universitaires qui n'ont évidemment pas manqué d'émettre des modèles prédictifs en la matière.

Le modèle de Campbell, ou le «voyage du héros»

Pendant longtemps, le milieu du cinéma ne disposait pas de véritables repères pour créer des succès «sur commande», pour ainsi dire. Le journal suisse Le Temps note toutefois que plusieurs films comme «Star Wars» ont été influencés par les écrits d'un professeur de mythologie comparée, Joseph Campbell.

Selon celui-ci, tous les mythes auraient une même structure, connu sous le nom de «voyage du héros», et cela peut être transposé à la trame des films. On trouve ainsi plusieurs étapes communes à toutes ces histoires. On commence par une phase initiale de relative stabilité, perturbée par un appel à l'aventure. Après une phase de transition débute alors l'identification des alliés et des ennemis. S'en suit une épreuve provoquant la mort (symbolique) du personnage initial et sa renaissance en tant que héros, éventuellement via une transformation. Enfin, on a l'épreuve ultime, le point culminant de l'histoire, et un retour à un monde soit ordinaire, soit reformaté.

Bien choisir ses acteurs et s'attirer les faveurs des critiques

Ce type de scénario peut aider les réalisateurs à savoir comment organiser la trame de leurs longs-métrages pour que cela plaise aux spectateurs. Quant à savoir si cela mènerait automatiquement au succès, cela restait un grand mystère. Ces dernières années, des universitaires ont néanmoins tenté de se confronter à cette énigme.

C'est ce qu'ont par exemple fait des chercheurs des universités de l'HEC Montréal et des universités de Sydney et de Cambridge. Leur étude, parue dans le Journal of the Academy of Marketing Science, a ainsi révélé que le plus puissant facteur prédictif d'un grand succès au box-office, c'était le «pouvoir vedette» de l'acteur principal, surtout s'il a reçu des prix et est reconnu pour son talent par le grand public. Est-ce que cela veut dire qu'un «mauvais film» pourrait quand même marcher avec un grand acteur? Non, répondent-ils, tout en blâmant les réalisateurs qui le font malgré tout. «Les preuves montrent que l'impact décroissant des stars sur le box-office est dû à la qualité décroissante des films mettant en vedette des stars populaires", écrivent les chercheurs.

Le deuxième facteur clé, ce sont les critiques. "Il existe une hypothèse répandue selon laquelle les notes du grand public ont plus d'influence sur les performances au box-office que les critiques des critiques professionnels, mais nous avons constaté que ce n'était pas le cas", déclare François Carrillat, professeur en comportement du consommateur à l'université de Sydney. Il note également que le nombre de bonnes critiques joue aussi un rôle. Si cela se limite à quelques rares exemples, cela ne marche pas. "La leçon pour les studios est qu'ils devraient viser à ce que leurs films soient examinés par autant de critiques que possible".

Au vu de ces conclusions, on pourrait tenter d'appliquer ces facteurs de succès à "Astérix et Obélix: l'Empire du milieu". Il serait donc possible que ce film connaisse le succès, malgré des critiques plus que mitigées, si la présence de multiples stars dans le film prend le dessus aux yeux du public. La présence de Guillaume Canet dans le rôle d'Astérix pourrait notamment peser dans la balance, l'acteur et réalisateur étant auréolé par ses multiples récompenses dont un César. Au contraire, si le poids des critiques finit par se faire sentir, l'excellent démarrage constaté hier pourrait très vite s'essouffler.

Un bon casting et une sortie hivernale

D'autres universitaires ont également voulu s'essayer à émettre leurs propres hypothèses. C'est le cas d'un professeur de l'université de l'Iowa, Kang Zhao, qui a conçu un algorithme pour prédire la rentabilité au box-office (ce qui n'est pas forcément lié au montant des recettes en salles). Un travail de longue haleine qui a nécessité d'analyser 2.506 film sortis entre 2000 et 2010.

Il en ressort que les facteurs les plus corrélés à la réalisation d'un profit sont les suivants:

  • La présence d'acteurs connus pour figurer dans des films rentables
  • L'existence d'un partenariat entre le réalisateur et les acteurs, qui ont l'habitude de faire des films rentables ensemble
  • Les revenus engrangés par le réalisateur durant le reste de sa carrière
  • La sortie d'un film en hiver
  • L'inscription du film dans un genre porteur qui engendre en moyenne plus de profits que les autres

À l'inverse, plusieurs facteurs apparaissent comme les plus faibles moyens de prédiction d'un grand succès. On trouve parmi eux la limitation d'âge à 17 ans (souvent adoptée aux États-Unis) ou le fait que le film se retrouve dans un des genres cinématographiques suivants: drame, film de guerre ou d'espionnage, musical et étranger.

Autrement dit, il est rare qu'un film ne soit pas rentable parce qu'il appartient à tel ou tel genre. Le plus important, encore une fois, c'est la prestance du casting et du réalisateur. Les conclusions de l'université de l'Iowa montre aussi que ce n'est peut-être pas un hasard si les épisodes d'Avatar sortent en décembre. Les gens ont-ils plus envie d'aller au cinéma quand il fait froid dehors, alors qu'ils préfèrent profiter du soleil en été? Il faut le croire.

Reste qu'en l'état, cet algorithme reste imprécis. Si les investisseurs ne s'étaient fiés qu'à celui-ci, ils auraient par exemple réfléchi à deux fois avant de financer la réalisation de "Batman v. Superman: Dawn of Justice". Le modèle ne lui prédisait en effet que 32% de chances d'être rentable. Une prédiction qui ne s'est réalisée qu'en partie. Dans la pratique, le film a en effet réalisé de moins bonnes performances que prévu, notamment du fait des mauvaises critiques faites à son encontre, mais il représente quand même le septième film ayant engrangé le plus de recette en 2016. Le film devait rapporter 800 millions de dollars pour être rentable. Selon les derniers chiffres disponibles, ce montant s'est finalement élevé à 873 millions.

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