Guillaume Canet: "Notre seul devoir de cinéaste, c’est le public"

L’acteur-réalisateur a profité du confinement pour écrire Lui, autoportrait en creux d’un homme de notre temps.

Guillaume Canet dans Lui
@ DR

On avait rarement assisté à une telle déclaration d’amour publique. Lorsque Guillaume Canet est arrivé au Fiff pour la projection de Lui, c’était l’émeute.  Avec pancartes de fans enamourées - “Guillaume, on t’aime”. Malgré les doutes qui le taraudent, Guillaume Canet peut en être sûr: le public l’aime. Et pas seulement parce qu’il est devenu, comme il s’en amuse parfois, “Monsieur Cotillard”. French lover hyperactif qu’on suit depuis ses débuts (aux côtés de Jean Rochefort, Jean Yanne ou sur La plage de Danny Boyle avec Leonardo Di Caprio), dans ses succès (Ne le dis à personne, Les petits mouchoirs, Rock And Roll) comme dans ses échecs (Blood Ties), Guillaume Canet est l’incarnation de l’homme contemporain, à l’image du personnage de son nouveau film. Néo-vaudeville “méta” et tentative de réflexion sur une masculinité fragilisée par le couple, Lui suit les questionnements existentiels d’un compositeur de musique en rupture(s) amoureuse(s) avec sa femme - Virginie Efira - et sa maîtresse, Lætitia Casta - et qui, confiné sur une île bretonne, entame un dialogue à cru avec son double destructeur. Rencontre avec l’acteur- cinéaste, tandis qu’il termine le montage d’Astérix et Obélix: L’Empire du Milieu avec lui-même dans le rôle du petit Gaulois et Gilles Lellouche dans celui du plus imposant.

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Vous avez écrit Lui en confinement. Qu’est-ce que le film doit à cette période?
Le fait d’être à l’arrêt a fait sortir ce qui avait maturé pendant toutes ces années et que j’avais noyé dans le travail. Le film est sorti de moi de manière fulgurante un matin alors que j’étais en dépression chez Bricorama. Je me suis réveillé et j’ai eu envie de m’adresser à “lui”, à ce “connard” en moi comme je l’appelle. J’ai inventé cette situation d’un homme qui parle à ce double qui l’empêche d’avancer et d’être heureux. Je me suis dit que ça pouvait faire une bonne pièce de théâtre mais pas un film. Et puis pendant la journée, j’allais faire du bricolage, des trucs de confinement, et j’avais de nouvelles idées que je notais. J’ai écrit le scénario comme ça, deux à trois heures le matin pendant trois semaines.

Lui, c’est vous?
Non, c’est une partie de moi, mais ça n’est pas une autobiographie. Dans tous mes films il y a une part de réel comme chez tout auteur-metteur en scène. Ici j’avais envie de parler de la jalousie, mais je ne me suis jamais retrouvé au lit avec ma femme et mon meilleur pote! J’ai aussi exorcisé ce que j’ai vécu, l’infarctus de mon père après que je lui ai dit à l’âge de dix ans “Si tu passes cette porte, t’es plus mon père”. Heureusement, il a survécu à trois infarctus et deux cancers, mais je me sens toujours très coupable.

L’autodérision est-elle un moteur chez vous?
Se moquer de soi est toujours très instructif. Mais quoi qu’on fasse, la clé c’est la sincérité. Quand je fais Les petits mouchoirs, les gens me disent à quel point ça les touche. Ils s’identifient. Notre seul devoir de cinéaste, c’est le public. Quand je vais au cinéma, j’ai envie que le film me fasse sortir de mon quotidien, qu’il m’émeuve ou me fasse rire. Et pour arriver à ça, il faut être sincère et pas hésiter à se foutre à poil. J’ai aussi mis de moi dans Astérix, sinon je n’aurais pas pu le faire.

Le film aurait pu s’appeler “Elles et lui”. Quelle place vous vouliez donner aux femmes?
Très importante car toute cette situation dans laquelle mon personnage se retrouve, c’est vis-à-vis de la femme qu’il aime. On comprend qu’il s’est fait mettre à la porte et qu’il a face à lui une femme très forte de caractère - Virginie Efira, pas du tout victime, mais qui n’en peut plus de lui. Elle n’arrive plus à accepter et il est obligé de faire face à ses démons. J’ai développé le point de vue d’une autre femme et d’un autre amour, mais à la différence d’un vaudeville où la femme et la maîtresse se confrontent, elles sont ici très complices, avec en commun l’amour pour cet homme et ses faiblesses.

Marion Cotillard est citée comme collaboratrice artistique du film…
Quand j’ai commencé à écrire, j’ai éprouvé le besoin d’avoir son sentiment. Elle était très enthousiaste et elle m’a parlé d’un poème de Rûmî, un poète persan du XIIIe siècle. Et ce poème qui s’appelle La maison d’hôte m’a amené la fin du film, avec cette idée qu’on ne peut pas tuer ce double en nous, mais qu’il faut l’accepter et accueillir toutes ces émotions - la colère, le doute, la tristesse -, car elles sont venues nous apporter quelque chose. Le soutien de Marion était très important pour moi. Et j’étais très ¬heureux que Virginie Efira interprète le rôle. Elle a ce côté fort et brisé qui m’intéressait.

Ça serait quoi, un rôle d’homme qui vous plaît aujourd’hui?
Un rôle haut en couleur, flamboyant comme Jean-Paul Belmondo. Sa mort nous a mis un gros coup dans la gueule. Le magnifique était un rôle extraordinaire, un écrivain loser qui se voit comme un héros mais qui n’en est pas un. Une des raisons pour lesquelles j’écris aujourd’hui c’est parce qu’on ne me propose pas tant de rôles que ça. Peut-être parce que les gens se disent que je joue dans mes films, peut-être parce que j’agace, or j’aime le métier d’acteur, j’aime être transporté par un metteur en scène. Par exemple ça fait des années que je dis avoir l’envie de jouer un fou, alors voilà, je me suis écrit le rôle avec Lui.

Lui, réalisé par et avec Guillaume Canet. Et aussi Virginie Efira, Lætitia Casta - 88’.

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