
Comment les albums d’Astérix sont devenus de vrais bijoux: “On a vendu une édition originale à 4.700€”

À en croire la majorité des critiques, le nouveau film des aventures d'Astérix était bon à reléguer au placard. Sur l’agrégateur de notes d’Allociné, il obtenait à peine la moyenne de 2,5/5. Et pourtant après une semaine et demie d'exploitation en salles, c'est un succès. En France, le bébé de Guillaume Canet vient de passer la barre des deux millions de spectateurs. La preuve que l’amour du public pour le petit Gaulois est indéfectible, et ce n’est pas la seule! Du côté des BD, les fans peuvent se jeter depuis ce mercredi 8 février sur l’édition papier de “L’empire du milieu”. En parallèle, les collectionneurs s’arrachent les anciens livres de la série. Une petite folie au vu des prix qui montent toujours plus haut.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Le prestige de la “collection Pilote”
C’est ce que constate Jérôme Dupuis, expert de la plateforme d'enchères d'objets de collection Catawiki. Presque chaque semaine, le site vend des albums du héros de Goscinny et d’Uderzo à environ 400-500€. “Mais il y a quelques temps, on a vendu une édition originale d’’Astérix le Gaulois’ à 4.700€”, nous confie-t-il. Un prix déjà élevé mais qui peut monter encore plus haut. En 2017, une couverture originale de l'album "Le Tour de Gaule" (1965) a atteint le prix record de 1,4 million d'euros à l'hôtel Drouot, à Paris.
#WolrdRecord pour #Uderzo ET pour une couverture de bande dessinée ; #Astérix fait s'envoler les #enchères : 1 449 000 € #AuctionUpdate pic.twitter.com/RJCkf2DHUC
— Drouot (@Drouot) October 13, 2017
Selon l'expert BD, ce qui se vend le mieux, c’est ce qu’on appelle la “collection Pilote”, et ce pour trois raisons. La première, c’est l’ancienneté: il s’agit des six livres sortis au tout début de la série, entre 1961 et 1965. La deuxième, c’est la rareté. Le premier album, “Astérix le Gaulois”, a par exemple été imprimé à seulement 6.000 exemplaires. Il a fallu attendre 1966-1967 pour qu’Astérix se vende par millions. Enfin, il y a l’aspect général du livre. La collection Pilote avait une présentation particulière et reconnaissable. Si un heureux détenteur a en plus pris soin de ne pas l’abîmer, c’est le jackpot!
“Aujourd’hui, la nouvelle mode des collectionneurs, c’est qu’ils veulent des albums proches du neuf et sans défaut. On ne vend donc que des éditions originales en excellent état, parce que c’est ce qu'ils recherchent”, explique Jérôme Dupuis.
Des éditions spéciales et des dédicaces qui valent cher
L’expert en BD s’étonne encore de l’emballement autour d’Astérix. Car il n’y a pas que les premiers albums qui se vendent bien. Parfois, il en est de même pour les nouveaux. “Depuis une dizaine d’années, les éditions Hachette ont décidé de republier en tirage limité des albums en grand format à 39€. C’est ce qu’on appelle l’édition luxe. Maintenant, ils se vendent déjà à 300€, voire à 600€ pour ceux sortis au début. C’est incroyable!”, s’exclame-t-il.
Autre exemple de cette montée des prix: les albums dédicacés. Catawiki en vend généralement pour environ 1.000€, mais cela peut monter à plus de 2.000€. Une dédicace d’Uderzo représentant Obélix peut vraiment valoir de l’or, même si elle apparaît dans une réédition!
🡢 À lire aussi : Pourquoi le hip-hop et la BD font exploser les enchères
Face à cette manne financière, doit-on craindre que des personnes malintentionnées soient tentées de créer des contrefaçons? “Personnellement, je n'ai jamais vu de fausses éditions”, fait savoir Jérôme Dupuis. “Les fausses dédicaces, ça arrive. Pour éviter ça, on demande l’avis du dessinateur ou d’un représentant, ou par exemple un certificat de la fondation de Hergé pour les Tintin. On peut aussi demander des preuves de la provenance, par exemple en expliquant les circonstances de la dédicace, ou avec une photo prise au moment où elle a été écrite”.
Un succès impérissable
Cet attrait pour les livres d’Astérix est en tout cas à la hauteur de la réputation de l’ennemi de César. Qu’importe la mort de Goscinny en 1977, ou la reprise de la série par le tandem Ferri-Conrad après la retraite d’Uderzo, rien n’a affecté les ventes. “Quand un album d’Astérix sort, ce qui est incroyable, c’est qu’il s’en vend près d’un million d’exemplaires en France, mais aussi environ 800.000 en Allemagne, où la BD est très populaire”, constate Jérôme Dupuis. “Aux États-Unis, Astérix et Obélix sont presque considérés comme des super-héros français. On trouve aussi des versions dans des dizaines de langues”.
Pour lui, si Astérix jouit d’un tel succès, c’est parce qu’il parle de nos ancêtres nos Gaulois, mais aussi grâce à cette incarnation de l’”esprit français”, “un peu frondeur, râleur et indépendant, avec cette idée du petit contre les grands”. “Une identification se crée donc naturellement”, en tout cas en France. Certains albums représentant les différentes régions de France se vendent d’ailleurs particulièrement bien, comme “Astérix en Corse”, “Astérix chez les Bretons” ou “Astérix chez les Normands”. “Astérix s’est toujours moqué des travers des peuples sans jamais déraper et être méchant. C’est fait avec bienveillance et c’est toujours drôle. C’est une très grande force”.
#AuctionUpdate: Triomphe pour cette planche d'Astérix Le Devin emportée à 319.500 € #BD #enchères #Uderzo pic.twitter.com/jU7jxAEQhb
— Sotheby's France (@SothebysFr) January 21, 2017
Aujourd’hui, les longs-métrages contribuent à entretenir la magie. “Ce que font les films, c’est qu’ils attirent des générations plus jeunes vers Astérix. Pour le cas spécifique d’Astérix, on a remarqué chez Catawiki qu’auparavant, les albums signés par Goscinny de 1966 jusqu’à sa mort en 1977 se vendaient à 30-40€. Depuis environ 2-3 ans, si ces albums sont en parfait état, ils peuvent monter jusque 400€. C’est une tendance très spectaculaire. Je pense que c’est un effet lié à ces nouvelles générations qui contribuent à perpétuer le mythe”.
🡢 À lire aussi : Guillaume Canet sur "Astérix et Obélix : l'Empire du Milieu" : "Si c'est un échec commercial, vous ne me verrez plus avant longtemps"
Peut-on s’attendre à ce qu’à l’avenir, l’album sorti ce mercredi devienne lui aussi un objet de collection? C’est la grande question. Jérôme Dupuis avoue ne pas savoir ce qu’il en sera. D’une part la BD est adaptée d’un film, ce qui est inédit, mais il s’agit en plus de l’œuvre d’un autre dessinateur, Fabrice Tarrin. Il est impossible de deviner si ces particularités vont amener les futurs collectionneurs à se détourner de cet album, ou au contraire susciter leur intérêt.