Avec Star Wars, Disney a fait tout ce qu'on craignait

Si l'épisode IX, L'Ascension de Skywalker, sauve quelque peu la trilogie, l'intrigue globale pue le travail bâclé. Les studios Disney ont prouvé qu'ils voulaient se faire des thunes plutôt que respecter l'univers le plus mythique du cinéma.

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"Vous seriez prêt à reprendre votre personnage pour une série Disney + ?" – "NOPE !". Keri Russell, qui incarne Zorii dans le dernier épisode de la saga, éclate de rire alors qu'Oscar Isaac vient renforcer le malaise qui entoure la dernière trilogie Star Wars. Pourquoi ? Parce que les scénaristes de la série Demain nous appartient ont plus de suite dans leurs idées que ceux de Star Wars.

(Séquence à 3min)

Objectivement, le troisième épisode est un succès monstrueux. Et heureusement pour Disney, qui a gagné son pari de faire de Star Wars un phénomène de société, comme il l'a été dans les années 70-80 et au début des années 2000. Tout le monde en parle, tout le monde a un avis et peu restent encore totalement hermétiques à l'univers. Et pourtant, pour les amateurs que nous sommes (situés entre le critique ciné et le fan ultime), cette troisième trilogie nous laisse un lourd goût d'inachevé. Pris individuellement, chaque chapitre de cette postlogie a ses atouts. Machines à spectacle, ils méritent d'être vus sur grand écran. Mais dans sa globalité, la trilogie réalise la prouesse de partir dans tous les sens en n'allant nulle part.

Abrams vs Johnson vs Abrams

Quand en 2012, Disney annonce une nouvelle trilogie et que les acteurs se réunissent autour du golden boy JJ Abrams pour une première lecture du scénario, Harison Ford (Han Solo), Carrie Fischer (la princesse Leia) et Mark Hamill (Luke Skywalker) sont là, gage d'une certaine continuité avec la trilogie originale. Ils sont entourés d'une bande de jeunes acteurs déjà confirmés (Oscar Isaac et Adam Driver) ou relativement méconnus (Daisy Ridley et John Boyega) prêts à faire leur entrée dans la mythique généalogie Star Wars. La fraîcheur et l'excitation des acteurs à l'idée de faire partie d'une galaxie aussi énorme, les moyens gigantesques mis en place par Disney et l'embauchage d’Abrams laissaient présager du meilleur.

Le film sort en 2015, s'affiche sur tous les abribus et cartonne au box-office. Il ravit surtout une bonne part de la critique, qui y voit un retour aux sources et l'amorce d'une nouvelle intrigue basée sur celle de la trilogie originale. Mais avec un peu de recul, certains puristes dénoncent son manque de prise de risque, son goût du fan-service et regrettent l'absence de véritable enjeu. Pour contrer ces critiques, Disney décide de confier les rênes de son épisode 8 (Les derniers Jedi) à Rian Johnson, réalisateur de l'excellent Looper et du moins bon Brothers Bloom. Et le gars décide, avec le consentement de Disney, de tout péter. Tout ce qu'Abrams (photo) avait mis en place dans Le Réveil de la Force est contrecarré par les choix de Johnson.

Belga Images

Abrams tease le retour de Luke, Johnson en fait un vieil aigri qui ne veut pas quitter la montagne. Abrams voit en Rey la nouvelle "élue", Johnson en fait une "nobody". Snoke doit être le grand méchant de la troisième saga, Johnson le fait mourir sans gloire. Leia doit mener la Résistance par ses capacités de leader, Johnson lui confère les pouvoirs de la Force…. Bref, l'épisode 8 est spectaculaire, inattendu et imprévisible mais se révèle illisible pour les fans, désorientés. Et pour JJ Abrams, appelé à la rescousse pour la réalisation de l'épisode censé clôturer la postlogie. Résultat : Abrams a dû taffer dur pour mettre en place les enjeux de cet épisode final lors de ses vingt premières minutes, durant lesquelles il faut clairement s'accrocher, et reconstruire ce qui avait été déconstruit par Johnson.

Et... franchement, il y arrive. Sans spoiler, les enjeux sont pertinents, les réactions des personnages sont crédibles (la plupart, disons), leurs destins sont intéressants, le récit se tient. En plus, le film tient ses promesses en matière de spectacle, assumant (enfin !) l'univers imaginé par Lucas, à travers des environnements (enfin !) classes et des couleurs (enfin !) un peu flashy. Bien sûr, les puristes pourront gueuler sur une multitude d'incohérences, mais elles étaient inévitables après le bordel imposé par Le Réveil de la Force et Les derniers Jedi.

S'arrêter là

Malgré notre propension à apprécier ce dernier épisode, il ne s'agit pas de défendre Disney et Abrams. Car s'ils ont dû sauver les meubles, c'est à cause de leurs choix de départ, qui consistaient en fait à ne pas choisir. Disney a très clairement conçu sa trilogie Star Wars pour se faire de l'argent. La trame globale de la saga n'était pas écrite à l'avance et les scénaristes ne savaient pas DU TOUT où ils allaient. On le craignait à la sortie du numéro 7, on l'a compris à celle du 8, on en a eu la confirmation après une demi-heure du 9. Chouchoutant trop les fans en 2015, les perdant en 2017, essayant de les récupérer en 2019. En voyant L'Ascension de Skywalker, on se rend compte de l'inutilité crasse des deux précédents. Leur seul mérite reste d'avoir présenté les personnages. Et encore, Kylo, Rey, Poe et Finn n'évoluent que très peu avant l'ultime opus. La preuve par le désintérêt progressif des acteurs pour leur personnage…

Quand, libéré par la sortie du dernier film, Oscar Isaac s'amuse à provoquer ses anciens employeurs en pleine promo, il ajoute son nom à la liste des acteurs qui renient, au moins en partie, la direction prise par les studios Disney. John Boyega n'a pas caché ses réserves par rapport au film de Johnson et, à l'instar d'Oscar Isaac, a regretté l'absence d'une vraie romance LGBT pourtant permise (pour ne pas dire promise) par le scénario. Mark Hamill, interprète légendaire de Luke Skywalker, s'est lui plaint de l'absence de son personnage dans l'épisode 7, avant de confier détester son évolution dans l'épisode 8. De tout excité, le casting est devenu impatient d'en finir.

Et ce parce qu'en plus de faire n'importe quoi avec le destin de ses personnages principaux (et avec la Force !), les scénaristes leur ont rendu difficile la tâche de s'identifier à un projet global jamais pensé comme une trilogie. C'est visible à un point tel que c'en est impardonnable. Il serait intéressant de proposer à un profane de ne regarder que L'Ascension de Skywalker, et lui demander s'il ressent le besoin de regarder Le Réveil de la Force et Les derniers Jedi. Et puis espérer que Disney oublie l'idée d'une nouvelle trilogie, voire de nouveaux standalones, voire de nouveaux spin-off, voire de nouvelles séries, voire de nouveaux jouets…

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