
IAM: " Il faut réapprendre à rêver "

À cinq, ils forment un demi-cercle dans la pénombre d’une arrière-salle d’un hôtel du Marais, à Paris. Et ça plaisante, ça vanne, ça argumente. La veille de notre rencontre, IAM dévoilait devant les caméras de l’émission Alcaline les morceaux de “Rêvolution”, huitième album enregistré entre leur repère marseillais de la Cosca, New York et la Thaïlande. Aujourd’hui, ils accueillent Moustique. Fidèles à leurs habitudes, Akhenaton, Shurik’n, Imhotep, DJ Keops et Kephren répondent ensemble aux questions. Peu importe l’âge. L’accent chante toujours et le propos est plus pertinent que jamais. Regardant l’horizon, IAM remonte aux barricades avec ce disque qui refuse l’immobilisme, combat le défaitisme et prône l’espoir. Avec son accent circonflexe sur le “e”, “Rêvolution” est un disque copieux (dix-neuf titres) mais jamais redondant. À son hip-hop inspiré, IAM ajoute ici des influences reggae, de la soul et des instruments du Sud-Est asiatique.
Le titre de ce nouvel album marie les mots “rêve” et “révolution”. Une déclaration de foi?
AKHENATON – Oui, c’est sans la moindre équivoque. Nous avons toujours envie de changer les choses. La révolution ne passe pas forcément par une démonstration de violence. Il y a moyen de changer la société en redonnant aux citoyens la faculté d’espérer et de rêver. Le problème, c’est que dès l’enfance, les rêves sont assassinés par le système éducatif. On vous pousse dans un moule et on fait tout pour vous décourager d’en sortir.
SHURIK’N – Dans Depuis longtemps, la chanson qui ouvre l’album, il y a cette phrase très forte: “Mettez le plaisir d’abord”. C’est un truc qu’on s’est toujours dit avec IAM. Même dans les périodes les plus difficiles que le groupe a traversées, nous avons toujours essayé de dédramatiser et de positiver. Cela vaut aussi pour la société. Les réseaux sociaux distillent principalement des ondes négatives. Si on se focalise sur la notion de plaisir, on peut voir les choses autrement. C’est le verre à moitié plein plutôt que celui qui est à moitié vide.
Ce sont des artistes solo qui dominent la nouvelle scène hip-hop. Vous qui avez toujours mis en avant la notion de collectif, comment analysez-vous cette tendance ?
AKHENATON – Le hip-hop d’aujourd’hui ressemble à la société d’aujourd’hui où c’est l’individualisme qui prime. Regardez les réseaux sociaux: c’est le culte du “moi et moi et moi”. Quand nous avons formé IAM, nous nous sommes inspirés de ce qui existait, à savoir les groupes de rock. Nous avons toujours pensé qu’en art, le collectif apportait plus en termes de profondeur et de cohérence. Le hip-hop a aussi suivi l’évolution économique. Au début, tu fondes un groupe, puis tu te rends compte que tu n’as plus besoin de DJ, puis tu vires ton beatmaker et tes MC’s et tu te retrouves tout seul. Des artistes solo à succès comme Nekfeu, Black M ou Maître Gimms sont tous issus de collectifs.