Le Goncourt à Pierre Lemaitre, le Renaudot à Yann Moix

Alors que le Prix Goncourt a été remis à Pierre Lemaitre (il n'y aura donc pas de Belge au palmarès), son "complément naturel" le Prix Renaudot a été attribué à Yann Moix pour Naissance. Sébastien Ministru en avait fait un des livres de la rentrée qui allait compter et qui était en course pour de nombreux prix. Retour également sur un Goncourt logique.

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Et le Goncourt 2013 est attribué à… Pierre Lemaître

Finalement, c'est le favori qui a gagné et pas le Belge. Pierre Lemaître – de l'écurie Albin Michel – a remporté le prix Goncourt pour Au revoir de là-haut. On aurait bien aimé poursuivre sur l'élan de la Belgomania (Diables Rouges, Stromae, etc.) avec la victoire de Jean-Philippe Toussaint, mais on sera bon joueur; son roman, Nue, est légèrement moins ambitieux que celui de Lemaître. Au revoir de là-haut est une étonnante chevauchée dans l'esprit et l'arnaque de deux anciens combattants de la guerre 14/18, portrait d'une génération sacrifiée. Le roman s'était attiré l'attention – ultra positive - de la critique dès la rentrée de septembre, au public, à présent, de découvrir ce beau livre qui vaut son prix.

Et le Renaudot à... Yann Moix

Complément naturel du Goncourt (le prix fut créé par des journalistes attendant la proclamation du Goncourt et est remis au même moment au même endroit), le Renaudot est attribué par dix journalistes et auteurs. Dans le jury actuel, on retrouve des noms tels que Louis Garrel, Frédéric  Beigbeder ou encore Patrick Besson. 

L'article de Moustique du 15 octobre 2013

Il exhibe son Moix en public

Naissance est un livre dont on parle, pas seulement pour son contenu, mais aussi pour son poids: un kilo trois cents.

C'est l'un des livres de la rentrée dont on parle le plus avant même de l'avoir lu. C'est l'un des livres de la rentrée dont on se demande s'il sera lu. Son auteur ayant décidé de mettre ses éventuels clients au défit de supporter 1.143 pages sur sa vie.Naissance est le prototype de livre qu'on va s'offrir - surtout s'il décroche un prix et, là où nous en sommes de la compétition, il est sur à peu près toutes les listes - mais qu'on ne va sans doute pas lire ou pas jusqu'au bout. Est-ce bien? Est-ce mal? Peu importe. Ça fera parler dans les dîners.

Depuis le succès de Podium, le film inspiré de Podium, le livre  (son chef-d'œuvre?), Yann Moix a changé de statut, en même temps que d'ambition. De jeune auteur prometteur (ses premiers livres, Jubilations vers le ciel et Les cimetières sont des champs de fleurs, sont magnifiques), il est passé au stade de romancier star grande gueule dont l'œuvre reflète les outrances, mais aussi la complexité d'un homme qui reste à la fois son premier ami et son premier ennemi.

Fresque insensée et ode mosaïque à sa propre personne,Naissance est donc un roman qui pèse 1.143 pages, qui muscle les poignets (sans rire!) et porte toute la folie monomaniaque de Moix. Il s'ouvre sur sa conception et sur sa naissance dans une famille qui, à l'en croire, aurait préféré élever un singe. Enfant maltraité par son père, génie conspué par ce même géniteur, Moix se lance alors dans un très long marathon de digressions - et il faut vraiment être en bonne forme physique pour réussir à le suivre - égrenant thèmes, sujets, motifs, obsessions et autres marottes constituant ce qu'il faut bien appeler son moi, exhibé à la vue de tous. Le challenge est de taille (et pourtant, on dit que son éditeur l'a forcé à couper dans le texte), qui donc sera assez courageux pour escalader ce monument qui va dans tous les sens, fascine et fatigue? C'est, du reste, l'un des sujets de conversation de ceux qui ont entamé le livre ("Tu en es où?" - perso, on en est à la page 432), transformant l'expérience de lecture en épreuve digne du Livre Guinness des records - ce qui, secrètement, doit être un des fantasmes de Yann Moix. 

NAISSANCE, Yann Moix, Grasset, 1.143 p.         

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