Travail : pourquoi le diplôme universitaire ne suffit plus

Une certification du supérieur reste une nécessité absolue en 2023. Mais ce n’est pas suffisant à l’heure où de nouvelles compétences sont requises. Notamment l’adaptabilité.

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Un diplôme du supérieur augmente de 10 % les chances de trouver un emploi et le salaire de 30 %. © BelgaImage

Sans diplôme, on a moins souvent un job. En plus, on est moins heureux. Les exceptions, les self-made-men ou women existent, mais les statistiques sont implacables quant au lien entre ­formation et emploi. Plus loin on a été dans son enseignement, plus on a de chances de trouver un emploi. Dans toutes les classes d’âge, ce sont les Belges et les ­Wallons inactifs ou au chômage qui ont les diplômes les plus bas. Un diplôme, c’est tout un retour sur investissement, comme le définit Bruno ­Wattenbergh, ambassadeur de l’innovation pour EY, cabinet d’audit financier et de conseil.

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D’abord, un retour sur investissement sur l’obtention d’un job. Avoir un diplôme du supérieur augmente de 10 % les chances de trouver un emploi. Ensuite, un retour financier avec une rémunération de 30 % environ plus élevée par rapport à un diplômé du secondaire selon une étude qui ­indique aussi que les travailleurs diplômés du supérieur sont moins susceptibles de souffrir de dépression que les personnes moins instruites. Plus que jamais, le diplôme garantit l’autonomie des choix de vie.

David de la Croix (Ires, UCLouvain) et Jean ­Hindriks (Itinera Institute) ont calculé l’effet de l’enseignement sur le “salaire”, la “croissance” et sur le “bonheur”. Si la Fédération Wallonie-Bruxelles arrivait à rendre son enseignement aussi performant que celui du nord du pays, le gain en termes de croissance serait de 0,85 % par an pour l’économie wallonne. Le gain serait tout aussi intéressant au niveau national (0,58 % du PIB en croissance annuelle), pour autant que nos élèves arrivent à rejoindre le niveau des Finlandais. “L’enseignement actuel reste trop dissocié du monde du travail. Il faut plus que jamais former des esprits critiques et apprendre à ­maîtriser les nuances des langues, entre autres. Il est indispensable aussi d’avoir une maîtrise de l’outil informa­tique qui simplifie la vie professionnelle et de créer des solutions. Préserver les jeunes de l’enseignement des mathématiques, ce n’est pas un cadeau. Tout le volet scientifique peut offrir des possibilités de changer le monde”, poursuit l’expert pour qui l’objectif de notre enseignement n’est pas l’émancipation par le travail.

Ingénieur plutôt qu’égyptologue

Les diplômes ne se valent pas tous pour autant. Il y a des diplômes “larges” qui ouvrent la plupart des portes comme sciences économiques ou ingénieur commercial - 90 % des diplômés en sciences de gestion et appliquées travaillent 3 mois après être sortis de l’école. Être savant en égyptologie sera moins évident. “Il y a des filières porteuses et des fi­lières sans demande sur le marché de l’emploi. On peut même dire que certains cursus et les diplômes associés conduisent au chômage, sauf à accepter de faire un job qui n’est pas celui pour lequel on a étudié. Il y a une école qui dit aux jeunes “faites ce que vous aimez”. D’accord, mais certaines formations n’offrent pas d’emploi. Il faut informer sur la réalité et dire qu’il faudra ajouter alors une formation qualifiante, explique Bruno Wattenbergh. Ce que je conseille le plus souvent pour un jeune qui n’a pas de vocation particulière, c’est de prendre le diplôme le plus large.

Peu importe votre diplôme initial, vous retournerez quatre ou cinq fois sur les bancs de l’école au cours de votre vie.

Ce n’est pas tout. En fait, il ne faut plus seulement un diplôme mais plusieurs, acquis tout au long de sa vie. “Je le dis à mes étudiants: quel que soit votre diplôme initial, vous retournerez quatre ou cinq fois sur les bancs de l'école au cours de votre vie. Le problème aujourd’hui c’est que les syndicats qui sont dans une approche de droits acquis et les patrons qui sont dans une optique de bénéfices immédiats ne promeuvent pas la formation continue des travailleurs. Il y a dès lors une très forte inégalité entre des travailleurs très qualifiés qui peuvent se payer une formation et d’autres, qui travaillent par exemple à la chaîne, qui ne le peuvent pas”, s’inquiète Bruno Wattenbergh. À Bruxelles, deux ans après leur entrée en formation, 71 % des chercheurs d’emploi ont quitté le chômage pour le milieu professionnel, contre 54 % de ceux qui n’avaient pas suivi de formation.

Résilient plutôt que polyglotte

À côté du diplôme, ce qui fera la différence ce sont les “soft skills” auxquels les employeurs sont devenus extrêmement sensibles. L’intelligence émotionnelle qui permet de travailler en équipe avec aisance, de comprendre ses collègues et la facilité à s’adapter sont des clés. “Les métiers qui n’existent pas encore, ce seront des personnes dotées de cette capacité à s’adapter qui les exerceront”, souligne Bruno Wattenbergh. C’est bien l’avis aussi de Joël Poilvache, directeur du cabinet de recrutement Robert Half. Le quotient émotionnel rentre aujourd’hui à ce point en compte que des employeurs recrutent non plus sur base des connaissances acquises mais du potentiel d’adaptabilité que la personne présente. “Cela a toujours été important mais on y fait plus attention aujourd’hui dans un marché où la guerre des talents fait rage. Les compétences digitales sont évidemment importantes mais on doit aussi pouvoir être autonome et résilient.

Aux entretiens d’embauche, on teste la pensée cri­tique des candidats et la manière dont ils ont résolu des problèmes au travail, comme les conflits. Le forum économique mondial a mené une enquête étonnante auprès de 800 grands groupes à travers le monde. Là aussi, le top 3 des compétences-clés sont l’esprit d’analyse, la créativité et la résilience. Mais on trouve aussi avant les “hard skills” (connaissances pures et dures) la motivation, la curiosité et la capacité à apprendre tout au long de la vie. Plus surprenant, parmi les compétences en déclin ou jugées moins importantes par les entreprises dans les quatre prochaines années, on trouve des aptitudes qui étaient déterminantes jusqu’ici comme la programmation, la capacité à être polyglotte, l’endurance, les capacités de rédaction. Il sera plus intéressant à l’avenir de savoir utiliser l’intelligence artificielle plutôt que de concurrencer ce qu’elle peut faire.

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