
Le boom du coworking sonne-t-il la fin des bureaux ?

Dans le secteur immobilier, un type d’infrastructure semble devenu inévitable dans les projets d’envergure: les coworkings. À Seraing, la future halle couverte dédiée aux produits de bouche Gastronomia sera adjointe d’un de ces espaces de travail. Idem à Watermael-Boitsfort, où l’ancien bâtiment classé de la Royale Belge va être en partie transformé en un hôtel de luxe, plusieurs restaurants, une salle de sport et… un centre de coworking. De nouvelles poules aux œufs d’or garanties pour les promoteurs? Même si cela fait une bonne dizaine d’années que ces lieux se sont mis à ouvrir dans les grandes villes du pays, cette croissance semble se poursuivre.
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Il n’y a qu’à voir Silverquare. La société se targue d’avoir été la première dans ce créneau en Belgique il y a 15 ans. Après déjà sept espaces différents sur Bruxelles, Zaventem compris, elle vient d’en inaugurer un huitième au nord de la capitale, et pas un petit : 8.000 mètres carrés de bureaux fixes et d’open space. Sans compter deux nouveaux centres à Liège et à Anvers.
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Cowork in progress
Le coworking serait-il un investissement à la rentabilité assurée? “Tellement de facteurs entrent en compte… Il y a toujours un stress”, répond Axel Kuborn, co-fondateur de l’entreprise. Le secteur continue de croître grâce aux mutations du monde de l’emploi et la tendance continue des entreprises à recourir aux consultants et experts indépendants, ainsi que, évidemment, la popularisation du télétravail. Sans compter le prix de l’immobilier. Louer un local ou un petit bureau pour une société qui se lance est plus onéreux qu’il y a quelques années. “Plus une ville est chère, plus on y trouve des coworkings. À Paris, à Londres, il y en a vraiment plein. Quand les loyers sont plus abordables, l’offre n’est pas aussi compétitive”, explique Édouard Cambier, président de la Belgian Workspace Association, qui rassemble plus de 200 coworkings, mais aussi à la tête de l’espace Seed Factory, à Auderghem. “La flexibilité joue énormément. Dans une PME de 4 personnes, certains jours il n’y a qu’un employé au bureau, à d’autres périodes, il y a tout le monde, avec en plus des clients qui passent. Une offre adaptable devient alors très intéressante.” On aurait pu croire qu’après les confinements, une partie de la clientèle aurait préféré retourner travailler à domicile. “On a un peu constaté ce phénomène, mais heureusement il a été compensé par l’effet inverse, qui a été plus important”, se rappelle le patron de Silversquare. “Plusieurs boîtes de 10 ou 20 personnes ont arrêté de louer des bureaux fixes puisqu’une bonne partie de leurs employés n’y venaient plus et ont choisi de travailler avec nous à la place.”

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Mieux que chez toi
Aujourd’hui, selon les estimations d’Édouard Cambier, il y aurait 500 coworkings dans le pays, dont 258 dans son association, la BWA. Forcément, dans les grandes villes, la concurrence est rude. Les différents acteurs doivent alors jouer de leurs spécificités. “Pour fidéliser le public, on doit proposer beaucoup plus qu’un environnement de travail”, détaille Axel Kuborn. “Chez Silversquare, nous nous sommes fixé de très hauts standards. On organise beaucoup d’animations, de talks, de soirées… On fait en sorte que nos membres aient envie de rester avec nous et pas d’aller voir ailleurs. Et évidemment, il faut être très vigilant sur le prix qu’on propose.” Quand la densité est moins importante, le challenge est plutôt d’attirer de nouveaux membres jusqu’au coworking. “Il faut que tout soit mieux qu’à la maison, c’est un minimum: mobilier, écrans, réseaux, insonorisation…”, énumère Édouard Cambier. “L’organisation d’événements, de débats, de lunchs est très importante. C’est la première chose que demandent certains clients en passant la porte. Environ 25 % des coworkings ont des difficultés financières. Pour moi, ce sont ceux qui ont vu trop grand et ne sont pas parvenus à être assez rentables pour engager quelqu’un à plein-temps pour se charger de l’accueil et de l’animation.”
L’attrait pour le concept semble ne pas tarir. La croissance, elle, a ses limites. Le marché pourrait vite saturer, surtout dans les grandes villes. “Le secteur du coworking va se mettre à ressembler à celui du sport”, imagine Axel Kuborn. “Des grandes structures très diversifiées, des petits lieux liés à leurs quartiers, des pôles très spécialisés… On devrait voir apparaître de nouveaux espaces dans des niches. Le marché est tout de même mature et ce n’est pas aussi simple de se lancer qu’il y a 15 ans.” Le président de la BWA va dans le même sens. “Je n’ai pas de boule de cristal, mais selon moi, on se dirige doucement vers plus de segmentation: de plus petits coworkings locaux réunissant des acteurs d’un même secteur. En tout cas, je pense qu’on ne reviendra jamais au modèle d’avant avec des bureaux où tout le monde fait 9h-17h. Ça, c’est terminé.”
Développements ruraux
Si les coworking ont longtemps été vus comme des lieux citadins et liés au numérique, ce n’est vraiment plus le cas. On retrouve aussi ce genre d’espace à la campagne. Comme à Noville-les-Bois, entité d’environ 1.500 habitants de la province de Namur. “On a un public très différent de celui de la ville, plus varié en âges et en activités. Des personnes qui se lancent dans une 2e carrière par exemple ou des associations locales”, décrit Antoine Van Eetvelde, co-fondateur et gestionnaire de Coworking Fernelmont, dont la vingtaine de postes de travail a pris place dans l’ancienne banque du village. Exactement comme les plus grosses structures, cette ASBL soutenue par la commune doit autant réussir à attirer des membres potentiels que montrer l’intérêt de rester. Ici, l’esprit de communauté est un des atouts principaux. “Les gens viennent de 20 min à la ronde autour du village parce qu’ils s’y sentent bien. Puis, même chez nous, l’aspect networking est très présent et des liens professionnels se nouent.”