
Droit à la déconnexion : qu’est-ce que ça implique concrètement pour votre employeur ?

Être hors ligne après les «heures de travail habituelles». Laisser son téléphone professionnel «sur silencieux et les boîtes mail fermées». Pareil pour «Teams et les groupes WhatsApp professionnels». En gros, «personne ne doit donc encore se sentir obligé d'être joignable en permanence», résume le prestataire de ressources humaines SDWorx. À partir du 1er avril, le droit à la déconnexion sera effectif en Belgique.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Selon une étude de Securex, le risque de burn-out est 4,8 fois supérieur chez les personnes dont les employeurs attendent qu'ils travaillent en dehors des heures de travail. Plus de la moitié (55,2%) des télétravailleurs garderaient d'ailleurs les notifications sur leur téléphone professionnel en dehors des heures de boulot.
Le télétravail, qui a connu un boom depuis la crise sanitaire, peut en effet contribuer à accentuer le problème, particulièrement chez nous où les employés disposent d’une grande autonomie d’organisation. De quoi, potentiellement, avoir le sentiment de travailler en dehors de ses heures officielles, sans jamais arriver à vraiment couper le lien avec l’entreprise.
Convention collective
Pour consacrer ce droit à la déconnexion, la loi a fixé comme date butoir le 1er avril 2023. C’est au plus tard à ce moment-là que les entreprises employant 20 travailleurs ou plus qui n’ont pas encore pris de directives concrètes devront avoir conclu des accords en matière de déconnexion, dans une convention collective de travail (CCT) sectorielle ou nationale, ou dans un règlement de travail.
Comme l’explique la CSC, l’accord doit prévoir les points suivants :
- Les modalités pratiques pour l’application du droit du travailleur de ne pas être joignable en dehors de ses horaires de travail;
- Les consignes relatives à un usage des outils numériques qui assure que les périodes de repos, les congés, la vie privée et familiale du travailleur soient garantis.
- Des formations et des actions de sensibilisation aux travailleurs ainsi qu’aux personnels de direction quant à l’utilisation raisonnée des outils numériques et les risques liés à une connexion excessive.
Sur son site, la CSC propose un modèle de convention type qui invite notamment à déployer des solutions techniques à mettre en place, comme «l’envoi différé des e-mails envoyés après les heures normales de travail; « des messages de mise en garde des utilisateurs qui essayeraient d’envoyer des e-mails après les heures normales de travail, rappelant qu’un message envoyé en dehors des heures normales de travail n’est pas conforme à la présente CCT» ; «des messages de mise en garde similaires, envoyés en cas d’invitation électronique à une réunion prévue en dehors des heures de travail». «Aucune sanction ne pourra être appliquée pour ne pas s’être connecté, et aucune récompense ne pourra être octroyée pour être resté connecté», note aussi le document.
Exceptions pour des "arrangements pratiques"
Un employé peut toutefois être joint en dehors de ses heures de travail, pour des «arrangements pratiques à très court terme, précise SDWorx. Un changement de lieu de travail, par exemple, une formation planifiée qui n’a pas lieu le jour ouvrable suivant, ou la généralisation du télétravail en raison d’une flambée de covid. Cela vaut aussi pour les collègues entre eux : des collègues de covoiturage peuvent se tenir informés lorsque leur planning change à la dernière minute».
🡢 À lire aussi : Quelques conseils pour déconnecter et diminuer son temps d'écran
Quelles sanctions ?
«La loi ne prévoit actuellement pas de sanction spécifique, note le cabinet Lexing Avocats. Toutefois, les organes de contrôle pourront invoquer le code pénal social, et notamment le non-respect des mesures relatives au bien-être au travail». Les employés peuvent également introduire une plainte auprès du service externe pour la prévention et la protection au travail, des services d’inspection ou du syndicat.
1 entreprise sur 7 pas encore en règle début 2023
Selon une enquête d’Acerta menée en janvier 2023 auprès de 500 entreprises belges, 85 % des sociétés avaient déjà des mesures en faveur de la déconnexion. Plus d’une entreprise sur 7 n’avait toutefois pas encore pris ses dispositions en la matière.
Au-delà de légiférer, l’enjeu serait aussi de «créer une culture d’entreprise où il n’est pas nécessaire d’être connecté en dehors des horaires de travail pour atteindre les objectifs», pointait dans l’Echo Kris De Meester,conseiller du centre de compétence "Emploi et sécurité sociale" à la FEB.