Les syndicats ont-ils un intérêt financier à garder les Belges au chômage ?

La gestion des allocations de chômage rapporte-t-elle vraiment de l’argent aux syndicats ? Ont-ils un intérêt à garder les Belges au chômage ?

Les syndicats s'enrichissent-ils grâce aux chômeurs?
Les syndicats devant le siège de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), le 22 [email protected]

En Belgique, les personnes sans emploi s’affilient en majorité à un syndicat pour percevoir leurs allocations de chômage. La CAPAC, organisme public indépendant, gère quant à elle seulement 15% des dossiers.

Pour certains politiciens, il faudrait retirer cette fonction aux syndicats et transférer l’intégralité des dossiers à l’institution publique. Pour quelle raison ? Car le système profiterait financièrement aux syndicats. C’est notamment l’avis de Georges-Louis Bouchez : « Dans notre pays, ce sont les syndicats qui se chargent du paiement des allocations de chômage. Chaque demandeur d’emploi leur rapporte de l’argent », affirme-t-il sur le site internet du MR.

Mais est-ce réellement le cas ? La gestion des allocations de chômage rapporte-t-elle vraiment de l’argent aux syndicats, et ont-ils un intérêt à garder les Belges au chômage ? La RTBF a enquêté en interrogeant la FGTB, la CSC, la CGSLB, l’ONEM, ainsi que le directeur du Crisp (Centre de recherche et d'information socio-politiques), et il s’avère que la gestion des allocations de chômage coûte en réalité de l’argent aux organisations syndicales. De plus, l’administration des indemnités de chômage coûterait plus cher à l’Etat si cette fonction lui était entièrement accordée.

Indemnisations

D’abord, il est important de préciser que l’argent des allocations de chômage ne provient pas des affiliations aux syndicats, mais bien des cotisations sociales et patronales payées par tous les travailleurs et employeurs. Mais les syndicats sont bien indemnisés pour le travail que la gestion de ces allocations engendre.

Cependant, selon les chiffres de l’ONEM cités par la RTBF, le dossier d’un chômeur affilé à la FGTB coûtait, en 2022, 24,9 euros à l’ONEM, contre 46,41 euros pour un chômeur à la CAPAC. Un dossier coûte donc moins cher à l’état s’il est traité par la FGTB ou la CSC que par l’organisme public. Ceci s’explique par le nombre de cas gérés par les syndicats, qui est largement supérieur que celui de la CAPAC : « Le fait de gérer autant de cas permet de faire des économies d’échelle, sur le personnel, sur les bâtiments, sur les logiciels informatiques », explique Thierry Bodson.

Pour la CGSBL, elle traite deux fois moins de dossiers que la CAPAC, mais son coût par dossier reste inférieur. L’explication tient au calcul du coût par dossier, qui n’est pas le même pour les organisations privées et les pouvoirs publics : « Pour les syndicats, on fait référence à la formule de calcul de 1991. Mais pour la Capac, ils ont un budget à disposition, décidé par le gouvernement, indexé chaque année, comme n’importe quel organisme public. Donc leur financement n’est pas directement dépendant du nombre de cas traités ou de la complexité de ces cas », précise l’ONEM.

Un business?

Ces indemnités permettent-elles aux syndicats de s’enrichir, comme l’affirment plusieurs personnalités politiques ? Pour les concernés, ce serait en réalité l’inverse : « La gestion du paiement du chômage nous coûte de l’argent depuis 2017. On a calculé qu’en moyenne, un dossier de chômage nous coûtait un peu plus de 28€, or on en touche 25€ de l’ONEM, donc on perd en moyenne 3 à 4€ par cas que l’on gère», indique Thierry Boson (FGTB) au média public. « La formule ne tient pas bien compte de la complexité croissante des dossiers, de l’indexation des salaires, de la complexité des programmes informatiques que nous devons développer », explique de son côté Marie-Hélène Ska (CSC).

Il est également important de différencier un « chômeur » d’un « dossier de chômage », car un chômeur peut introduire plusieurs dossiers par année. Ainsi, pour 300.000 chômeurs complets indemnisés, il y avait 7,25 millions de dossiers en 2022. En outre, l’ONEM n’indemnise pas les syndicats pour les dossiers qui n’aboutissent pas à un droit au chômage. Ce travail n’est donc pas rémunéré par l’ONEM.

Baisse du chômage

En janvier dernier, la FGTB Huy-Waremme avait annoncé son intention de procéder à un licenciement collectif. Les causes de cette procédure « Renault » étaient liées à une baisse des revenus du syndicat. La FGTB liégeoise avait tablé sur 35.000 à 40.000 chômeurs alors que ceux-ci sont en réalité 10.000.

Cette actualité avait été prise en exemple par Georges-Louis Bouchez pour affirmer que les syndicats avaient un intérêt financier à garder les Belges au chômage. « Vous avez encore un doute sur le fait que le chômage est un business pour les syndicats ? Stop au paiement des allocations de chômage par les syndicats ! », écrivait-il sur Twitter.

Une baisse du nombre de chômeurs impacte en effet l’indemnisation des organisations syndicales pour la gestion des allocations de chômage. La FGTB conteste toutefois l’affirmation du président du MR, en expliquant qu’un demandeur d’emploi affilié leur rapporte moins qu’un travailleur en termes de cotisations, 11 euros par mois pour les premiers, 16 à 17 euros par mois pour les seconds. Le syndicat perd également 3 à 4 euros sur chaque cas de chômage, comme expliqué plus haut dans l’article.

 

Malgré que cette activité soit déficitaire pour les syndicats, ceux-ci souhaitent tout de même garder la gestion du chômage « pour leurs affiliés ». Cela leur permet entre autres de pérenniser et de défendre le système d’allocations. « S’occuper du chômage nous permet de garder une légitimité sur ces questions-là lorsqu’on est amené à se positionner sur l’avenir de la sécurité sociale », avance Thierry Bodson à la RTBF.

Pour Jean Faniel, directeur du Crisp, les syndicats pourraient « craindre » que l’assurance chômage soit complètement supprimée si sa gestion leur était retirée : « Et non pour l’attribuer à un autre organisme, comme le demandent parfois les partis flamands ». Selon lui, la volonté des libéraux, ou de la N-VA et du Vlaams Belang, vise surtout à réduire l’influence des syndicats dans le rapport de force politique.

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