
Retour en force des allergies : la désensibilisation est-elle efficace ?

C'est reparti pour un tour. Depuis le 11 mai, la Belgique est perturbée par de “fortes concentrations de pollens dans l’air”, selon les estimations de la plateforme publique Air Allergy. Pour le pollen de bouleau, elles sont “très élevées” dans le sud-est du pays. “Il est recommandé aux personnes sensibles de prendre toutes les précautions nécessaires (éviter les activités en plein air, porter des lunettes solaires, ne pas sécher le linge dehors, se rincer le nez, se laver les cheveux avant d’aller dormir, etc.) pour limiter les symptômes, surtout pendant les périodes sèches”, conseillent les experts de Sciensano, qui chapeautent la plateforme.
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Les mesures d’évitement demeurent la meilleure option pour se prémunir. Lorsque les symptômes apparaissent, des médicaments (sprays anti- inflammatoires, gouttes pour les yeux, antihistaminiques, etc.) peuvent être utilisés. Mais ces options sont bien souvent insuffisantes pour améliorer la qualité de vie des malades. Le secret, durable, résiderait plutôt dans les désensibilisations. Sauf qu’elles coûtent jusqu’à plusieurs milliers d’euros.
Plus qu’un luxe, une nécessité
Pour couronner le tout, l’assurance obligatoire n’intervient pas dans les traitements de désensibilisation, si ce n’est, explique la chargée de projets chez Solidaris Julie Jandrain, via le remboursement de consultations médicales et de deux vaccins. Le “Pharmalgen Bee” (contre le venin d’abeille) et le “Pharmalgen Wasp” (contre le venin des guêpes) sont partiellement pris en charge. Aucun désensibilisant contre les allergies respiratoires ne l’est. Pourtant, diverses solutions contre les pollens saisonniers sont reconnues par l’Inami comme le vaccin “Acarizax Lyophil” (remboursé uniquement en cas d’asthme partiellement contrôlé) ou les médicaments “Alustal” et “Alutard”.
Bien sûr, la plupart des mutuelles (Solidaris, Mutualité chrétienne, Partenamut) que nous avons contactées proposent un remboursement complémentaire (quelques dizaines d’euros par an, tout au plus) et certaines assurances hospitalisation permettent aux patients d’obtenir une plus grande intervention, mais pour les médecins, cela ne suffit pas. Le mois dernier, les allergologues flamands ont été les premiers à réclamer au ministre de la Santé un meilleur remboursement. Le Dr Khalil Ladha, président de l’Association belge de formation continue en allergologie (ABEFORCAL) en profite ici pour aussi insister sur la “nécessité d’augmenter les remboursements”. Un nombre très important de malades et des professionnels parlent d’un “besoin de santé public”… Alors pourquoi les remboursements sont-ils inexistants? Frank Vandenbroucke a répondu dans L’avenir: “C’est le fabricant qui doit introduire une demande de remboursement auprès de la Commission de remboursement des médicaments (CRM). Selon les connaissances du cabinet, il n’y a pas eu de demande depuis octobre 2020”.
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© BELGAIMAGE
Présomption d’indécence
Sauf que c’est plus compliqué que ça. Après vérification auprès de l’Inami, qui chapeaute cette CRM, les deux dernières demandes ont été refusées sous prétexte que l’effet des médicaments en question était “trop limité par rapport à un prix demandé trop élevé”. L’Inami nous précise encore que “la feuille de transparence sur le Centre belge d’information pharmacothérapeutique relative au “rhume des foins” précise que la désensibilisation sublinguale par rapport aux allergènes inhalés pour la prévention de la rhinite allergique n’ont qu’un effet limité; qu’il y a un manque de bonnes études comparatives; que les effets secondaires locaux sont fréquents et que le prix de revient est élevé”.
Il est tout a fait possible que l’industrie se soit montrée trop gourmande dans les négociations. Une source universitaire, mais aussi collaboratrice d’une entreprise pharma, nous indique que c’est souvent le cas lorsque “l’entreprise pharma est convaincue que son produit permet de répondre à un enjeu de santé public majeur et que, selon elle, l’État ne serait pas en mesure de refuser l’offre tant le traitement concerne de personnes. Manifestement pour ces désensibilisations, l’État belge a su se montrer ferme et a refusé malgré tout. La France, par exemple, a signé des contrats et la Sécu intervient… Mais on ne sait pas à quel prix”. En Belgique comme en France, les montants sur la table de la CRM sont soumis à une clause de confidentialité. Impossible, donc, de vérifier la présomption d’indécence de l’industrie dans ces dossiers.
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Double aveugle
Par contre, le Dr Khalil Ladha réfute l’argument de l’efficacité mis en avant par l’Inami. “Sur le plan scientifique, des études prouvent l’efficacité de divers traitements contre les pollens saisonniers, notamment l’immunothérapie via des comprimés sous-linguaux. Les tests sont menés à “double aveugle”, il n’y a donc aucun doute.” Cela signifie qu’un groupe de volontaires est traité avec un placebo et l’autre avec un vrai médicament. Ni le patient, ni le prescripteur ne savent quels participants sont traités avec quel produit. Cela permet d’éviter les biais. Le médecin conclut: “Cela étant dit, je ne soutiens pas leur usage systématiquement pour toutes les personnes allergiques. Ils doivent être destinés aux malades qui ont déjà essayé d’autres types de traitements moins coûteux et qui continuent de présenter des symptômes récidivants altérant substantiellement la qualité de vie.”
Bientôt tous allergiques
2 personnes sur 5 seraient concernées par des rhinites allergiques, c’est-à-dire des allergies au pollen, le “rhume des foins”. En 2050, les fragilités ORL pourraient toucher la moitié de la population… Le réchauffement climatique n’y est pas étranger. D’abord, les espèces de végétation évoluent. On peut ainsi admirer en Belgique l’ambroisie, d’ordinaire installée dans le sud de l’Europe et en Amérique du Nord. Or, l’espèce cause de nouvelles formes de réactions au pollen. Ensuite, la pollution atmosphérique et plus particulièrement l’exposition aux particules fines libérées par les moteurs thermiques des voitures augmente l’intensité des symptômes. C’est pourquoi les malades sont plus nombreux en ville qu’à la campagne.