
La recette du bien-manger : les conseils des experts pour une alimentation saine

Les Belges veulent manger mieux. Pour deux Belges sur trois, se nourrir de façon équilibrée est important. Lorsqu’on interroge les citoyens sur la définition d’une “alimentation saine”, ils parlent surtout de fruits, de légumes, de variété, d’équilibre. Ils l’opposent a contrario au gras et au sucre. Et quand ils sont questionnés sur l’intérêt d’améliorer sa nutrition, ils mettent en avant la forme physique et le poids. La santé n’apparaît qu’ensuite, dans cette enquête de l’ASBL Wagralim, qui soutient des entreprises wallonnes de l’industrie agroalimentaire.
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Les Belges ont raison: plusieurs maladies courantes en Belgique, dont certaines parmi les principales causes de mortalité, peuvent être expliquées par une alimentation problématique. Veiller à ce que celle-ci soit plus saine, équilibrée et variée peut grandement prévenir leur développement. Si on se réfère au dernier rapport de santé de Sciensano, en 2018, un adulte sur deux (49,3 %) est en surpoids. Un sur six est obèse. Deux conditions physiques qui augmentent fortement les risques de contracter d’autres pathologies non transmissibles. “L’obésité et le surpoids sont l’incidence principale d’une mauvaise alimentation”, appuie le docteur Pierre Garin, responsable du département Diététique aux Cliniques universitaires Saint-Luc qui ne minimise pas: “On peut parler d’épidémie”.
Pas dans son assiette
Parmi les maladies non transmissibles directement liées à une malnutrition, plusieurs cancers sont à pointer du doigt. “Ceux qui peuvent être, en partie, expliqués par l’alimentation sont ceux du sein et colo-rectaux, détaille Katia Castetbon, professeur d’épidémiologie à l’École de Santé publique de l’ULB qu’elle dirige. Il y a une relation à la nature des aliments, notamment au manque de fibres, ainsi qu’à l’obésité et au trop faible niveau d’activités” Ce n’est donc pas un hasard si, selon la Fondation contre le cancer, le cancer du sein est le plus courant en Belgique. Les cancers colorectaux sont en quatrième position…
Hypertension artérielle, infarctus, AVC… Une alimentation déséquilibrée peut aussi mener à des problèmes cardio-vasculaires. “Ici, c’est plutôt lié à l’abus de sel et de graisses, notamment de certains acides gras saturés, précise le professeur Castetbon. Et quand on parle de graisses, il s’agit tant de graisses ajoutées, pour la cuisson par exemple, que de celles contenues dans les aliments, comme les charcuteries.” Le diabète, qui toucherait près d’un million de Belges, peut aussi être directement rattaché à la nourriture. “Cette pathologie est multifactorielle. Elle est notamment liée à un excès énergétique avec une qualité nutritionnelle faible. Trop de sucres ajoutés et de glucides, entre autres”, explique le Dr Garin.
Bien entendu, l’alimentation n’est pas le seul facteur qui cause ces pathologies. La génétique et surtout le manque d’activités physiques, entre autres, constituent d’autres raisons. Néanmoins dans ces trois cas (cancers, maladies cardio-vasculaires et diabète), les liens avec la malnutrition sont clairs.
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Régime ultratransformé
Les Belges, largement victimes de ces maladies, mangent-ils si mal que ça? Commençons par les produits ultratransformés souvent décriés. Peu chers et rapides, ils font partie des habitudes de nombreux consommateurs. L’étude de Sciensano a révélé que le Belge moyen tirait un tiers de son énergie quotidienne de ces aliments. Pourtant, ils concentrent beaucoup de défauts: trop de sucre et/ou de sel, d’acides gras saturés, tout en amenant un apport nutritionnel médiocre, voire nul. “La préparation industrielle dénature la source des nutriments. On est face à un appauvrissement qualitatif, explique le Dr Pierre Garin. Sans parler des additifs nocifs pour la santé.”
Les produits ultratransformés comprennent les plats préparés, la nourriture des fast-foods, les chips, les bonbons… Mais pas que. Cela comprend aussi le pain de mie, beaucoup de préparations de viande des supermarchés, le poisson pané… “Des fruits ou légumes ultratransformés n’ont quasi plus d’intérêt pour la nutrition humaine non plus. Donc des sauces pour pâtes, des épinards à la crème surgelés, des jus de fruits industriels, certains yaourts aux fruits, les burgers végétaux…”, énumère le spécialiste de la nutrition.
Autre problème: trop de viande dans nos assiettes. Rouge, blanche, préparée, charcuteries… Pour 2020-2021, Statbel estime à 82 kg la consommation apparente de viande par personne en moyenne. Ce chiffre est basé sur la quantité de viande disponible sur le marché et surestime donc la consommation réelle. Tout de même, cela fait 1,5 kilo par semaine, le double de la moyenne européenne en 2020. “Même en quantité modeste, de la viande tous les jours présente un risque pour la santé. Il faudrait rester entre 300 et 400 grammes par semaine”, insiste Katia Castetbon.
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Le piège des céréales
Côté céréales, les Belges ont tendance à privilégier les céréales raffinées et à ignorer les complètes. Idéalement, il faudrait abandonner pain blanc, riz blanc et pâtes traditionnelles, pour passer à leurs équivalents complets. “Les coques des grains de céréales contiennent des micronutriments très intéressants et des fibres, qui sont habituellement consommées en quantités trop faibles, précise l’épidémiologiste. Il s’agit d’aliments qui contribuent à la prévention du diabète ou de cancers.”
Et puis, il y a le sel, que nous devrions consommer avec modération, environ 5 grammes par jour maximum. Entre le sel pour la cuisson, celui contenu dans les aliments manufacturés et celui qu’on ajoute à son assiette, on y arrive vite. Or le condiment est un facteur important de risques d’accidents vasculaires et cérébraux. Plus de céréales complètes et moins de sel font partie des recommandations émises par le Conseil supérieur de la santé.
Éviter les excès
Parmi les conseils, pas de surprise, il est suggéré de manger plus de fruits et légumes pour leurs fibres, vitamines et minéraux. “Mais aussi pour leur densité énergétique. Leur nombre de calories pour 100 grammes est plus faible, ce qui aide autant à éviter les maladies que le surpoids”, ajoute la Pre Castetbon.
Pour diminuer la consommation de viande, il est recommandé de la remplacer régulièrement par des légumineuses, qu’on ne mange que trop peu. Et pour les jours “viande”, autant privilégier les viandes blanches, qui ont les mêmes apports positifs et moins d’effets négatifs que les rouges, tant sur la nutrition que l’environnement. Une bonne habitude à prendre en plus: une petite poignée de fruits à coque chaque jour. Amandes, noix, noisettes et graines représentent d’intéressants apports en calories et en graisse, si on reste dans de petites quantités quotidiennes. À évidemment choisir sans sel.
“L’important, c’est l’équilibre. Rien n’est vraiment interdit, mais évitez surtout les excès, conclut Pierre Garin. Suivez les recommandations, sans que ça vire à l’obsession. Manger uniquement des légumes, ça n’aurait rien de bon non plus.”

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Sodas? Stop!
La professeure Katia Castetbon de l’ULB met en avant une problématique à laquelle beaucoup de pays sont confrontés, mais pour lequel la Belgique figure parmi les champions: la consommation de boissons sucrées chez les jeunes. “Tous les quatre ans, nous interrogeons 12.000 élèves du secondaire dans le cadre d’une enquête européenne. La Belgique est dans le top 4 des 50 pays participants. Un tiers des adolescents en boit tous les jours.”
Quand on parle de boissons sucrées, toutes sont dans le lot: sodas, colas, limonades, thés glacés, boissons énergisantes… Dans leurs versions classiques, édulcorées ou “zéro”. "En boire occasionnellement, ce n’est rien, mais pas tous les jours! Surtout qu’elles n’apportent rien du tout nutritionnellement. On voit beaucoup de régimes avec des exclusions qui n’ont aucun intérêt, comme le “sans gluten”, mais les boissons sucrées, on pourrait s’en passer, ou même militer pour leur interdiction si on le voulait.”