

C'est bien connu: lors des mois les plus froids, les rayons du Soleil ne sont pas assez puissants en Belgique pour que le corps humain synthétise naturellement la vitamine D par exposition de la peau à la lumière. En conséquence, une large partie de la population est en carence. Le groupe EG-Strada chiffre le pourcentage de Belges dans ce cas à 45%, voire 67% en hiver. Pour le diététicien Clément Godart, ces chiffres montent même respectivement à 70% et 90%. Pour combler ce manque, nombreux sont ceux à se tourner vers les compléments alimentaires. Problème: ceux-ci sont de plus en plus critiqués (risque de surdosage, absence de bénéfices clairs dans les études, etc.).
Il existe néanmoins une alternative: adapter tout simplement son mode de vie, notamment via l'alimentation. Une initiative à laquelle les Belges sont manifestement réticents. Selon Sciensano, leurs habitudes alimentaires ne couvrent en l'état qu'un tiers de la quantité journalière recommandée en vitamine D. Voici comment y remédier.
Malheureusement pour nous, rares sont les aliments riches en vitamine D. L'université de Harvard en a fait la liste et force est de constater que celle-ci est courte. Certains sont d'origine animale et contiennent de la vitamine D3, tandis que ceux d'origine végétale détiennent de la vitamine D2. Il y a un débat en cours pour savoir si la D3 serait meilleure que la D2, mais il n'est pas tranché. Dans les deux cas, le résultat est plus ou moins le même: les deux formes sont transformées par l'organisme en calcitriol, la forme active de la vitamine D.
Du côté de la vitamine D3, l'aliments le plus riche est assez peu populaire, puisqu'il s'agit de l'huile de foie de morue. Si l'idée d'en consommer vous révulse, rassurez-vous, il n'y a pas que ça! En deuxième position, on trouve en effet un produit beaucoup plus apprécié: le saumon. Plus largement, les poissons gras sont réputés pour leurs quantités de vitamine D. L'université de Harvard cite ainsi également l'espadon, le thon ou encore les sardines. "De plus petites quantités [de vitamine D3] se trouvent dans les jaunes d'œufs, le fromage et le foie de bœuf", ajoute-elle.
Évidemment, si vous êtes végétarien, vos possibilités de sources en vitamine D3 se réduisent comme peau de chagrin. Pour les végétaliens, il n'est même pas possible de se tourner vers les œufs et le fromage. Il faut donc se tourner vers la vitamine D2. Le souci, c'est qu'ici, la liste des aliments contenant naturellement ce nutriment se résume à un seul produit: les champignons, et pas n'importe lesquels! Il faut pour cela se tourner vers ceux qui ont pu synthétiser la vitamine D2 "en raison d'une exposition intentionnelle à de grandes quantités de lumière ultraviolette" (tout comme la peau humaine synthétise de la vitamine D3 avec les rayons UVB), précise l'université de Harvard.
Vu le faible nombre d'aliments riches en vitamine D, la fréquence des carences n'est pas étonnante. Si ces produits ne suffisent pas et que les rayons UVB du Soleil sont suffisamment puissants (ce qui est globalement le cas d'avril à septembre), il est possible d'y remédier en s'y exposant. "Il ressort de plusieurs études et rapports que passer un quart d’heure à une demi-heure en plein air suffit pour synthétiser la vitamine D", fait savoir la Fondation contre le cancer (les personnes à la peau foncée devant s'exposer un peu plus longtemps que ceux à la peau claire). Pas besoin par conséquent de risquer un coup de soleil en se dorant la pilule pendant des heures!
Sans cet apport lié aux rayons UVB, il est facile de manquer de vitamine D, surtout en hiver donc. L'étude propose donc aux personnes avec un apport insuffisant de se tourner vers des aliments enrichis en vitamine D. Elle rejoint ainsi l'université de Harvard qui liste quelques-uns d'entre eux: le jus d'orange enrichi, les laits enrichis (d'origine animale ou végétale), ou encore les céréales enrichies.
Sciensano promeut par ailleurs "l’enrichissement des aliments en vitamine D au niveau national", qui "est considéré comme une stratégie efficace pour améliorer le niveau de vitamine D d’une population". L'institut de santé note toutefois que "cette stratégie d'enrichissement demande une sélection minutieuse des vecteurs alimentaires" afin de ne pas compromettre la sécurité de la population belge. "En considérant des aspects technologiques et réglementaires et la salubrité des vecteurs alimentaires, l’enrichissement du pain et du lait a été considéré comme le plus optimal".
Si des personnes ne disposent pas d'un apport suffisant en vitamine D via l'alimentation (enrichie ou pas), il ne reste qu'une option: les suppléments. L'étude de Sciensano note que ceux-ci sont encore plus importants pour certaines parties de la population. C'est le cas des jeunes enfants, "pour qui l’exposition directe au soleil est vivement déconseillée" et qui manquent donc de vitamine D. Idem pour les femmes enceintes car s'il s'avère que celles-ci pâtissent de carence, cela "peut entraîner un retard de croissance et des malformations du squelette chez l’enfant".
Attention toutefois: si les compléments alimentaires sont parfois recommandés, ils suscitent en parallèle la méfiance de la communauté scientifique. Sciensano met par exemple en garde ceux qui en donnent aux bébés. "Chez les nourrissons qui reçoivent des suppléments de vitamine D, nous constatons que 26% en prennent de trop", prévient l'auteure de l'étude, Isabelle Moyersoen.
Plus globalement, toute la population doit éviter le surdosage. Le ministère belge de la Santé recommande un apport quotidien total en vitamine D de minimum 20 µg, soit 800 UI par jour. Mais L'université de Harvard note toutefois qu'il faut veiller à ne pas dépasser les 4.000 UI (soit 100 µg) pour les 9 ans et plus. L'institution précise qu'il est très peu probable d'atteindre ce niveau rien qu'avec l'alimentation ou l'exposition au soleil, mais cela peut être le cas avec des suppléments, d'où la recommandation d'être supervisé par un médecin. Sans ces précautions, un apport excessif et toxique de vitamine D peut provoquer un "durcissement des vaisseaux sanguins et des tissus en raison de l'augmentation des taux sanguins de calcium, pouvant entraîner des lésions cardiaques et rénales".
Alors oui, une carence en vitamine D peut provoquer un rachitisme chez les enfants et une ostéomalacie (un affaiblissement des os) chez les adultes, la vitamine D aidant le calcium à se fixer sur les os. Toutefois, il n'est pas encore tout à fait certain qu'une supplémentation en vitamine D par des compléments alimentaires permette d'éviter totalement ces pathologies.
Le CNRS note ainsi que "des études récentes ont démontré l’absence de bénéfice clinique de l’administration de vitamine D, y compris sur la réduction du risque de fractures osseuses". Il est même possible que ces compléments provoquent des calculs rénaux, note une étude du centre de recherche français. Cela "soulève donc la question du bien-fondé de l'administration systématique de suppléments de vitamine D", conclut-il.
Cette analyse a été confirmée par une méta-analyse publiée en 2022, qui montre aussi une "absence de bénéfices en termes de densité osseuse". Elle précise que si "la correction d'une carence sévère en vitamine D reste essentielle", des compléments en vitamine D n'ont démontré "aucun effet sur l'incidence du cancer, des événements cardiovasculaires ou du diabète sucré de type 2". Leur seul effet positif visible est une "légère diminution de la mortalité par cancer".