
Arrêter de fumer : 5 questions sur les dangers de la cigarette et les bénéfices de son abandon

Sur le quai de la gare de Bruxelles-Nord ce lundi matin, un écriteau attire l’attention des voyageurs qui attendent leur train. Un dessin de cigarette rayée d’un grand trait rouge indique en un coup d’œil la nouvelle interdiction de fumer sur les quais, mise en place depuis le 1er janvier. Dans deux ans, ce sera au tour des plaines de jeux, des parcs d’attractions et autres lieux extérieurs destinés aux enfants de devenir non-fumeurs. En bannissant peu à peu la clope de l’espace public, le gouvernement espère inciter les quelque 24 % de Belges de plus de 15 ans qui fument à arrêter le tabac définitivement. Objectif: parvenir à une société où les cigarettes ne sont qu’un lointain souvenir, d’ici à 2040. Il faut dire que la cigarette représente un vrai coût, humain et financier, pour la société. Rencontre avec deux tabacologues.
Une société sans tabac est-elle envisageable?
D’après les derniers chiffres publiés en janvier par la Fondation contre le cancer, le nombre de fumeurs est de nouveau en légère baisse, après une courbe montante pendant la pandémie. Un Belge sur cinq fume aujourd’hui, contre environ 29 % il y a deux ans. Globalement, ces chiffres stagnent depuis des années, observe l’experte en prévention du tabagisme à la Fondation contre le cancer Suzanne Gabriels. “Je crois qu’une société sans tabac est possible puisque désormais des alternatives pour s’en passer existent et que des mesures politiques sont mises en place, mais il faut réellement s’y mettre!” Avoir autorisé la vente des cigarettes sur le marché serait “une erreur historique”. “Longtemps, la société a cru que la nicotine n’était pas très grave car elle ne provoquait pas de problèmes sociaux comme l’addiction à l’alcool. Aujourd’hui pourtant, si le tabac devait arriver sur le marché, il ne serait jamais autorisé.” Martial Bodo, tabacologue à l’Institut Jules Bordet, acquiesce: “C’est quand même le seul produit au monde où le producteur annonce à ses clients qu’en consommer peut le tuer!” Selon lui, seules des mesures fortes comme l’augmentation significative du prix du tabac et la réduction des points de vente pourront faire en sorte que la Belgique parvienne à son objectif “zéro fumeur”.
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Une cigarette par jour, est-ce si grave?
Une clope quotidienne, c’est déjà dangereux pour la santé, insistent les deux tabacologues pour qui il n’existe pas de seuil en dessous duquel fumer est anodin. “Est-ce moins dangereux de griller un feu rouge que d’en griller quinze?, questionne Martial Bodo. Avec la cigarette, c’est pareil: c’est une question de chance face à une prise de risque. Tout dépend de notre organisme. À l’Institut Bordet, nous avons actuellement des jeunes de 28 ans qui sont en phase terminale de cancer alors qu’ils fumaient cinq cigarettes par jour.” Beaucoup de facteurs rentrent en ligne de compte, observe Suzanne Gabriels, du métabolisme à la manière d’inhaler le tabac. “Les études montrent en tout cas qu’un fumeur sur deux meurt précocement à cause du tabagisme.”
Comment le tabac attaque-t-il notre organisme… et notre qualité de vie?
La cigarette fait des dégâts “de la racine des cheveux jusqu’aux ongles des orteils”, regrette Martial Bodo. Problèmes respiratoires, maladies cardiovasculaires, fatigue, cancers divers, mais aussi diabète et problèmes d’érection… Le tabac qui se diffuse dans le corps peut attaquer chaque organe. “Chaque jour sans fumer est un petit cadeau qu’on se fait, pour notre organisme mais aussi pour notre qualité de vie, insiste le tabacologue. La santé mentale et financière d’un fumeur est tout aussi impactée par la cigarette que ses poumons et ses artères. En arrêtant de fumer, il gagne 8 € par jour, 100 minutes dans sa journée non passées à fumer, moins de contraintes d’organisation… Hier par exemple j’étais à un concert, les fumeurs sont les premiers à être sortis de la salle pour s’en griller une, résultat ils ont loupé le rappel. Ce sont des détails mais qui, bout à bout, prennent une importance.”
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Un fumeur qui arrête peut-il espérer retrouver une bonne santé?
Le corps a une capacité de récupération importante. Selon les organismes de santé publique, huit heures sans fumer suffisent déjà pour voir une amélioration de la tension artérielle et de la circulation sanguine. Au bout de 24 heures, un système de nettoyage se met en place dans les poumons et après deux jours, le goût et l’odorat gagnent en saveurs. Après un an sans cigarette, les risques cardiaques sont divisés de moitié et au bout de dix ans, les chances de développer un cancer sont largement réduites. “Si on arrête de fumer avant l’âge de 35 ans, des études montrent que c’est possible de récupérer quasi totalement”, pointe Suzanne Gabriels, soulignant qu’il ne faut en aucun cas attendre cet âge-là pour laisser tomber la clope.
Que changerait une société sans tabac?
Au-delà des bénéfices personnels pour le fumeur, arrêter de fumer a un impact pour l’ensemble de la société. Selon une étude réalisée par le fédéral en 2012 sur le coût social des drogues licites et illicites en Belgique, le tabagisme coûte à la société belge 13 milliards d’euros par an. Dans ce nombre à onze chiffres, on retrouve le coût des hospitalisations, mais aussi des contrôles concernant les interdictions de fumer dans les lieux publics et celui de la perte de productivité des travailleurs liée aux maladies. “À court terme, fumer rapporte beaucoup à l’État via les accises, mais à moyen et long terme, ça lui coûte très cher, souligne Martial Bodo. Dire qu’on pourrait fermer la moitié des hôpitaux si la population belge ne fumait plus, c’est une lecture cynique mais très vraie. Chaque année en Belgique, environ 15.000 personnes décèdent de la cigarette. C’est comme si chaque jour au JT, on annonçait le décès de 40 personnes. Sans compter le taux de morbidité, c’est-à-dire de maladies, lié au tabac.”