
Piqûres en boîtes de nuit: comment endiguer le phénomène ?

Le week-end dernier, lors d'une soirée à Dampicourt, dans le sud du pays, au moins une quinzaine de personnes ont dit avoir été droguées contre leur gré. Deux « modus operandi » ont été relevé : la drogue versé dans le verre ou, nouveauté, par piqûres.
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Ce phénomène des « mystérieuses piqûres » a récemment touché la France, créant une véritable psychose. Des plaintes ont été déposées un peu partout dans l'Hexagone : à Béziers, à Rennes et au Printemps de Bourges. Des fêtards piqués contre leur gré en boîtes de nuit, en soirées ou en festivals, bref, là où il y a du monde et où on fait la fête.
Le « spiking », comme il est appelé outre-Manche, est d'abord apparu en Angleterre à l'automne dernier. Les médias locaux ont recensé plus de 1.300 témoignages, ce qui a poussé les autorités publiques à enquêter sur ce phénomène. Une commission parlementaire a récemment publié un rapport pour endiguer ce problème de la drogue administrée contre son gré lors de soirées.
« Modus operandi »
Les premiers témoignages sont apparus en octobre 2021. D'abord sur les réseaux sociaux, puis, ceux-ci se multipliant, ils sont arrivés dans les médias locaux, nationaux, et jusqu'au Parlement. Les personnes qui ont témoigné parlent d'un même procédé : elles se sont réveillées avec une trace de piqûres par seringue ou stylos à injection (comme utilisés par les diabétiques, par exemple) au niveau de la fesse.
Tous les âges et les sexes sont concernés. A noter que d'autres personnes présentes durant les mêmes soirées considèrent quant à elle qu'on a versé de la drogue dans leur verre. Les deux modes opératoires semblent aller de pair.

Belga
Le spectre du GHB
Les effets sont inquiétants : torpeur ou black out complet, sentiment de ne plus pouvoir bouger, de ne plus avoir de volonté... Certains se sont réveillés dans des endroits inconnus, sans savoir ce qui s'était passé. D'autres ont eu plus de chance, leurs amis s'étant occupés d'eux. On retrouve là, encore et toujours, le spectre du GHB, la drogue du viol.
Le rapport de la commission parlementaire britannique a cherché à comprendre les motivations de tels agissements. Il en pointe plusieurs : « jeu malsain » entre amis au sein d'une équipe de sport, manoeuvre pour dérober des cartes bancaires ou tentatives d'agression sexuelle ou de viol...
Autre constat alarmant qui est fait : le manque de confiance fait en la justice. Peu de personnes impliquées vont porter plainte car cela se passe lors de soirées arrosées où elles consomment parfois d'autres substances illégales. Si bien qu'aucun suivi policier n'est fait, laissant le phénomène prendre de l'ampleur.
Quelles réponses apporter ?
Face à ce phénomène de masse qui touche aujourd'hui la France et, depuis ce week-end, la Belgique, la Commission parlementaire britannique essaie d'apporter des solutions, proposant au gouvernement de Boris Johnson des mesures à mettre en oeuvre.
Elle pointe qu'il est important que le ministère de l'Intérieur prenne conscience de la « fréquence, de l'ampleur et des conséquences » du problème. Ensuite, elle invite le gouvernement à communiquer spécifiquement autour du « spiking » : des messages de prévention lancés lors des fêtes, dans les écoles, les universités, les commissariats et les hôpitaux afin d'inviter les victimes à témoigner.
Le rapport note aussi l'importance de créer un crime à part autour du « spiking » pour pouvoir suivre à l'avenir l'individu incriminé avec des conséquences judiciaires lourdes, de quoi le dissuader de continuer. Evidemment, cela ne prend pas en compte la difficulté de repérer le coupable dans la foule...
Plus concrètement encore, il faut trouver les moyens de protéger la population. Comment ? En augmentant les mesures de sécurité à l'entrée des endroits de fête, recruter plus de vigiles, notamment des femmes, leur donner une meilleure formation, faire des fouilles plus importantes à l'entrée, mieux surveiller les verres des fêtards... Autre proposition : supprimer la licence des établissements qui ne prendraient pas les moyens pour protéger leur clientèle.
Enfin, les députés demandent un meilleur accompagnement des victimes une fois qu'elles ont porté plainte. Car seules de très rares plaintes donnent lieu à des suites, ce qui est un énorme problème. En Angleterre, neuf victimes sur dix n'ont pas reçu d'aide après avoir témoigné. La commission pousse donc le gouvernement à donner plus de moyens d'investigation aux forces de l'ordre.
Voilà une feuille de route que les pouvoirs publics peuvent suivre en Angleterre comme chez nous pour endiguer cet inquiétante vague de « piqûres mystérieuses ». Cela doit se faire au niveau national et local. Mais chacun doit jouer son rôle pour rendre la nuit plus sûre. Comme le répète Lorenzo Serra de la fédération Brussels by Night, on doit commencer par être acteur de sa nuit et veiller les uns sur les autres lors de soirées arrosées. L'insécurité est un phénomène qui nous touche tous.