
Prigojine, le boucher de Poutine, finira-t-il par avoir sa peau ? Ses ambitions inquiètent jusqu'à Moscou

Evgueni Prigojine, un nom devenu tapageur, en quelques mois à peine. L'ancien vendeur de hot dogs est parvenu à s'ériger en pièce maîtresse de la stratégie militaire russe. À la tête de la milice Wagner, c'est à lui que revient la victoire de Bakhmout. Ville plus symbolique que stratégique. Mais surtout ville martyre. Une cité de 70.000 âmes réduite en un tas de poussières. Une confrontation sanguinaire - la plus terrible depuis le début de la guerre dit-on - qui devait frapper les esprits du monde entier. Prigojine y aura laissé plus de 20.000 hommes selon le bilan qu'il a lui-même tiré.
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Le bras armé de Poutine
Pour lui, les promesses n'ont pas de prix. Il l'avait promis au Kremlin, sans s'enfermer dans un calendrier : il livrerait Bakhmout aux forces russes. C'est choses faite. Et si Vladimir Poutine niait encore toutes relations entre l'armée régulière et Wagner, aujourd'hui, il reconnait le rôle des "unités d'assaut de Wagner dans l'achèvement de l'opération (ayant permis) de libérer Artiomovsk (nom soviétique de Bakhmout)", relève l'agence Tass. Il distribuera même bientôt des médailles à ces combattants.
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Si cela fait des années que les mercenaires de Wagner vont se salir les mains - d'Afrique en Amérique du sud - là où les factions russes ne veulent pas être vues, la relation entre les deux est de plus en plus floue. Aujourd'hui, Wagner devient une puissance militaire lourdement active dans un conflit mené directement par la Russie. Une humiliation, pour l'armée régulière. Un véritable tremplin pour Evegueni Prigojine. Le journaliste russe d'investigation Andrey Pertsev analyse sur le site Meduza : "Prigojine veut être le principal visage russe de cette guerre. Le fait de n'avoir aucune fonction officielle lui offre un couloir d'opportunité très large, contraignent aux fonctionnaires et aux hommes politiques, pour s'en prendre à la hiérarchie militaire."
Quelles ambitions ?
Et le principal concerné l'a bien compris. Ces dernières semaines, il n'a pas hésité à directement pointer les forces régulières et leur hiérarchie. Le 5 mai dernier, il se retrouvait au milieu de cadavres dans une colère noire et s'adressait directement au ministre de la Défense, Sergueï Choïgou : "Choïgou, Guérassimov, où son les munitions ? Ce sont les gars de Wagner qui sont morts aujourd'hui (...). Si vous aviez donné des munitions, il y en aurait eu cinq fois moins."
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De force d'appoint, Prigojine se démène pour se présenter comme force militaire principale. L'homme de l'ombre entre dans la lumière pour tout renverser. Les rapports de force sont bousculés, jusqu'à faire craindre la montée en puissance de cet électron libre. Certains laisseraient même entendre que c'est le Kremlin que viserait l'ombre de Poutine. Mais cette hypothèse serait prématurée pour de nombreux spécialistes. Dans les colonnes du Figaro, la politologue Tatiana Stanovaya rappelle qu'il reste avant tout "un entrepreneur guidé par ses affaires et les bénéfices qu'il peut en retirer." En cela, il resterait sous la coupole de Moscou aussi longtemps que le business le nécessite.
Mais dans un récent sondage sur les personnalités les plus médiatiques en Russie, Prigojine prenait la seconde place avec 2%, loin derrière Poutine (30%) mais devant le principal adversaire du Kremlin, Alexeï Navalny (1,8%). Ce regain de popularité pourrait jouer contre cet homme de main. Car comme le remarquent de nombreux spécialistes de la Russie, les hommes qui commencent à faire trop d'ombre finissent soit par être licenciés, soit par être liquidés.