Comment Moscou a mobilisé de "faux manifestants" pro-russes à travers l'Europe

Une enquête menée par un consortium de médias a identifié des "faux manifestants" directement liés à des personnes installées en Russie.

Drapeau russe
Un drapeau russe à l’ambassade de Russie de Varsovie (Pologne), le 22 janvier 2023 ©BelgaImage

À Bruxelles, Paris, Madrid ou encore La Haye, la même image circule sur les réseaux sociaux. Dans toutes ces capitales, on voit des hommes tenir des pancartes critiquant l'Ukraine, l'UE, l'OTAN ou encore la Turquie. De quoi conclure qu'il existe un mouvement pro-russe de masse? Pas vraiment. Car à y regarder de plus près, on y voit à chaque fois trois hommes, toujours les mêmes d'un pays à l'autre. C'est ce que pointe une enquête menée par un consortium composé du Süddeutsche Zeitung, NDR, WDR (Allemagne), Le Monde (France), Expressen (Suède) et des radiodiffuseurs scandinaves DR (Danemark), NRK (Norvège) et SVT (Suède). Mais les révélations ne s'arrêtent pas là. Car comme le précise DR en se basant sur des documents ici révélés, ces "faux manifestants" sont en réalité directement liés aux services de renseignement russes et destinés à "attiser les divisions en Europe à propos de la guerre en Ukraine".

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Une stratégie codifiée

Les actions de ces prétendus manifestants sont calibrées pour causer un maximum de dégât avec le moins d'hommes possible. Le Süddeutsche Zeitung note par exemple que ces hommes s'en prennent à la Turquie pour faire croire qu'il existe un large sentiment anti-islamique en Europe, ce qui peut jouer un rôle lors des élections générales turques de dimanche prochain mais aussi retarder l'entrée de la Suède dans l'OTAN. Souvent, ces hommes s'infiltrent dans des manifestations lambda (réforme des retraites, pénurie d'infirmières, climat, etc.) afin de faire croire que l'opposition à l'Ukraine est partagée par un grand nombre de personnes.

Une fois que ce matériel de propagande a été créé, le tout est envoyé à Saint-Pétersbourg où la diffusion sur les réseaux sociaux est ensuite organisée, ajoute le quotidien allemand. Ces trois hommes ont été identifiés mais aucun n'a voulu répondre aux questions du consortium.

"Des gouttes d'eau dans un très grand seau de désinformation"

Le rapport russe dévoilé par cette alliance de médias note que du point de vue des propagandistes russes, leur action serait une grande réussite. Toutefois, ce n'est visiblement pas le cas des contenus liés à ce trio, puisque leurs publications n'ont généré que très peu de réactions, sans compter qu'une partie de ces dernières proviennent manifestement de faux comptes destinés à faire croire à une adhésion du public.

Suite à ses révélations, le journaliste Rien Emmery de la cellule de désinformation de la VRT NWS conclut que l'impact de cette action de propagande devrait être assez limité. "Les messages auraient atteint 350.000 personnes dans le monde, mais ce n'est pas vraiment beaucoup", dit-il. "De telles petites actions, coûtant au maximum plusieurs centaines d'euros, ne sont que des gouttes d'eau dans un très grand seau de désinformation. Ce n'est peut-être pas la campagne la plus efficace, mais elle peut avoir un certain effet dans les pays voisins de la Russie".

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