
Guerre en Ukraine : comment l’Afrique du Sud veut éviter l’arrestation de Poutine

Passer les menottes à un président, même celui d’un pays autoritaire comme la Russie de Vladimir Poutine ? Pour beaucoup de chefs d’Etat, la perspective d’arrêter un homologue a de quoi rebuter, tant les mandats d’arrêt visant un chef d’Etat en exercice compliquent toujours les relations diplomatiques et (surtout ?) économiques.
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Plus d’un an après le début de la guerre en Ukraine, la question embarrasse le président sud-africain Cyril Ramaphosa. Pour rappel, au mois de mars 2023, la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d'arrêt international contre le maître du Kremlin, accusé d'avoir «déporté» des enfants ukrainiens.
Les États membres de la CPI -l’Afrique du Sud en fait partie- sont tenus de procéder à l'interpellation de Poutine si celui-ci venait à pénétrer sur leur territoire. Or, la ville de Durban accueillera au mois d’août le 15e sommet des BRICS, une alliance de pays regroupant l'Afrique du Sud, le Brésil, la Chine, l'Inde et… la Russie.
Puissance diplomatique africaine, l’Afrique du Sud refuse de condamner l’invasion russe en Ukraine, affirmant adopter une position neutre pour être en mesure de «jouer un rôle dans la résolution des conflits». En février dernier, le pays a par ailleurs accueilli en février des exercices navals avec la Russie et la Chine au large de ses côtes.
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Rétropédalage
Depuis l’émission du mandat d’arrêt, les autorités sud-africaines ont annoncé attendre «un avis juridique actualisé sur la question». Certains juristes assurent en effet qu’il faut respecter l’immunité des chefs d’Etats n’ayant pas adhéré à la CPI -comme la Russie- et qu’à ce titre, Pretoria n’aurait en réalité pas l’obligation d’arrêter Vladimir Poutine si celui-ci décidait de venir dans le pays.
Fin avril, un épisode a illustré la gêne du gouvernement de Cyril Ramaphosa sur cette potentielle arrestation. En marge d’une réunion du parti majoritaire ANC (Congrès national africain), son secrétaire général, Fikile Mbalula, avait jugé : «Poutine peut venir à tout moment dans ce pays», ajoutant : «La CPI ne sert pas les intérêts de tous, mais ceux de quelques-uns».
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Dans la foulée, le président sud-africain lui-même commentait : «le parti au pouvoir a tranché, estimant prudent que l’Afrique du Sud se retire de la CPI», disant réfléchir à l’opportunité ou non d’arrêter Vladimir Poutine. Quelques jours après, Cyril Ramaphosa rétropédalait, invoquant une «erreur» de communication. «La présidence souhaite clarifier le fait que l’Afrique du Sud reste signataire du Statut de Rome (...) Cette clarification fait suite à un commentaire erroné lors d’une conférence de presse de l’ANC».
Se retirer de la CPI ne changerait d'ailleurs légalement rien pour l’Afrique du Sud, qui serait toujours tenue d’arrêter Poutine, un retrait de la CPI prenant plus d’un an pour être effectif.
Le précédent Omar Al-Bachir
Entre-temps, la commission créée pour l’occasion aurait rendu ses conclusions. Celles-ci seraient claires : «Nous n'avons pas le choix de ne pas arrêter Poutine, ont indiqué des sources gouvernementales sud-africaines au Sunday Times. S'il vient ici, nous serons obligés de le détenir».
En coulisse, on s’activerait donc pour convaincre le maître du Kremlin de ne pas faire le voyage jusqu’à Durban. Un précédent pourrait toutefois convaincre Poutine de se rendre en Afrique du Sud.
En 2015, Omar Al-Bachir, alors président du Soudan sous le coup de deux mandats d’arrêts de la CPI (pour génocide et crimes contre l’humanité) avait pu se rendre à Johannesburg, sans être inquiété par son homologue sud-africain de l’époque, Jacob Zuma. Et ce, malgré le fait que trois juges de Pretoria avaient ordonné de retenir Omar Al-Bachir sur le sol sud-africain…