Comment un «serial» donneur de sperme a provoqué plus de 500 naissances avant d’être rattrapé

Aux Pays-Bas, la justice a interdit à Jonathan Meijer de donner son sperme. L’homme serait à l’origine de 550 à 600 naissances nés de ses dons. Et ce, un peu partout dans le monde, dont en Belgique.

Comment un «serial» donneur de sperme a engendré plus de 500 naissances avant d’être rattrapé
© Adobe Stock

Le « serial-donneur » a finalement été arrêté. Ce vendredi 28 avril, le tribunal de La Haye (Pays-Bas) a interdit à Jonathan Meijer de faire désormais don de ses gamètes. Si ce musicien et vidéaste néerlandais de 41 ans s’obstine malgré tout à disséminer ses spermatozoïdes, il sera condamné à une amende de 100.000 euros par don aussi bien aux Pays-Bas que dans d’autres pays.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

La Fondation Donorkind – qui défend les enfants néerlandais issus de dons – et une série de parents avaient déposé plainte contre lui. La justice leur a donné raison, invoquant le bien-être mental des familles et «le bien-être psychosocial» d’enfants qui découvriraient qu’ils ont «des centaines de demi-frères et de demi-sœurs».

Dénoncé par les plaignants comme un adepte de la «pulsion reproductive», Jonathan Meijer avait déjà enfreint, en 2017, la loi néerlandaise, qui fixe une limite maximale de 25 enfants (et 12 mères différentes) par donneur. Cette limite vise notamment à éviter la consanguinité et l’inceste entre les enfants, qui pourraient se rencontrer sans le savoir au cours de leur vie. À l’époque, Jonathan Meijer était suspecté d’avoir été à l’origine d’une centaine de naissance.

 

 

Comme les centres de fertilité n’échangent pas leurs données les uns avec les autres, Jonathan Meijer est parvenu à passer sous les radars depuis plus d’une décennie (il a commencé à donner sa semence en 2007). Après 2017, il continué sa pratique en proposant ses services en ligne, ou à des cliniques étrangères.

Conséquence : aujourd’hui, l’estimation la plus basse fait de lui le père biologique de 550 à 600 enfants nés de ses dons. Mais il n’est pas impossible qu’il ait pu favoriser jusqu’à un millier de naissances au total, sur plusieurs continents.

«Le donateur a délibérément mal informé les futurs parents"

Devant le tribunal, Meijer a souligné qu’il était lui-même issu d’une famille très nombreuse. L’homme a mis en avant sa volonté d’aider des couples stériles et le droit de chacun à donner la vie ; il a d’ailleurs qualifié la demande des plaignants de «castration juridique».

Motivant sa décision de condamner le prévenu à une lourde amende en cas de nouveau don, le tribunal a argué des conséquences psychosociales négatives pour les enfants nés.

«Le donateur a délibérément mal informé les futurs parents sur le nombre des enfants qu’il avait déjà engendrés dans le passé», a souligné le tribunal, ajoutant que les familles sont désormais confrontées au fait que leurs enfants «font partie d’un vaste réseau de parenté, avec des centaines de demi-frères et sœurs, qu’ils n’ont pas choisis».

Bientôt un registre des donneurs?

En Belgique, les dons d’un même donneur ne peuvent conduire à la naissance d’enfants chez plus de six femmes différentes, et sont, sauf dans le cas d’une procédure dite de "don connu dirigé", toujours anonymes. Le Comité consultatif de bioéthique a toutefois recommandé fin 2022 de lever l’anonymat obligatoire du donneur.

Une Flamande ayant bénéficié d’une insémination dans une clinique est partie elle-même à la recherche du donneur. Elle a découvert qu’il s’agissait de Meijer. Ce dernier lui a assuré répondu qu’il avait été père d’une douzaine d’enfants au maximum. Trois ans plus tard - elle a eu entre-temps une fille en bonne santé – elle s’est rendu compte de la supercherie. «J’ai trouvé horrible qu’il ait menti, et surtout que l’histoire que je raconterai à ma fille sur sa conception ne soit pas du tout belle», a-t-elle expliqué dans l’émission Terzake" de la VRT.

🡢 À lire aussi : Le don de sperme en cinq chiffres

 

 

Sur le plateau, la présidente de l’ASBL belge Donorkinderen, Steph Raeymaekers, a indiqué qu’il existait de fortes suspicions que les hôpitaux belges aient utilisé le sperme de Jonathan Meijer. Elle a reproché au gouvernement de «n’avoir pas ouvert d’enquête alors qu’il apparaissait déjà en 2017 que le nombre maximum d’enfants nés de ce donneur a été largement dépassé».

La Belgique ne tient pas de registre quant aux donneurs de sperme. Le ministre des affaires sociales et de la santé publique, Frank Vandenbroucke, a promis une réforme avant la fin de l’année et exigé de tous les centres de lutte contre l’infertilité qu’ils enquêtent sur l’origine de l’ensemble des dons en leur possession.

 

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité