

Moscou a-t-elle réussi à franchir un nouveau pas dans la guerre technologique? C'est une possibilité à en croire le Washington Post. Sur base des documents qui auraient fuité du Pentagone, le journal américain affirme que la Russie testerait un système permettant de s'attaquer aux satellites Starlink de SpaceX, dont Kiev se sert dans le cadre de la guerre en Ukraine. Autrement dit, si cela se confirme, le Kremlin pourrait tenter de brouiller le réseau satellitaire qui sert à garantir la connexion internet en Ukraine, y compris sur la ligne de front. Une arme qui pourrait s'avérer redoutable, tant elle est stratégique. Mais ce que ne dit pas l'histoire, c'est que ce n'est pas la première fois que ce dispositif, dénommé Tobol, fait l'objet de discussions en Occident. Le premier à en avoir pointé l'existence est d'ailleurs un chercheur belge russophone, Bart Hendrickx.
La première mention de Tobol remonte à novembre 2020, bien avant le début de la guerre. Bart Hendrickx révèle alors l'existence de ce projet, également connu sous le nom de code 14Ts227, sur le site spécialisé The Space Review. À l'époque, il est déjà clair que Moscou voulait franchir une nouvelle étape dans la "guerre électronique". La nature exacte de Tobol restait toutefois encore assez floue. Le chercheur pense alors que le Kremlin cherche surtout à protéger ses propres satellites via ce dispositif, bien que l'hypothèse d'une attaque sur des satellites de pays ennemis ne soit pas totalement écartée.
Ce n'est qu'avec le début de la guerre en Ukraine que le brouillard se dissipe peu à peu. Hendrickx note dès lors l'existence d'un projet dénommé "Rasshireniye" ("Expansion") où il est question de "complexes spécialisés pour les attaques électroniques contre des cibles spatiales qui utilisent les capacités technologiques du système Tobol". Il apparaît alors de plus en plus clair que Tobol peut en effet constituer une arme à part entière.
C'est cette hypothèse qui semble aujourd'hui se confirmer avec l'enquête du Washington Post, où il est fait explicitement mention de Tobol comme d'un outil d'attaque. Le système est réparti sur sept stations, dont trois pouvant servir à nuire à l'Ukraine (basés en l'occurrence en Crimée, à Moscou et à Kaliningrad). De là, il pourrait servir à brouiller les communications entre les satellites et les receveurs au sol, potentiellement via un signal parasite.
Les documents analysés par le quotidien, qui datent de mars 2023, ne lèvent cependant pas tous les doutes. Impossible par exemple de savoir si la Russie a réussi à utiliser Tobol avec succès pour neutraliser des satellites Starlink. Cela est probable, puisque Kiev a fait état l'année dernière de dysfonctionnements, ce qui l'avait d'ailleurs incité à chercher d'autres partenaires qu'Elon Musk pour diversifier son réseau. Est-ce que Tobol était derrière ces problèmes électroniques? La question est posée. L'Ukaine se dit en tout cas consciente des manœuvres de la Russie pour tendre vers ce type d'objectif et assure mettre en place "des mesures afin de les neutraliser".