Le dollar bientôt menacé par une monnaie commune des BRICS?

Pékin, Moscou, Brasilia, New Delhi et Pretoria imaginent la création d'une monnaie commune qui représenterait un gros défi pour le dollar... à condition que si cela se concrétise.

Billets de dollar
Des billets de dollar, le 23 juin 2022 à Buenos Aires ©BelgaImage

Ce 11 avril, peu après avoir reçu Emmanuel Macron, le président chinois Xi Jinping a accueilli son homologue brésilien Lula. La guerre en Ukraine figurait évidemment au menu des discussions mais il était aussi question d'économie, et plus précisément de celle des BRICS. Cette alliance regroupe en une organisation les plus grands États non-alignés sur la politique occidentale, à savoir la Chine et le Brésil mais aussi la Russie, l'Inde et l'Afrique du Sud. Ce concurrent du G7, créé par Lula en 2007, voit désormais les choses en grand. Au programme: ni plus ni moins que la création d'une monnaie commune à ces cinq pays. Une façon de contester la toute puissance du dollar américain, qui serait de toute évidence très impacté par un tel projet. Mais ce dernier est-il seulement réalisable?

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Le poids économique très important des BRICS

En soi, les BRICS ont quelques atouts à faire valoir. Ensemble, ils représentent plus de 3,2 milliards d'habitants, soit une bonne partie de l'humanité qui compte aujourd'hui plus de 8 milliards d'individus, ainsi que 31,5% du PIB mondial. Excepté l'Afrique du Sud, tous ces pays figurent parmi les 11 États les plus puissants du monde (en termes de PIB nominal) et leurs ressources économiques sont importantes. La Chine fait toujours figure d'usine du monde, la Russie est connue pour ses ressources énergétiques, le Brésil peut compter sur son agriculture prospère et ses puits pétroliers, etc. Depuis 2014, l'alliance dispose même d'une banque de développement, basée à Shanghai.

En résumé, les BRICS comptent sur la scène mondiale, et c'est bien ce qui leur permet aujourd'hui d'envisager des véritables plans d'action commun, comme avec cette idée de monnaie commune. Pour Sylvie Matelly, économiste et directrice adjointe de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), la perspective de voir débarquer cette nouvelle monnaie est particulièrement appréciée à Moscou. "Alors que Vladimir Poutine est sanctionné par la plus grande partie des pays occidentaux, soit une part assez énorme de l'économie mondiale, il veut resserrer les liens avec ses partenaires. À commencer par les BRICS, pour créer un instrument de paiement alternatif au dollar puisqu'il est sanctionné et qu'il a du mal à s'approvisionner autour du dollar", explique-t-elle à France Info.

Un projet encore vague et très incertain

Ces cinq pays espèrent donc un jour contester l'omnipotence de ce dollar qui les incommode. Reste qu'en l'état, une "monnaie BRICS" ne semble pas prête de voir le jour. Ses membres ne sont pas aussi unis que ceux de la zone euro, y compris sur le plan politique, et ceux-ci ont des économies très différentes qui ne sont pas du tout coordonnées. La croissance chinoise, moteur économique du groupe, a perdu de sa superbe, et certains pays sont même littéralement en crise, comme la Russie. Puis il existe des projets concurrents. Le Brésil imagine par exemple la création d'une monnaie commune avec l'Argentine, qui ne fait pas partie des BRICS.

Puis il y a un autre problème à ce projet de monnaie commune. Comme l'explique au Financial Times Paul McNamara, directeur des investissements chez GAM Investiments, cela accroîtrait la domination de la Chine sur l'ensemble des BRICS, vu sa stature de deuxième puissance mondiale. Est-ce que des pays comme la Russie, qui dépend déjà de plus en plus de Pékin, vont prendre le risque de devenir des sortes de pions économiques du Parti communiste chinois ? Certes, cette "monnaie BRICS" pourrait défier le dollar, mais elle pourrait surtout faire figure de "super yuan".

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