Présidentielle de 2024, prison… 5 questions sur l’inculpation historique de Donald Trump

Jeudi, un grand jury d’un tribunal de New York a voté en faveur de l’inculpation au pénal de l’ancien président américain, candidat à la primaire républicaine pour 2024.

Selon CNN, le milliardaire de 76 ans fait l’objet de trente chefs d’accusation @BELGAIMAGE

C’est sans précédent dans l’histoire : un ancien locataire de la Maison Blanche inculpé au pénal. Jeudi, la presse américaine a annoncé qu’un grand jury de New-York avait voté en ce sens.

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Le bureau du procureur de Manhattan, Alvin Bragg, a confirmé dans la soirée que les avocats de Donald Trump, 45e président des États-Unis, avaient été contactés pour déterminer le jour où ce dernier devrait «se livrer».

Qu’est-il reproché à Donald Trump ?

Selon CNN, le milliardaire de 76 ans fait l’objet de trente chefs d’accusation. Ceux-ci n’ont pas encore été révélés, l’acte d’inculpation étant toujours sous scellés. Il est reproché à l’ex-promoteur immobilier un versement de 130.000 dollars à l'actrice et réalisatrice de films pornographiques Stormy Daniels.

Trump est soupçonné d'avoir eu une liaison extraconjugale  et d'avoir voulu acheter le silence de Stormy Daniels (ce que, contrairement à l’actrice, il nie). Cette affaire est survenue juste avant la présidentielle de novembre 2016 remportée par le milliardaire contre la démocrate Hillary Clinton.

 

Trump pourrait être accusé d’avoir falsifié des documents commerciaux pour faire passer le paiement à Stormy Daniels, de son vrai nom Stephanie Clifford, pour des frais d’avocats. Les 130.000 dollars n’auraient pas été déclarés dans les comptes de campagne du candidat républicain-  ce qui serait une violation des lois électorales de l’État de New York-  et auraient été enregistrés comme «frais juridiques » dans les comptes de son entreprise, dont le siège est situé à New York.

Quelles sont les réactions à cette inculpation ?

Dès l'annonce de son inculpation ce jeudi soir, Donald Trump a bien évidemment dénoncé une «persécution politique, une ingérence dans l'élection et une chasse aux sorcières», et a clamé son innocence. Il a assuré que cela se retournerait «violemment» contre le président Joe Biden. «Alvin Bragg[ le procureur new-yorkais, pour rappel] a endommagé de façon irréparable notre pays en tentant d’interférer dans notre élection présidentielle», a lâché le Républicain Kevin McCarthy, le speaker de la Chambre des représentants, sur Twitter.

Ni Joe Biden ni la Maison Blanche n’avaient communiqué là-dessus jeudi soir.

Que doit-il se passer dans les prochains jours ?

«Nous avons contacté ce soir [jeudi] l'avocat de M. Trump pour coordonner sa reddition devant le procureur du district de Manhattan (Alvin Bragg) pour une audience d'inculpation devant une cour suprême» de New York, a indiqué dans un communiqué un porte-parole du parquet de Manhattan, sans donner de date pour cette «reddition».

L’avocate de Trump, Susan Necheles, a dit s’attendre à ce que cette convocation, et la lecture de l’acte d’accusation aient lieu mardi. Donald Trump pourra alors accepter de se rendre volontairement à cette convocation... ou faire acte de «résistance», et refuser. Il risque une arrestation, dans ce cas. Selon les médias américains, l’ancien président devrait accepter de se présenter de lui-même devant la justice.

 

 

C’est lors de cette audience que son inculpation dans l’affaire Stormy Daniels lui sera officiellement signifiée. La suite sera inédite : «il sera photographié, ses empreintes digitales seront enregistrées et Trump sera présenté à un juge qui lui demandera ce qu’il compte plaider : c’est certain qu’il dira “non coupable”», a expliqué au Huffington Post Carl Tobias, professeur de droit à l’Université de Richmond, en Virginie.

Ses avocats devraient ensuite commencer une longue guérilla judiciaire, dans le but de faire invalider cette inculpation. Si cela échoue, soit les charges contre Trump finiront par être abandonnées, soit celui-ci passera un accord avec la justice en acceptant de plaider coupable en échange d’une peine allégée, soit un procès finira par voir le jour, après une série de procédures juridiques.

Donald Trump, en prison ?

On le voit, le parcours juridique de Trump avant potentiellement d’être condamné à un séjour derrière les barreaux pourrait s’avérer très long. Tout dépendra des charges qui seront retenues contre lui et s'il est reconnu coupable après un procès.

La condamnation de Donald Trump serait loin d’être acquise dans l’affaire Stormy Daniels, malgré le fait que des éléments matériels solides figurent au dossier, comme les chèques signés par Donald Trump ou des enregistrements audio. Une violation des règles de financement des campagnes électorales est en tout cas considérée comme un délit de faible gravité, passible d’une peine maximale de quatre ans de prison, selon la loi de l’État de New York expliquait le Washington Post.

Mais les chefs d’accusation peuvent être revus à la baisse et les peines varient au cas par cas (notamment en fonction du casier judiciaire). Il semble donc improbable que Donald Trump soit condamné à une peine de prison effective, dans cette affaire en tout cas.

Peut-il toujours être candidat à un deuxième mandat ?

Oui. Aux États-Unis, une personne accusée au pénal ou condamnée peut être candidate à n’importe quelle poste et élue, sauf dans le cas d’une participation à une «insurrection» ou à une «rébellion » contre les États-Unis. Donald Trump, qui s’est lancé dès novembre dernier dans la course à la présidentielle de 2024, fait justement l’objet d’une enquête de la justice fédérale pour son rôle dans l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021 ; aucune charge n’a été à ce stade retenue contre lui.

Trump pourrait hypothétiquement faire compagne depuis sa cellule (mais quid en cas de victoire ??) ; en 1920, le socialiste Eugene Debs, opposé à la Première Guerre mondiale, avait fait campagne pour la présidence des États-Unis depuis sa cellule d'Atlanta. Et avait recueilli 3,4% des suffrages.

Du point de vue de Trump, cette inculpation ne fait que conforter sa stratégie actuelle dénonçant un supposé «Etat profond» qui œuvrerait à la fois à sa perte et à la décadence du pays. Persévérer dans son entreprise de victimisation et gagner du temps, pour espérer parasiter l’élection présidentielle de 2024 avec son calendrier judiciaire : la ligne de Trump paraît claire. Reste à voir l’impact politique de l’affaire. Certains sondages placeraient président au-delà de la barre de 50 % pour la primaire républicaine.

 

 

Jeudi soir, l’équipe de campagne du candidat proposait déjà à ses partisans d’acquérir un tee-shirt portant l’inscription «I stand with Trump » (« je me tiens aux côtés de Trump»), avec la date de l’inculpation, le 30 mars 2023. Le tout, moyennant le paiement de 47 dollars.

Les autres candidats aux primaires républicaines devront en tout cas se positionner: soit prendre le parti du prévenu, en pariant que son incarcération potentielle va booster sa cote de popularité, soit prendre leurs distances, tablant au contraire sur ce potentiel handicap judiciaire. L'inculpation de Donald Trump est «contraire aux valeurs de l'Amérique», a ainsi dénoncé son rival républicain Ron DeSantis, critiquant une «instrumentalisation du système judiciaire».

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