
Crédit Suisse, SVB... Va-t-on vers un remake de la crise financière de 2008 ?
Va-t-on vers un remake de la crise financière de 2008? Depuis une semaine, cette question traverse l’esprit de tous les spécialistes de la finance. De leur côté, les consommateurs s’interrogent aussi et craignent à juste titre pour leur épargne. Pour les rassurer, on répondra que cette dernière est protégée jusqu’à 100.000 € par groupe bancaire. Si l’État ne fait pas faillite... L’économiste en chef d’ING Philippe Ledent insiste pour ne pas dramatiser. “La situation n’est pas celle de 2008. Du moins, pas encore…” Car si à première vue la faillite de la Silicon Valley Bank et les difficultés du Crédit Suisse sont de nature différente, l’économiste évoque un contexte général peu favorable.
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Récapitulons. SVB était une banque particulière. Sa clientèle était composée essentiellement de start-up, soit des entreprises high-tech qui lèvent des fonds importants, mais génèrent peu ou pas de profits. Sa déroute est liée à deux facteurs. D’un côté, SVB a été impactée par plusieurs accidents dans le monde de la crypto dont la faillite de la plateforme FTX. De l’autre, par une baisse des nouveaux dépôts - qui sont nécessaires à sa viabilité. Un élan de panique s’est enclenché et de nombreux clients ont retiré l’argent de leurs comptes. Les autorités américaines ont été contraintes d’éteindre l’incendie.
La situation du Crédit Suisse est différente. La banque helvète était en mauvaise posture depuis au moins deux ans notamment en raison de pratiques douteuses comme des prêts qui auraient servi à financer des pots-de-vin. Le dernier rapport annuel reconnaissait des “faiblesses substantielles” dans ses contrôles internes. En l’espace d’une année seulement, la valeur de son action a été divisée par quatre. La goutte d’eau a été l’annonce de la Saudi National Bank, premier actionnaire, de ne pas augmenter son soutien au Crédit Suisse en cas de difficultés. Là aussi, un “bank run” a été constaté.
Les deux affaires ne sont donc en soi pas liées, mais il ne s’agit pas pleinement d’un hasard de calendrier malheureux. Philippe Ledent rappelle que ces deux événements se déroulent dans un climat de remontée des taux. Cela entraîne la situation suivante: les dépôts coûtent plus cher aux banques, car les taux d’intérêt au profit des épargnants augmentent alors que les actifs, surtout les crédits à taux fixe et historiquement bas, rapportent moins en valeur réelle. Un décalage apparaît par conséquent et l’institution voit ses coûts augmenter. Si celle-ci n’a pas les épaules assez solides, c’est-à-dire une trésorerie pour assumer la transition, des problèmes apparaissent. C’est en partie ce qui s’est passé tant dans la banque américaine que dans l’européenne.
D’autres déroutes sont-elles à prévoir? Les investisseurs, qui vendent leurs actions bancaires en masse, semblent le penser. De son côté, Philippe Ledent rassure à ce stade. Selon lui, “l’impact devrait être limité pour les banques européennes et certainement belges”.
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Le Crédit Suisse est-il sauvé?
Le Crédit Suisse est la deuxième banque la plus importante du pays. Les autorités ne pouvaient donc pas la laisser couler. Elles ont réussi à convaincre UBS de reprendre son rival pour 3 milliards d’euros. Selon le président helvète Alain Berset, ce rachat était nécessaire pour rétablir la confiance des Suisses, mais aussi la stabilité de l’ensemble du système financier. Évidemment, les dommages du Crédit Suisse sont supérieurs aux 3 milliards. C’est pourquoi, outre ce rachat, la Banque centrale suisse a lancé une bouée de sauvetage de 50 milliards. UBS bénéficie d’une garantie de 9 milliards, sorte d’assurance en cas de problèmes liés à des portefeuilles problématiques du Crédit Suisse.
L’indice boursier
Malgré ce rachat historique du Crédit Suisse par UBS, l’action Crédit Suisse a ouvert la séance de lundi autour de 71 centimes à la Bourse suisse, soit une valeur en baisse de - 62 % par rapport à vendredi dernier. Aux quatre coins du monde, de l’Asie à l’Europe, la situation est peu favorable. En début de semaine, la plupart des banques connaissaient une déroute. BNP Paribas chutait de 10,92 % et ING de 9,50 %. Pour rappel, le Crédit Suisse fait partie des 30 établissements bancaires “trop importants pour faire faillite”. Si cela se produisait, la crise serait généralisée. À ce moment-là, on pourrait vraiment faire le parallèle avec 2008.
Resserrer les taux?
En économie et en finance, n’importe quel spécialiste le dira, il faut beaucoup de sang-froid. Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, ne se laisse manifestement pas atteindre par la tempête bancaire - on espère pour le meilleur… La BCE a annoncé maintenir sa politique de remontée des taux. L’objectif est toujours le même: lutter contre l’inflation. Selon Christine Lagarde, les banques de la zone euro sont suffisamment “solides” et “résilientes” pour assumer le risque. Elle a par ailleurs promis que la BCE était prête à “intervenir si nécessaire pour protéger le système financier”. Comprenez: en injectant des liquidités si une institution bancaire devait connaître une chute majeure.